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Attention à ces images qui montrent des crématoriums russes utilisés en Ukraine

Publié le 7 avril 2022 à 17h43
Des images circulent sur Twitter pour prouver l'utilisation d'incinérateurs en Ukraine
Des images circulent sur Twitter pour prouver l'utilisation d'incinérateurs en Ukraine - Source : Twitter

La mairie de Marioupol a averti que les Russes tardaient à quitter la ville pour détruire les preuves de leurs crimes.
Selon elle, "des crématoriums mobiles ont commencé à fonctionner".
Mais aucune image n’a jusqu’ici prouvé l’utilisation de crématoriums par les soldats russes en Ukraine.

Après les dizaines de cadavres découverts dans les rues de Boutcha, les autorités ukrainiennes répètent inlassablement que d’autres crimes sont perpétrés ailleurs par les forces russes. Le 6 avril, la municipalité de Marioupol a averti : "Des crématoires mobiles russes ont commencé à fonctionner à Marioupol. Après le génocide international généralisé de Bucha, les hauts dirigeants russes ont ordonné la destruction de toute preuve de crimes commis par son armée à Marioupol. C’est pourquoi la Russie n’est pas pressée de donner son feu vert à la mission turque et à d’autres initiatives pour sauver et évacuer complètement Marioupol". 

Une communication de la ville sur Telegram, qui a été relayée le jour même par la chaine biélorusse Nexta, avec une image d’un crématorium installé dans un camion. Et puis par le maire de Kiev, Vitali Klitschko, qui a posté sur son compte Twitter cette photo jointe d’un commentaire : "Crématorium mobile. C’est ce que #RussianWarCrimes utilise à Marioupol pour cacher leurs crimes. Le comble de l’horreur".

Dans les dernières semaines, cette image a déjà été relayée par la presse britannique. Dans un article du 23 février, The Telegraph reprend les doutes émis par le secrétaire à la Défense britannique Ben Wallage sur l’utilisation d’incinérateurs par l’armée russe "pour cacher les preuves des pertes (de ses troupes) sur le champ de bataille". L’image illustre ce sujet. Mais en réalité, elle remonte à plusieurs années comme on peut le constater par une recherche inversée sur le site TinEye. Ainsi, des articles écrits en polonais ou en ukrainien reprennent cette photo dès 2015. 

Sur le moteur de recherche TinEye, on peut voir que cette image circule sur Internet depuis au moins 2015
Sur le moteur de recherche TinEye, on peut voir que cette image circule sur Internet depuis au moins 2015 - capture écran

En parallèle, une autre image circule de ce qui semble être le même véhicule transportant un incinérateur, avec cette fois un homme présent à ses côtés. De dos, il porte une combinaison kaki et un bandana. Là non plus, elle n’est pas récente puisqu’on la retrouve dans un article de Business Insider, intitulé "Poutine se donne beaucoup de mal pour cacher des soldats russes qui meurent en combattant en Ukraine". Le sujet date de 2015 et renvoie à une information de Bloomberg, selon laquelle les Russes utilisent des crématoriums mobiles pour dissimuler les soldats morts pendant la guerre du Donbass.  Cette fois, la photo est présentée comme la capture d’écran d’une "vidéo produite par un média indépendant en Biélorussie". Le nom du média n’est pas cité.

Le site Business Insider utilisait déjà cette image en 2015, dans un article renvoyant à des accusations visant les Russes en Crimée
Le site Business Insider utilisait déjà cette image en 2015, dans un article renvoyant à des accusations visant les Russes en Crimée - capture écran

Mais sur TinEye, des articles de presse reprennent aussi cette photo dès 2014. D’après Checknews, qui s’est penché sur le sujet et a interrogé le ministère de la Défense britannique, elle daterait même de 2013 et serait issue d’une vidéo publicitaire d’une société russe qui fabrique ce modèle d'incinérateurs. Son nom : Tourmaline. En effet, il suffit de quelques clics sur le site internet de l'entreprise pour tomber sur cette fameuse vidéo. Également publiée sur YouTube il y a huit ans, elle présente les "essais d'une installation unique de destruction thermique (combustion) de déchets biologiques - un crématorium mobile IN-50.1K, qui a subi des réparations majeures et une modernisation en profondeur".

À plusieurs reprises, on distingue le même angle de vue que la première image qui a circulé et qui a notamment été reprise par le maire de Kiev. À la 18e seconde, mais aussi à la 46e, on retrouve l’homme à la combinaison kaki. Ces deux images relayées pour étayer les récentes accusations ukrainiennes et britanniques sont donc issues de cette publicité pour le crématorium mobile IN-50.1K, vieille de 2014.

Extrait d'une vidéo Youtube de 2014 de l'entreprise russe Tourmaline, fabricante d'incinérateurs
Extrait d'une vidéo Youtube de 2014 de l'entreprise russe Tourmaline, fabricante d'incinérateurs - capture écran

En fait, il n’y a pas à notre connaissance d’images plus récentes permettant d’attester de l'utilisation d'incinérateurs mobiles en Ukraine par l’armée russe. Ce qui ne veut pas dire que ces accusations sont fausses : simplement, il n’existe pas de preuves par l’image. Par conséquent, certains invitent à la prudence. C’est le cas de Katerina Sergatskova, rédactrice en chef du média ukrainien Zaborona, qui a expliqué ne pas poster la "citation du conseil municipal de Marioupol disant que les Russes ont commencé à utiliser des crématoriums mobiles dans la ville". Pour la journaliste, "il n’y a pas encore de preuves. Le problème est grave, alors cherchons d’abord des preuves. Plus de 100.000 personnes restent dans la ville assiégée et démolie".

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Caroline QUEVRAIN

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