Très marqués par la guerre, d'anciens soldats ukrainiens sont confrontés à des troubles de stress post-traumatique.Pour mieux dormir ou évacuer une partie de leur anxiété, ils sont nombreux à recourir au cannabis.Des médecins souhaitent le lancement d'études scientifiques, tandis que le président Zelensky réfléchit à une modification des lois sur les drogues.
"Nous sommes l'épicentre mondial du syndrome de stress post-traumatique." Ces mots, ce sont ceux du Professeur Viktor Dosenko, membre de l'Académie nationale des sciences d'Ukraine. Depuis le début de la guerre, il voit avec ses collègues affluer de nombreux soldats revenus du front, souffrant de troubles psychologiques majeurs. Pour mieux accompagner les patients confrontés à cet état d'anxiété intense, le cannabis apparaît aujourd'hui du côté de Kiev comme un potentiel allié.
Enfin réussir à dormir la nuit
Les troubles de stress post-traumatique, ou TSPT, "se traduisent par une souffrance morale et des complications physiques qui altèrent profondément la vie personnelle, sociale et professionnelle", résume l'Inserm. Généralement, "la prise en charge passe essentiellement par la psychothérapie", glisse l'institut, mais l'Ukraine n'écarte par de recourir dans le même temps à l'usage de cannabis pour les anciens soldats.
"Pour moi, il est utile", a confié à la BBC un militaire revenu du front. "Sans cela, je ne peux pas dormir. Cela m'aide à me détendre. Tout le monde devrait pouvoir en obtenir", estime-t-il. Si les soldats se trouvent en première ligne et présentent le risque le plus élevé de développer des TSPT, il ne faut pas non plus négliger les risques pour le reste de la population, confronté également à des scènes traumatisantes. La radio britannique souligne que l’an passé, le ministère de la Santé ukrainien a évalué à 57% la part de la population qui pourrait à l'avenir développer ces troubles.
Aujourd'hui en Ukraine, la loi fait obstacle à l'usage de cette drogue pour l'accompagnement des patients. La production de marijuana, notamment à des fins de recherche médicale, demeure ainsi interdite dans le pays. Au grand dam de certains médecins et de Ksenia Voisnitsina, directrice d'un centre dédié à la santé psychologique et la réadaptation des anciens combattants. "Nos soldats en première ligne ont besoin d'armes puissantes et variées. Chez nous, c'est exactement la même chose", avance-t-elle. Son souhait ? Permettre que le cannabis, l'ecstasy ou certaines substances psychoactives comme la silocybine puissent être étudiés comme de potentiels outils afin d'accompagner le traitement des traumatismes crâniens et des TSPT.
Une législation amenée à évoluer ?
Cette réflexion ne concerne pas (plus) uniquement la communauté médicale. En effet, dans un pays meurtri par la guerre et qui doit se préparer à une multiplication des troubles psychologiques, le sujet prend une tournure politique. La BBC rapporte que le président Volodymyr Zelensky "veut modifier la loi". Dans un message adressé au Parlement fin juin, il appelait ainsi à légaliser les médicaments à base de cannabis, la recherche scientifique et ce qu'il a décrit comme une 'production ukrainienne contrôlée".
Si un projet de loi a été adopté en première lecture durant l'été pour mettre en place une industrie nationale réglementée du cannabis médical, des incertitudes demeurent quant à la possibilité d'avoir largement recours au cannabis. En effet, le texte n'a rien changé à son statut de substance interdite, ce qui a suscité une vaste incompréhension. Dans le contexte actuel et dans l'attente de possibles autres évolutions législatives, l’automédication demeure la seule option viable pour les personnes qui souffrent de TSPT.