À LA LOUPE – En proie à de multiples incendies et départs de feu, la situation la forêt amazonienne interroge. Pour les défenseurs de l'environnement, cette situation est le résultat de décennies de déforestation au profit de la culture intensive, essentiellement du soja. Une légumineuse que la France importe en masse.
Le sort de la forêt amazonienne brésilienne victime des flammes a été le sujet surprise lors des discussion du G7 à Biarritz. Une enveloppe de 20 millions doit d'ailleurs être prochainement débloquée pour financer, notamment, l'envoi d'avions bombardiers d'eau. Emmanuel Macron, ainsi que d'autres leaders européens, ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis de la réaction timide des autorités brésiliennes pour lutter contre les incendies. Le président Jair Bolsonaro avait même suggéré que des ONG de protection de l'environnement pouvaient être à l'origine de ces incendies pour attirer l'attention sur elles.
De leur côté, ces ONG dénoncent le développement de l'agriculture intensive brésilienne au détriment de la forêt. Chaque année, de larges parcelles de forêts sont mitées par les interventions qui visent à couper le bois puis à incendier ce qui reste pour créer de nouvelles terres cultivables.
Une version que récuse les autorités brésiliennes. Interrogé par LCI, le ministère de l'Agriculture et de l'Elevage du Brésil a tenu à nous préciser que "les incendies dans la forêt amazonienne ne sont pas liés aux activités agroalimentaires. Les incendies se produisent chaque année au Brésil pendant la saison sèche. De plus, tous les produits d'Amazonie sont certifiés conformes aux normes du commerce international."
Parmi ces cultures, le soja est devenu le symbole de cette agriculture irraisonnée. Cette année, le Brésil est devenu le premier exportateur mondial et assure près de la moitié de la production mondiale de cet oléagineux. Mais dans quelle mesure la France participe-t-elle au développement de cette production de soja brésilien, alors qu'Emmanuel Macron, lundi soir sur France 2, a reconnu "une part de complicité" ?
Le Brésil, plus grand exportateur mondial de soja
L'année 2018 a été un record pour la culture du soja au Brésil. Le pays a réussi à produire plus de 120 millions de tonnes. Le Brésil devient ainsi le plus gros exportateur devant les Etats-Unis. L'an dernier, le Brésil a réussi à exporter 83,8 millions de tonnes de soja, soit une hausse de +23% par rapport au 2017.
La Chine est le principal pays d’importation du soja brésilien, notamment en raison de la guerre commerciale sino-américaine. Les Chinois boudent désormais le soja américain et se tournent vers la production brésilienne. Aujourd'hui, près de 80% du soja brésilien est exporté vers la Chine.
Les cultures du soja sont elles aussi victimes de l’épisode de sécheresse. En 2019, le Brésil devrait exporter 12% de soja de moins qu’en 2018 en raison de la sécheresse qui sévit depuis plusieurs mois dans les principales régions productrices du pays. Sergio Mendes, le président de l'Anec, la très puissante Association nationale des exportateurs de céréales estime que la culture du soja devrait "subir des pertes dues à une chaleur excessive dans l'ouest du Paraná, le sud du Mato Grosso du Sud et certaines parties de la région Centre-Ouest".
La France accro au soja (OGM) brésilien
La France dépend très largement du soja brésilien. Comme l'indique pour LCI le ministère d'Agriculture et de l'Elevage du Brésil, "en 2018, la France était le huitième importateur mondial de soja brésilien et le troisième au sein de l'Union européenne." Si on tient compte de l'ensemble des céréales produites au Brésil, "la France était en dix-septième position des pays de l'UE", nous précise le ministère.
Egalement, d'après les données de France Agri Mer, plus de 58% des importations de graines de soja proviennent du Brésil, 18% sont achetées aux Etats-Unis (18%), et 11% du Canada. Mais le soja est également massivement exporté sous forme de tourteaux, une sorte de farine obtenue après broyage par friction des graines qui sont décortiquées et traitées à la chaleur. Toujours d'après France Agri Mer, 63% des importations de tourteaux de soja en France sont assurées par le Brésil.
Une situation de dépendance au soja d'importation brésilien confirmé à LCI par Terres Univia, organisation professionnelle agricole des producteurs d'huiles et de protéines végétales. "En 2018, la France importait 620.000 tonnes de graines de soja, dont 360.000 tonnes en provenance du Brésil -, et 2,93 millions de tonnes de tourteaux de soja - dont 1,8 million de tonnes du Brésil." En revanche, durant la même période, la production hexagonale de soja n'a atteint que 400.000 tonnes.
Les importations brésiliennes stimulées par l'alimentation animale
Mais pourquoi la France importe-elle tant de soja brésilien ? Terre Univia nous fournit une information révélatrice : "Nous estimons qu'environ 60.000 tonnes de graines de soja sont utilisées pour l’alimentation humaine. Le reste allant à l’alimentation animale." Un 'reste' qui représente tout de même 90% des 620.000 tonnes des graines importées. De leur côté, les tourteaux sont quasi-exclusivement utilisés pour l'alimentation animale.
En juin 2019, Greenpeace estimait dans une étude que 87% du soja importé en Europe est destiné pour nourrir les élevages. Les trois-quarts sont destinés aux élevages industriels de poulets de chair et poules pondeuses ou de porcs. Les vaches laitières consomment elles 16% du soja importé et les vaches à viande 7%. Des importations en Europe qui sont stimulées par une absence totale de droit de douane pour le soja. De quoi s'interroger sur l'impact qu'aurait une éventuelle suspension de la ratification du traité de libre échange entre l'Union européenne et le Mercosur.
Toutefois, notre pays jouit d'une plus grande autonomie que ses voisins pour l'alimentation du bétail. Sous l'égide de Terres Univia, la filière du soja tricolore s'organise depuis plusieurs années afin de proposer d'avantage de tourteaux de soja pour l'élevage français, le tout sans OGM. Car, si la culture du soja OGM est interdite en France, son utilisation est possible dans les mangeoires du bétail français. La France n'échappe donc pas aux sojas génétiquement modifiés venus du Brésil où 92,3% du soja produit est OGM.
Contrairement à l'Europe, les cultures génétiquement modifiées sont loin d'être un tabou. Par exemple, 94% du coton est OGM, ainsi que 80% du maïs. Des productions que consomment les Français via l'alimentation du bétail ou la confection de différents produits.
La solution la plus simple pourrait consister à substituer les importations brésiliennes produites en territoires déforestés par des productions nationales équivalentes. Mais cela, comme le souligne Greenpeace dans son étude, paraît impossible, "pour produire les 3,5 millions de tonnes de soja importées par la France chaque année, 11.980 km² supplémentaires seraient nécessaire", ce qui équivaut à la surface de plusieurs départements français.
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