"Ils avaient le choix entre le cercueil ou l'exil" : retour sur deux décennies de persécution de la communauté chrétienne en Irak

Publié le 25 janvier 2020 à 17h19, mis à jour le 25 janvier 2020 à 17h49

Source : TF1 Info

IRAK - Quatre collaborateurs de l'ONG française SOS Chrétiens d'Orient, trois Français et un Irakien, sont portés disparus depuis le 20 janvier à Bagdad. En Irak, la situation est extrêmement difficile pour les chrétiens depuis le début du XXIe siècle. Explications avec la grand reporter de TF1 Patricia Allémonière.

Toujours sans nouvelles des humanitaires de l'ONG SOS Chrétiens d'Orient. Les responsables de l'association n'ont plus eu de contact avec ces trois Français et cet Irakien depuis le lundi 20 janvier. Ils étaient venus dans la capitale irakienne afin d'effectuer, notamment, un suivi des opérations de l'association. Ces quatre collaborateurs "expérimentés" devaient visiter l'ouverture d'une nouvelle école reconstruite par cette ONG qui vient en aide aux chrétiens d'Orient longtemps victimes de persécutions dans cette zone.

Grand reporter à TF1, Patricia Allémonière revient sur la situation de cette minorité religieuse dans un pays actuellement en proie à un sentiment antiaméricain exacerbé et à des manifestations anti-gouvernementales réprimées dans le sang. 

LCI - Quelle est l’histoire des chrétiens en Irak ?

Patricia Allémonière - C’était un pays où les chrétiens étaient nombreux jusqu’à la chute du régime de Saddam Hussein, en 2003. Après, leur nombre n’a cessé de diminuer. Dès 2004, Abou Moussab Al-Zarkaoui, représentant d’al Qaïda en Irak, a commencé à commettre des attentats, souvent en visant des cibles chiites, puis les djihadistes s’en sont aussi pris aux chrétiens. Ils n’étaient pas les seuls, des groupes armés chiites faisaient aussi régner la terreur dans la communauté. Les enlèvements, les assassinats se sont multipliés et la peur s’est installée et, avec elle, les premiers départs se sont produits. Des rançons très élevées étaient exigées pour retrouver un père, un fils. Les chrétiens faisaient partie de la classe moyenne, ils avaient de l’argent et organisaient des collectes pour obtenir les sommes exigées. A l’inverse, des autres communautés, ils n’avaient jamais réussi à s’organiser pour créer des milices armées d’auto défense, ils étaient donc des proies faciles. Puis il y a eu le choc provoqué par l’attentat, en octobre 2010 contre la cathédrale Notre-Dame de l’Intercession de Bagdad qui a causé la mort de 60 personnes. 

Nombreux sont ceux qui ne pensaient plus qu'à partir

Un tournant pour les chrétiens qui s’accrochaient encore à leur terre. Nombreux sont ceux que j’ai rencontrés à l’époque qui ne pensaient plus qu’à partir, qu’à obtenir un visa, pour le Canada, l’Europe. Cet attentat ouvre une phase encore plus violente : celle de l’Etat islamique. En 2014, toutes les grandes villes chrétiennes, autour de Mossoul sont attaquées et tombent sous la férule de l’EI... Les chrétiens avaient alors le choix entre le cercueil ou l’exil. 

Aujourd’hui, combien sont-ils ?

On estime qu’en sept années de présence américaine, la communauté chrétienne d’Orient est passée à moins de 500.000. En Irak, ils étaient 1,5 million avant 2003, six ans plus tard, ils étaient moins de 150.000, selon les chiffres de l'organisation catholique Aide à l'Église en détresse (AED), une fondation internationale de droit pontifical. En Syrie, ils sont actuellement moins de 500.000 contre 1,5 million en 2011.

Tout occidental à leur yeux représente une valeur politique

Dans le contexte actuel de l’Irak, qui peut vouloir s’en prendre à des occidentaux ? 

Un ciblage en raison de leur confession n’est pas certain. Il y a d’autres hypothèses comme un enlèvement d’opportunité motivé par des raisons financières, ils sont capturés parce qu’occidentaux, pour être revendus. Il ne faut pas oublier que le groupe de l’’Etat islamique vient juste de nommer un nouveau chef, il pourrait aussi être tenté par un "coup". Reste que l’EI est très affaibli,  il n’est pas certain qu’il dispose des moyens nécessaires pour mener une opération qui réclame vraiment un grosse logistique . On peut aussi penser que dans le contexte actuel, des milices extrémistes chiites ont décidé de venger la mort du général iranien Soleimani tué par un drone américain, le 3 janvier. Tout occidental à leur yeux représente une valeur politique. Mais ces groupes dépendent tous de "La Mobilisation populaire" intégrée au sein de l’armée. Le gouvernement irakien devrait à un moment ou à un autre être informé.


La rédaction de TF1info

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