Plonger l'Ukraine dans le noir et le froid avant l'hiver, la redoutable stratégie de Poutine

Publié le 18 novembre 2022 à 12h19, mis à jour le 24 novembre 2022 à 11h01

Source : TF1 Info

Depuis plus d'un mois, les frappes russes se concentrent sur les infrastructures énergétiques de l'Ukraine.
Objectif : impacter le quotidien de la population et sa résilience, après plusieurs mois de guerre.

Quand Moscou cherche à affaiblir le moral des Ukrainiens en adaptant sa guerre à la météo hivernale. Après deux jours de frappes, l'armée russe a considérablement affaibli le réseau électrique de son rival : plus de 10 millions de personnes sont sans courant. Une stratégie délibérée, à l'heure où la neige a fait son arrivée en Ukraine.

L'opérateur ukrainien privé DTEK a évoqué jeudi "une destruction sans précédent" subie par le système énergétique, qui "nécessite des arrêts d'urgence" imposés pour "prévenir des accidents complexes et à grande échelle sur les réseaux". "Nous existons maintenant en mode de survie, c'est le front de l'énergie", a déclaré pour sa part le chef du Centre de recherche sur l'énergie Oleksandr Kharchenko, à la radio ukrainienne.

"On retrouve la vraie guerre"

Le calendrier de Vladimir Poutine ne doit rien au hasard : ses frappes sur les infrastructures énergétiques interviennent au moment où Kiev a connu ses premières chutes de neige, avec des températures qui pourront descendre "jusqu'à -10°C". Le maitre du Kremlin avait anticipé l'arrivée du froid puisque, depuis le 10 octobre, plus de 30% des centrales électriques du pays ont été détruites en une semaine, selon Volodymyr Zelensky. 

"Nos opinions redécouvrent que la guerre n'est pas seulement des militaires sur le terrain. La population et l'affaiblissement de sa volonté de résilience fait partie du conflit", a estimé ce vendredi sur LCI le général François Chauvancy, consultant en géopolitique. Avant d'ajouter : "On détruit les centrales électriques, les infrastructures… On retrouve 'la vraie guerre', ce qui nous choque, nous, en Occident. Mais c'est une réalité qu'on avait oubliée."

"Économiser au maximum" l'électricité

Cette "vraie guerre" qui rappelle celle de 1914-1918 est aussi constatée par Galia Ackerman. Ce vendredi sur LCI, l'écrivaine et spécialiste du monde russe a rappelé que "dans l'Histoire, on a déjà vu la population bombardée durant plusieurs jours, sans électricité. Comme à Londres durant la Seconde guerre mondiale ou le siège de Léningrad. Actuellement, les Ukrainiens s'entraident, ils n'attendent pas les ordres des dirigeants pour savoir ce qu'ils doivent faire. Mais si Kiev reste durablement sans électricité, (…) ils partiront à la campagne, pour se chauffer au bois ou s'éclairer à la bougie."

Cette résilience survivra-t-elle à l'arrivée de l'hiver ? Dans Kiev, qui n'avait plus été la cible de frappes depuis juin, le maire Vitali Klischko a exhorté en octobre les entreprises, les magasins, les cafés et les restaurants à "économiser au maximum" leur consommation en électricité sur les éclairages et la publicité lumineuse. A Kharkiv, l'établissement en charge du métro a, lui, annoncé diminuer la fréquence des trains pour économiser de l'électricité.

Pour Galia Ackerman, "il y aura une nouvelle vague de réfugiés en Europe si cela dure longtemps. L'Europe doit se préparer. Il y a déjà des millions de déplacés à l'intérieur de l'Ukraine." Une évolution du conflit souhaitée par le Kremlin ? Ce dernier a affirmé jeudi que les souffrances des civils en Ukraine étaient "la conséquence" du refus de Kiev de négocier avec Moscou. Au sein du pouvoir, la nouvelle stratégie semble en tout cas appréciée : "Il est impossible de survivre quand il n'y a pas de chauffage, pas d'eau, et pas de lumière", avait assuré fin octobre le député pro-Kremlin Andreï Gouroulev, après des frappes sur des centrales électriques ukrainiennes.


Thomas GUIEN

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