Hervé Le Treut : "Pour sensibiliser sur le climat, il faut parler de la vie quotidienne"

Publié le 2 octobre 2015 à 15h59
Hervé Le Treut : "Pour sensibiliser sur le climat, il faut parler de la vie quotidienne"

CLIMAT - A deux mois du sommet de la COP21 à Paris, Hervé Le Treut, climatologue, directeur de recherche au CNRS et président du jury des Trophées Solutions Climat, fait le point sur les engagements des pays participants, la perception des Français et l'urgence à agir.

Le sujet du réchauffement climatique n'est plus seulement scientifique, mais désormais aussi politique et social. Climatologue, directeur de recherche au CNRS, Hervé Le Treut en est convaincu et appelle au débat pour faire évoluer la prise de conscience.

Alors que la COP21 approche, quel est votre degré de confiance sur l'aboutissement d'un accord ?
Difficile de répondre de cette façon. Il y a des éléments positifs. C'est une conférence qui a été préparée très en amont. Avec des Etats qui ont réfléchi aux mesures à proposer. On prend ce problème plus au sérieux qu'il y a quelques années. D'autant que les premiers signes du changement sont tangibles, à peu près partout. Parmi les points négatifs, les efforts à produire sont considérables, notamment pour aboutir à la neutralité carbone d'ici la fin du siècle.

Votre premier sentiment sur les engagements des pays, dont les Etats-Unis et la Chine ?
Si on regarde ça en tant que climatologue, c'est insuffisant mais, en même temps, ce sont des pays qui se refusaient à cette démarche. Alors, c'est encourageant.

Une réaction aux propos de Donald Trump qui nie la réalité du réchauffement climatique ?
On a besoin du débat, mais on a besoin d'un vrai débat sur ce que l'on fait et comment le faire. La négation, le faux débat fait perdre beaucoup de temps. Le nier est une manière d'empêcher le débat d'exister.

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Vous avez dit que la limitation du réchauffement climatique à 2°C serait difficile à atteindre. Au point d'être pessimiste ?
Il ne faut pas trop se poser la question en ces termes mais aller le plus vite possible. C'est désormais un problème politique et social plus que scientifique. Maintenant, il faut agir. Tout ce qui sera fait sera utile, le pire est de ne rien faire.

"Pour sensibiliser les Français, il faut s'appuyer sur l'affect"

Comment faire pour sensibiliser les Français au sujet ?
Il faut s'appuyer sur les régions, car certains indices sont abstraits, éloignés de ce que les gens peuvent saisir. Si on s'intéresse à ces territoires qui sont vulnérables, qui nous sont proches, si on explique les conséquences sur nos vies quotidiennes, cela peut avoir un impact. Y compris sur l'affect. Notamment si on détaille, dans le Bordelais par exemple, en quoi le réchauffement climatique peut nuire à la vigne ou au bassin d'Arcachon.

Vous évoquez les échelles locales, à l'image des Trophées Solutions Climats dont vous êtes président du jury ?
Il faut toucher la population la plus large possible. Il faut essayer d'impliquer une réflexion dans ces domaines. Dans toutes les sphères de la population, notamment dans les entreprises.

Dans ce cadre, faut-il adopter un discours alarmiste ?
Je n'aime pas trop l'alarmisme parce que nous avons des problèmes de long terme, pour des décennies. Je crains qu'il ne s'use et crée une forme d'accoutumance, accréditant un message du genre : "Le changement climatique, ça fait des années qu'on en parle et il ne se passe rien." Il faut trouver le bon équilibre et, surtout, un discours de vérité absolue. Certains phénomènes ne peuvent attribués que partiellement au changement climatique. Les cyclones, les réfugiés climatiques sont ainsi à attribuer à beaucoup d'autres facteurs.

Si vous deviez livrer un chiffre ou une donnée pour comprendre les enjeux ?
Nous émettions 1 à 2 milliard de tonnes de CO2 par an dans les années 50, 6 tonnes à la fin du 20e siècle et aujourd'hui 10 tonnes. Si je devais prendre l'image d'une bouteille, je dirais que nous la remplissons dix fois plus vite et que dans 20 ans elle sera pleine.

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La rédaction de TF1info

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