Annexions en Ukraine : que pourrait dire Poutine dans son discours de ce vendredi ?

par Maëlane LOAËC
Publié le 30 septembre 2022 à 9h29, mis à jour le 30 septembre 2022 à 13h56

Source : TF1 Info

Le dirigeant russe doit prendre la parole ce vendredi lors d'une cérémonie destinée à acter en grande pompe l'annexion de quatre régions ukrainiennes.
Un rendez-vous que le chef du Kremlin veut présenter comme mémorable, alors même qu'il est fragilisé sur le terrain, contesté par certains au sein de son propre pays et sous le feu des critiques occidentales.

Concert, compte à rebours, écrans géants… Moscou se prépare à des festivités d'ampleur ce vendredi, Vladimir Poutine ayant prévu d'entériner en milieu de journée l'annexion par la Russie de quatre régions ukrainiennes. Le Kremlin doit accueillir à 15h (14h en France) une cérémonie pour célébrer ces annexions, au cours de laquelle le président russe doit prononcer "un discours volumineux", selon son porte-parole Dmitri Peskov, alors même que la Russie rencontre des difficultés sur le terrain et qu'une mobilisation à marche forcée, décrétée une semaine auparavant, a suscité l'exode de nombreux citoyens russes.

Tout est pourtant prévu dans la capitale russe pour que l'évènement fasse date, avec une circulation restreinte et un concert qui sera donné à l'ombre des murs du Kremlin, près de la Place Rouge, lors duquel Vladimir Poutine pourrait faire une apparition. Au-dessus d'une scène qui porte également le nom des quatre régions ukrainiennes qui vont être annexées, une bannière "ensemble pour toujours" est étendue, tandis que les chaînes de télévision d'État affichent un compte à rebours de l'événement, rapporte The Guardian.

En prélude à cette officialisation d'annexion, le dirigeant russe a signé, au terme de "référendums" menés dans les territoires occupés, plusieurs décrets reconnaissant l'indépendance des régions ukrainiennes de Zaporijjia et de Kherson, sept mois après avoir reconnu celle de la République populaire de Donetsk (DNR) et de la République populaire de Lougansk (LNR), peu avant le début du conflit. Que peut-on attendre ce discours, enchâssé dans une cérémonie finement préparée ?

Chercher l'adhésion d'une population de plus en plus inquiète face au conflit

Certains spécialistes soulignent que, comme à l'accoutumée, il est difficile d'anticiper cette prise de parole, tant les discours de Vladimir Poutine peuvent être rapidement imprévisibles. Mais quelques pistes semblent toutefois s'esquisser. 

Le chef du Kremlin va très probablement chercher à gagner le soutien et l'approbation de sa population sur cette décision d'annexion, alors qu'il est actuellement en position de faiblesse, relève The New York Times. Et espérer peut-être reproduire les fastes de 2014, lors de l'annexion de la Crimée : Vladimir Poutine avait alors également signé un traité d'annexion, prononcé un discours au Kremlin et organisé un concert sur la Place Rouge. 

Mais l'ambition parait bien plus difficile à atteindre cette fois, à l'heure où des milliers de personnes ont été arrêtées après avoir protesté contre la guerre et où des dizaines de milliers de Russes ont fui le pays, suite à l'annonce d'une mobilisation de 300.000 réservistes la semaine passée. Jeudi, un sondage publié par le centre indépendant Levada a révélé que 56% des citoyens russes se disent "très inquiets" de la guerre en Ukraine, contre 37 % en août.

Alors que le mécontentement monte, Vladimir Poutine avait déjà reconnu jeudi des "erreurs à corriger" dans la mobilisation qu'il a décrétée, demandant à "faire revenir à la maison ceux qui ont été convoqués sans raison appropriée".

Poursuivre l'escalade avec l'Occident

Le président russe pourrait aussi continuer de s'opposer frontalement à l'Occident, pour justifier ces annexions destinées selon lui à "sauver les populations" sur place, une décision condamnée par Kiev et ses alliés. Jeudi, il a déjà accusé les Occidentaux d'"élaborer des scénarios pour attiser de nouveaux conflits dans l'espace de la CEI", la Communauté des États indépendants, qui rassemble d'anciennes républiques soviétiques. Il a aussi estimé que les conflits en ex-URSS, notamment celui en cours entre la Russie et l'Ukraine, étaient "bien sûr" le résultat de l'"effondrement de l'Union soviétique".

Le maître du Kremlin pourrait aussi se poser à nouveau comme chef de file d'un contrepoids aux États-Unis et à ses alliés : jeudi toujours, il a assuré qu'un "ordre mondial plus juste" était en train de se former via "un processus difficile". "Une hégémonie unipolaire s'écroule inexorablement, c'est une réalité objective que l'Occident refuse catégoriquement d'accepter. Et nous voyons tout ce qui en découle", a-t-il affirmé. 

En présentant l'annexion des régions ukrainiennes prorusses comme une lutte nécessaire à la survie de l'État russe dans sa globalité, il pourrait tenter de faire oublier ses difficultés sur le terrain, à l'heure d'une contre-offensive ukrainienne efficace, pour ramener le conflit sur le plan international, dans sa confrontation avec l'Occident. "Il pense qu'il peut gagner", estime auprès du New York Times Andrei Kolesnikov, chercheur au sein du centre de réflexion américain Carnegie Endowment for International Peace. "Il provoque une escalade de la guerre, la transférant à un nouveau statut."

Brandir à nouveau la menace nucléaire

En intégrant à la Russie les quatre régions de l'est et du sud de l'Ukraine, le dirigeant russe pourrait en effet faire penser à son peuple et à ses ennemis que toute attaque contre ces régions serait une attaque contre la Russie elle-même, ce qui ouvre la voie à une escalade du conflit, pouvant aller jusqu'à l'utilisation d'armes nucléaires, relève le Daily Mail. "L'objectif est d'étendre le parapluie nucléaire russe sur ces territoires, augmentant ainsi considérablement le risque pour l'Ukraine et ses amis occidentaux si Kiev envisageait de libérer ces territoires", abonde sur Twitter Alexander Gabuev, également chercheur au Carnegie Endowment.

Lors de l'Assemblée générale de l'ONU, qui s'était tenue il y a quelques jours à New York, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait affirmé que les zones annexées seraient "protégées" par Moscou, laissant entendre que cette protection pouvait aller jusqu'au recours à de telles armes. Lors de son discours tenu la semaine passée, Vladimir Poutine avait à nouveau brandi la menace du recours à l'arme nucléaire, face à un Occident qui mettrait sa puissance en danger. "Pas de bluff", avait-il déclaré. Il pourrait à nouveau répéter ces menaces ce vendredi.

Et l'escalade n'est pas près de s'arrêter. "Avec l'annexion russe imminente de davantage de territoire ukrainien, et la mobilisation en cours, nous sommes entrés dans la phase la plus dangereuse de cette guerre. La raison principale est la suivante : Poutine s'est enfermé dans une boîte, et n'aura pas d'autre choix que de continuer", déplore Alexander Gabuev.


Maëlane LOAËC

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