Le président ukrainien a demandé à ce que la Russie ne fasse plus partie du Conseil de sécurité des Nations unies.Or, c’est impossible, nous explique le collectif des Surligneurs : il faudrait le vote russe lui-même pour procéder à son exclusion.
Face aux crimes commis en Ukraine, Volodymyr Zelensky a demandé formellement au Conseil de sécurité de l’ONU d’exclure la Russie. Une requête effectuée par le président ukrainien, le 5 avril, lors d'une réunion des membres du Conseil de sécurité à New York et après avoir diffusé les images des dizaines de cadavres gisant au sol dans la ville de Boutcha, où la Russie est accusée d'avoir commis des crimes de guerre. Deux jours plus tard, l’Assemblée générale de l’ONU a voté, à la surprise générale, la suspension de Moscou d’une autre entité : le Conseil des droits de l’Homme, siégeant à Genève. De là à faire voter son exclusion du Conseil de sécurité ? Pas si simple, d’après Raphaël Maurel, maître de conférences en droit public à l’Université de Bourgogne et membre du collectif des Surligneurs.
En effet, le Conseil de sécurité de l’ONU rassemble 15 pays membres, dont cinq permanents qui bénéficient à ce titre d’un droit de véto : la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni… et la Russie. Un mécanisme d’exclusion est bien prévu par la Charte des Nations unies, dans son article 6 : "Si un Membre de l'Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l'Organisation par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité". Comme nous précise Raphaël Maurel, "il est évident que l'agression de l'Ukraine, qui n'a pas cessé et est très majoritairement dénoncée - notamment par l'Assemblée générale dans sa résolution du 2 mars dernier -, constitue une infraction persistante aux principes de la Charte. On pense notamment à l'article 2§4 qui proscrit l'usage et la menace de l'usage de la force entre États".
Pas d'exclusion, ni de suspension
À ce titre, on pourrait donc penser qu’il est juridiquement possible d’exclure la Russie du Conseil de sécurité de l'ONU pour les actes de ses soldats en Ukraine, dirigés en particulier contre la population civile. Mais ce n’est pas si simple. En effet, l’exclusion de Moscou nécessite... le vote russe. Comme le prévoit l’article 6 de la Charte de l’ONU, ce vote doit se faire "sur recommandation du Conseil de sécurité". Or, la Russie dispose d'un droit de véto, qu’on ne peut lui retirer que dans un cas, d’après Raphaël Maurel : "L'article 27§2 de la Charte prévoit en effet que les décisions du Conseil de sécurité sont prises 'par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents'... sauf s'agissant des questions de procédure. La recommandation de l'exclusion d'un membre ne peut pas être considérée comme une question de procédure : il faut bel et bien l'aval des cinq permanents. Dès lors, la Russie a le pouvoir de bloquer l'ensemble de la procédure, ce qu'elle ne manquera pas de faire".
Un blocage qui serait aussi possible en cas de suspension éventuelle de la Russie, une procédure encadrée par l’article 5 de la Charte. Volodymyr Zelensky a également évoqué l’éventualité de réformer le système de l’ONU pour que "le droit de veto ne signifie pas le droit de tuer". Mais une révision du texte pour assouplir la procédure d’exclusion d’un pays membre du Conseil de sécurité n’est pas non plus possible puisque celle-ci nécessiterait là encore l’aval de tous ses membres permanents.
"L'hypothèse la plus proche du scénario voulu par le président ukrainien serait, finalement, celle d'un retrait de la Russie de l'ONU, qui entraînerait son départ du Conseil de sécurité. Celle-ci reste très improbable", souligne Raphaël Maurel. Le spécialiste de droit public estime par ailleurs que cette décision serait dans tous les cas contre-productive : "Même si un État "exclu" est censé continuer à respecter les grands principes de la Charte - c'est le sens de l'article 2§6 de la Charte qui rend les principes de cet article, dont ceux violés par la Russie, applicables au-delà des membres des Nations Unies - il y a tout intérêt à continuer à discuter et à négocier avec lui, notamment dans la perspective d'un accord de paix puis, ultérieurement, des nécessaires réparations".
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info
- InternationalHaut-Karabakh : l'enclave au centre des tensions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
- Police, justice et faits diversDisparition inquiétante de Lina, 15 ans, en Alsace
- Police, justice et faits diversAttentat de Magnanville : sept ans après, l'heure du procès
- SportsRC Lens
- Sujets de sociétéLe pape François à Marseille, une visite historique