Daghestan, Bouriatie... les minorités en première ligne de la mobilisation en Russie

T.G.
Publié le 23 septembre 2022 à 13h22

Source : TF1 Info

Vladimir Poutine a décidé mardi de mobiliser immédiatement plus de 300.000 réservistes.
Plusieurs d'entre eux sont réquisitionnés au sein des minorités ethniques, nombreuses en Russie.

"Nous nous battons pour notre futur" – "Mais quel futur ? Nous n'avons même pas de présent". La joute verbale entre une employée d'un bureau de recrutement au Daghestan et un réserviste, relayée sur Twitter, illustre la colère, mais aussi l'inquiétude qui s'est propagée en Russie depuis lundi et l'annonce du recrutement d'au moins 300.000 soldats pour lutter en Ukraine. Un conflit pour lequel Moscou mobilise des hommes aux quatre coins du pays. En particulier dans les régions les plus isolées.

Daghestan donc, mais aussi Bouriatie, Iakoutie… Vladimir Poutine n'épargne aucune minorité. Le document approuvé par la Douma, le Parlement russe, mardi, donnant le feu vert à la mobilisation de nouveaux réservistes, le prévoit d'ailleurs explicitement. L'obtention de la citoyenneté russe pour les étrangers servant sous contrat dans l'armée russe, dont la simplification a longtemps été promise, est désormais inscrite dans la loi. Ce qui n'est pas sans conséquence pour les migrants d'Asie centrale.

Comme l'a relevé Olivier Ferrando, enseignant et spécialiste de l'Asie centrale post-soviétique, "les Centrasiatiques constituent, et de loin, la plus grande communauté de résidents étrangers en Russie, avec au moins 2 millions d'Ouzbeks, 1 million de Tadjiks, autant de Kirghiz et 200,000 Kazakhs". Or, en raison du contexte économique, nombre d'entre eux pourraient être tentés de servir pour l'armée de Moscou. Au grand dam de leurs pays d'origine : "L'Ouzbékistan vient de mettre en garde ses citoyens contre toute implication dans le conflit, rappelant que le code pénal punit de 3 à 5 ans tout engagement dans l'armée d'un État étranger", rappelle Olivier Ferrando. Le Kirghizistan en a fait autant.

De la "chair à canon"

La Fédération de Russie a de multiples spécificités : elle est divisée en 85 entités, dont vingt-deux républiques, créées à l’origine dans des régions peuplées d’ethnies autres que russe. Parmi elles, la Bouriatie, qui s’étend à l’extrémité orientale de la Sibérie, et qui est l'une des régions les plus pauvres de Russie. Le site Méduza a expliqué que les 7000 réservistes inscrits au registre ont reçu mercredi la visite de l'administration russe pour leur demander de se présenter immédiatement au bureau d'enregistrement militaire de la région.

Certains Bouriates sont déjà sur le sol ukrainien. Selon le Fonds Bouriatie Libre, une ONG créée pour combattre le racisme et la discrimination à l’égard des ressortissants, ils seraient des centaines à vouloir rentrer au bercail. "En général, les Bouriates ne comprennent pas le sens de leur engagement en Ukraine, parce que l’idée même de dénazification les laisse perplexes, parce que nous, en tant que minorité nationale, sommes constamment confrontés au racisme et à la discrimination en Russie", a expliqué la vice-présidente de l'ONG dans une interview accordée à la chaîne de télévision en langue russe Current Time, dénonçant au passage le recours à ces hommes comme de "la chair à canon".

À l'extrême est de la Russie, en Iakoutie, l'heure est aussi à la mobilisation. Sur des images diffusées sur les réseaux sociaux et disant montrer la mobilisation dans une localité de Iakoutie, des hommes aux visages fermés embrassaient leurs proches avant de monter dans un bus. "Ils sont même allés chercher des éleveurs de rennes en hélicoptère pour les enrôler", a relaté sur Twitter un journaliste. Une situation qui n'est pas passée inaperçue du côté de Kiev. 

Dans son adresse quotidienne, Volodymyr Zelensky s'est demandé jeudi soir pourquoi des hommes du Daghestan ou de Bouriatie devraient mourir pour Kharkiv. "55.000 soldats russes ont été tués dans cette guerre en six mois (...) Vous en voulez davantage ? Non ? Alors protestez ! Luttez ! Fuyez ! Ou rendez-vous", a-t-il lancé en russe. "Ce sont vos options pour survivre". 


T.G.

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