Plusieurs couples ont fait venir en France la mère porteuse de leur enfant, pour la protéger de la guerre et lui permettre d'accoucher en sécurité.Une association a déposé cinq plaintes contre X, les accusant d'utiliser la guerre comme "prétexte" pour donner naissance à leur enfant dans l'Hexagone, où la GPA est interdite.
La pandémie de Covid-19 avait déjà jeté la lumière sur ce secteur en plein essor en Ukraine : les bébés nés de mères porteuses ukrainiennes ne pouvaient pas être récupérés par leurs parents dits "d'intention", à cause de la fermeture des frontières. C'est désormais l'invasion russe, déclenchée le 24 février dernier, qui est venue percuter les projets de Gestation pour Autrui (GPA) de couples français, qui sont quelques dizaines chaque année à attendre la naissance de leur enfant en Ukraine. Les associations anti-GPA s'indignent de leur côté de cette mobilisation face à la gravité de la situation sur place.
Tout dernièrement, plusieurs couples français ayant engagé un processus de GPA avant la guerre sont parvenus à faire venir en France les gestatrices de leurs enfants, pour qu'elles puissent se mettre en sécurité et y accoucher. L'Ukraine est en effet un des rares pays au monde à autoriser la GPA commerciale pour les étrangers : selon des estimations, 2500 à 3000 enfants naissent chaque année là-bas pour des clients résidant en-dehors du pays, en Chine, aux États-Unis et dans l'UE.
Mais ces couples sont accusés d'utiliser la guerre en Ukraine comme un "prétexte" pour permettre cet accouchement, alors que la GPA est interdite dans l'Hexagone. L'association Juristes pour l'enfance a déposé mardi cinq plaintes contre X auprès de différents tribunaux (auprès du procureur de la République à Aix-en-Provence, Amiens, La Roche-sur-Yon, Lyon et Saintes) pour "provocation à l'abandon d'enfant", après avoir pris connaissance, via la presse, de cinq cas. Un délit puni de six mois d'emprisonnement et 7500 euros d'amende.
"Pas de volonté d'importer la GPA", assure l'avocate des couples
Sur la base d'un signalement de l'aide sociale à l'enfance de Charente-Maritime, le parquet de Saintes a ouvert mardi une enquête préliminaire pour "provocation à l'abandon d'enfant", "entremise entre un couple et une personne acceptant de porter l’enfant" et "substitution volontaire, simulation ou dissimulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant". Selon une source proche du dossier, au moins une autre enquête a été ouverte en France.
Pour les couples qui ont signé un contrat de GPA avec une mère porteuse ukrainienne arrivée en France en raison de la guerre, "il est prévu que la mère accouche faussement sous X, que le père fasse une reconnaissance prénatale et que son ou sa conjointe dépose une requête en adoption plénière de l'enfant du conjoint", décrit l'association dans les plaintes, consultées par l'AFP. "Nous espérons contribuer à ce que la justice se saisisse de ces affaires, que des enquêtes soient ouvertes, que des poursuites soient menées. Ces faits sont constitutifs d'un délit pénal", a déclaré à l'AFP la directrice juridique de Juristes pour l'enfance, Aude Mirkovic. Elle souhaite ainsi "contribuer à mettre fin à l'impunité en France" dans les affaires de GPA.
"C'est la situation de guerre en Ukraine qui a amené ces couples à prendre cette décision" exceptionnelle de faire venir et accoucher la mère porteuse en France, a répliqué à l'AFP Me Clélia Richard, avocate de cinq couples concernés. "Il n'y a pas de volonté d'importer la GPA". Elle a qualifié les plaintes de Juristes pour l'enfance d'"opération de communication assez indécente". "Ces plaintes sont vouées à l'échec techniquement. Pour déposer plainte, il faut être une victime directe", ce qui n'est pas le cas de l'association, a-t-elle rappelé.
Des craintes sur la survie des enfants bloqués en Ukraine
Ce n'est pas la première fois que ce sujet fait surface et suscite des dissensions depuis le début du conflit ukrainien. Début mars, peu après le début de la guerre, plusieurs couples avaient partagé leur désarroi dans la presse. L'un d'eux expliquait à l'AFP avoir payé un intermédiaire pour "évacuer les mères porteuses en convoi afin que les parents (étrangers) puissent venir chercher les enfants à la frontière", une opération dont le coût total s'élève à plus de 40.000 euros, tandis que deux femmes ont aussi expliqué sur BFMTV qu'elles ne savaient pas comment quitter l'Ukraine avec leurs enfants conçus par GPA.
Début mars également, des militantes de la Manif pour tous, collectif d'associations opposé au mariage homosexuel, avait mené une opération coup de poing à Paris contre la GPA en disant s'inquiéter de mères porteuses ukrainiennes "abandonnées en pleine guerre".
La question du sort des bébés nés de GPA en Ukraine se pose aussi dans le reste de l'Europe. À la mi-mars, la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson avait demandé que ceux qui ne pouvaient pas être récupérés par leurs parents d'intention soient évacués, s'alarmant notamment du fait que "certains orphelinats sont vidés par les Russes et personne ne sait vraiment où se retrouvent les enfants".
Reste que, même sauvés des bombes russes, les nourrissons qui ont pu être sortis du pays risquent d'être confrontés à un imbroglio administratif, car à cause de la guerre, les services d'état civil ukrainiens ne fonctionnent plus. Les parents étrangers ne peuvent donc plus obtenir un acte de naissance à leur nom, ce qui risque de compliquer leur départ du pays, selon l'avocate Caroline Mécary, en contact avec plusieurs familles dans ce cas.
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