Adhésion à l'Otan : Sanna Marin et Magdalena Andersson, les Premières ministres qui défient Poutine

par Fanny ROCHER Fanny Rocher
Publié le 18 avril 2022 à 19h37
Magdalena Andersson et Sanna Marin à Stockholm, le 13 avril 2022
Magdalena Andersson et Sanna Marin à Stockholm, le 13 avril 2022 - Source : Paul WENNERHOLM / TT News Agency / AFP

Neutres (ou presque), la Suède et la Finlande se sont jusqu'à présent tenues à l'écart de l'Otan.
Mais l'invasion russe en Ukraine a rebattu les cartes et Stockholm comme Helsinki envisagent désormais d'y adhérer.
Un revirement historique incarné par les Premières ministres des deux pays, Sanna Marin et Magdalena Andersson.

"Tout a changé quand la Russie a envahi l'Ukraine." Ces mots, prononcés par la Première ministre finlandaise Sanna Marin, reflètent à quel point l'agression russe de l'Ukraine a rebattu les cartes de la géopolitique mondiale. Depuis le début de l'invasion, le 24 février dernier, la Finlande et la Suède, très attachées à leurs lignes de non-alliance militaire, envisagent désormais de rejoindre l'Otan, pour se protéger d'une éventuelle attaque russe.

Alors que les autres voisins nordiques et baltes sont tous déjà membres de l'alliance - la Norvège, le Danemark et l'Islande dès sa fondation en 1949, la Pologne depuis 1999 et l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie depuis 2004 -, la Finlande et la Suède n'ont que le statut de partenaire de l'Otan, et ne bénéficient donc pas de la protection conférée par l'article 5 du traité. Selon ce dernier, "une attaque armée" contre l'un des pays-membres "sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties". En conséquence, les autres pays peuvent venir en aide le membre de l'Otan attaqué, notamment militairement.  

L’état d’esprit des Finlandais comme les Suédois s’est transformé radicalement à cause des actes de la Russie
Sanna Marin

Si les deux pays n'ont sont pas au même stade de réflexion quant à une éventuelle adhésion à l'Otan, le débat est lancé, tant à Helsinki qu'à Stockholm, sous l'impulsion des deux chefs de gouvernement : Sanna Marin en Finlande et Magdalena Andersson en Suède. La première, à la tête de son pays depuis décembre 2019, est la plus jeune cheffe du gouvernement de l'histoire de la Finlande. La deuxième, élue en novembre 2021, est la première Suédoise à occuper le poste.

Dans ce dossier, les deux femmes, à la tête de pays où la question d'une adhésion à l'Otan ne se posait pas il y a deux mois, avancent conjointement. Sanna Marin s'est d'ailleurs rendue en Suède la semaine dernière pour en discuter. "L’état d’esprit des Finlandais comme les Suédois s’est transformé radicalement à cause des actes de la Russie, c’est très clair", a résumé la cheffe du gouvernement.

En Finlande, une décision prise "d'ici quelques semaines"

Dans son pays, le débat sur une hypothétique future adhésion de la  Finlande à l'Otan est officiellement ouvert depuis le 13 avril, et la publication d'un "Livre blanc" sur le sujet, qui ouvre la voie à une discussion parlementaire. En quelques semaines, l'opinion publique a basculé : le soutien à l'adhésion, qui végétait à 20-30% depuis des décennies, a plus que doublé au-delà des 60%. Le dernier sondage publié lundi 11 avril le crédite même de 68% pour seulement 12% d'opinions défavorables.

Au Parlement aussi, une nette majorité se dessine, avec le revirement de plusieurs partis jusque-là opposés. Parmi les députés ayant déjà fait connaître leur position en cas d'un vote, une centaine sont en faveur d'une adhésion et seulement 12 sont contre, sur un total de 200, selon les pointages effectués par les médias finlandais. D'après le calendrier parlementaire, le débat dans l'hémicycle doit formellement débuter mercredi 20 avril. 

Depuis la Suède, Sanna Marin, dont le parti social-démocrate était historiquement opposé à l'Otan, a d'ores et déjà promis une décision rapide, d'ici "quelques semaines, pas quelques mois". "Il n'y a pas d'autre façon d'avoir les garanties de sécurité que dans le cadre de la défense et la dissuasion communes telles que garanties par l'article 5 de l'Otan. La différence entre être partenaire et membre est très claire et cela restera le cas", a-t-elle par ailleurs affirmé.

En cas d'adhésion de la Finlande, les frontières terrestres entre les pays de l'Otan et la Russie doubleraient d'un coup, avec 1300 kilomètres de plus.

Plus de réserves en Suède mais un débat ouvert

En Suède, pays militairement neutre depuis deux siècles et qui n'a pas de frontière avec la Russie, le basculement de l’opinion est un peu moins radical. Mais l'idée commence à gagner les 10 millions de Suédois. L’hypothèse d’une adhésion à l’Otan est désormais soutenue par 50% de la population, et les opposants sont moins de 30%. 

Lors de la visite de son homologue finlandaise, Magdalena Andersson a confirmé que l’hypothèse d’une adhésion était clairement sur la table, soulignant toutefois que "rien n'est sans risque". Alors que le mouvement d'extrême droite des Démocrates de Suède (SD) s'est décidé pour la première fois à soutenir une candidature si la Finlande se lançait, un débat interne s'est ouvert chez les sociaux-démocrates depuis le 11 avril. Ouvert à tous les membres du parti, le débat sera "une discussion plus large que la question d'un oui ou d'un non à l'adhésion à l'Otan", a affirmé dans un communiqué le numéro 2 des sociaux-démocrates, Tobias Baudin. Ce "dialogue sur la politique de sécurité" devrait s'achever avant l'été, selon lui.

Constanta, la base avancée de l'Otan en RoumanieSource : JT 13h Semaine

Dans ce pays attaché à sa neutralité militaire, un tel revirement serait historique. "Pour les sociaux-démocrates en Suède, changer d'opinion (sur l'Otan), c'est comme changer de religion", a analysé l'ancien Premier ministre finlandais Alex Stubb.

La mise en garde de Moscou

Si l'Otan répète que la porte est ouverte à tous les pays nordiques, la Russie voit, dans cette éventuelle expansion, une provocation. Moscou a ainsi mis en garde Stockholm et Helsinki qu'une adhésion aurait "des conséquences politiques et militaires". "Être membre de l'Otan ne peut renforcer leur sécurité nationale. De facto, (la Finlande et la Suède) seront la première ligne de l'Otan", a affirmé une porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, dans un communiqué.

L'ex-président russe et actuel numéro deux du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev a d'ores et déjà annoncé que si la Finlande ou la Suède rejoignaient l'Otan, la Russie renforcerait ses moyens militaires, notamment nucléaires, en mer Baltique et près de la Scandinavie. Signe des tensions croissantes : des avions russes ont déjà fait des incursions dans l’espace aérien finlandais.


Fanny ROCHER Fanny Rocher

Tout
TF1 Info