Dans une longue interview au Figaro, Nicolas Sarkozy est revenu sur la guerre en Ukraine et les éventuelles solutions pour retrouver le chemin de la paix.L'ancien président estime un compromis indispensable et pense que la Crimée ne sera pas, à terme, arraché à Moscou.D'un autre côté, Kiev ne doit rentrer ni dans l'Otan ni dans l'Union européenne, mais plutôt rester neutre, analyse-t-il.
C'est une voix dissonante dans le paysage politique français, et même européen. Dans une longue interview accordée au Figaro ce mardi, Nicolas Sarkozy a défendu la nécessité de trouver des solutions d'équilibre en vue de la résolution entre la Russie et l'Ukraine. Autrement dit, la situation impose de ne pas avoir une lecture manichéenne mais plutôt, selon lui, de travailler à des compromis.
Et cela commence par les territoires conquis par Moscou. "L'annexion de la Crimée en 2014 a constitué une violation évidente du droit international. Mais s'agissant de ce territoire, qui était russe jusqu'en 1954 et dont une majorité de la population s'est toujours sentie russe, je pense que tout retour en arrière est illusoire. Même si j'estime qu'un référendum incontestable, c'est-à-dire organisé sous strict contrôle de la communauté internationale, sera nécessaire pour entériner l'état de fait actuel", souligne l'ancien président de la République.
Miser sur le référendum "incontestable"
La réflexion développée "pour les territoires disputés de l'est et du sud de l'Ukraine" est dans la même veine. "Tout dépendra de l'évolution de la situation sur le terrain. Si les Ukrainiens ne parviennent pas complètement à les reconquérir, le choix sera alors entre un conflit gelé - dont on sait qu'il conduira inévitablement demain à un nouveau conflit chaud - ou une sortie par le haut en recourant, là encore, à des référendums strictement encadrés par la communauté internationale pour trancher ces questions territoriales de façon définitive", juge-t-il chez nos confrères.
Plus largement, les Russes "sont différents de nous. La discussion est toujours difficile et a suscité beaucoup de malentendus dans notre histoire commune". "Malgré cela, nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de nous", fait valoir l'ex-dirigeant. "Vladimir Poutine a eu tort. Ce qu'il a fait est grave et se traduit par un échec. Mais une fois que l'on a dit cela, il faut avancer et trouver une voie de sortie. La Russie est voisine de l'Europe et le restera", continue-t-il, jugeant que le président russe n'est "pas irrationnel".
Privilégier la "diplomatie et l'échange"
Par conséquent, "il faut donc prendre le risque de sortir de cette impasse, car, sur le sujet, les intérêts européens ne sont pas alignés sur les intérêts américains. On ne peut pas s'en tenir à l'idée étrange de 'faire la guerre sans la faire'", ajoute celui qui a présidé la France de 2007 à 2012. "La diplomatie, l'échange, la discussion restent les seuls moyens de trouver une solution acceptable. Sans compromis, rien ne sera possible et nous courrons le risque que les choses dégénèrent à tout moment. Cette poudrière peut avoir des conséquences redoutables", appuie-t-il.
L'Ukraine doit rester un pays neutre
Nicolas Sarkozy
Pour ce qui est des perspectives, là encore, l'ancien chef de file de l'UMP, sous le coup de multiples procédures judiciaires, défend une solution intermédiaire. "L'Ukraine est un trait d'union entre l'Ouest et l'Est, a une vocation de pont entre l'Europe et la Russie. Il faut qu'elle le reste", défend-il, mettant en avant le fait que "forcer l'Ukraine à choisir entre ces deux entités me paraît contraire à l'histoire et la géographie de cette région si complexe". "On est en train de faire des promesses fallacieuses qui ne seront pas tenues", déplore-t-il.
Dans le détail, "ce n'est pas seulement parce que l'Ukraine n'est pas prête et qu'elle ne répond pas aux critères fixés pour l'adhésion (qu'elle ne doit pas intégrer l'UE et l'Otan). Mais parce qu'elle doit rester un pays neutre", appelle Nicolas Sarkozy. "Je ne vois pas en quoi cette neutralité serait une insulte. Elle pourrait d'ailleurs être garantie par un accord international prévoyant des assurances de sécurité extrêmement fortes pour la protéger de tout risque de nouvelle agression", développe-t-il encore.