INTERVIEW - Près de 80.000 feux de forêt ont été répertoriés au Brésil depuis le début de l'année, dont un peu plus de la moitié en Amazonie, où les flammes ravagent ces derniers jours des pans entiers de territoire. Estelle Dugachard, responsable d'ONF Brésil, explique pourquoi le problème et sa solution sont avant tout politiques.
Les incendies continuaient de faire rage lundi dans l'Amazonie brésilienne : entre samedi et dimanche, 1.113 nouveaux feux de forêt ont été recensés par l'Institut national de recherche spatiale (INPE). Une crise environnementale qui s'explique par la déforestation - qui s'est accélérée depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro - et qui est à corréler avec la saison sèche, comme nous l'explique Estelle Dugachard, responsable de la filiale de l'Office national des forêts français au Brésil.
Quelle est la particularité de ces incendies qui se déclarent dans une forêt tropicale ?
La forêt amazonienne est théoriquement très résistante. La saison sèche, comme c'est le cas en Europe, est propice à ces incendies. Ce que l'on observe en ce moment, ce sont des feux provoqués par l'homme qui font suite à un processus de déforestation. Nous avons observé un pic en juin, donc le "nettoyage" auquel nous assistons ces jours-ci n'est pas une surprise, c'est l'étape finale d'une déforestation qui a rarement été aussi forte que cette année.
Il faut savoir que les feux sont habituels en Amazonie à cette époque de l'année. D'ailleurs, la courbe était plutôt descendante ces dernières années, avec de moins en moins de départs chaque été. Cette année, la recrudescence est très importante : nous avons déjà eu deux fois plus de départs de feu, alors que nous ne sommes qu'au mois d’août et que la saison doit durer encore deux à trois mois.
Le feu peut-il se propager à une zone qui n'a pas été déforestée ?
Difficilement. Une forêt tropicale en bon état prend rarement feu, car plus le massif est en bonne santé et uniforme, plus il est résilient aux incendies. On le voit ces jours-ci : l'Amazonie du Sud, ravagée ces jours-ci par les flammes, est une région plus "défragmentée" car elle a subi plusieurs processus de déforestation.
"Si on veut agir, il faut le faire en amont"
Que peut-on faire pour stopper ces incendies ?
Il est très difficile d'intervenir en Amazonie. Déjà car l'accès est très compliqué, ce sont des distances monstrueuses. Et puis cela coûte cher, on met du temps à arriver… Quand bien même on souhaiterait intervenir, il faut tout d'abord détecter les zones où il y a eu de la déforestation. Cela peut se faire facilement, grâce aux images satellites ou en allant sur place. Mais il faut savoir que quand on est arrivé sur une zone déforestée où le feu a débuté, il est déjà trop tard. Il est difficile de faire quoi que ce soit pour limiter l'impact.
Si on veut agir, il faut le faire en amont. On est vraiment sur une dynamique qui est celle du "changement d'usage du sol" : on enlève le sol pour y faire de l'agriculture. La seule solution est d'interdire cela. Cette année, on voit très clairement le rôle du pouvoir politique. Quand un gouvernement se positionne fermement pour lutter contre la déforestation, il y a des résultats.
L'envoi de moyens, notamment des avions bombardiers d'eau par les pays du G7, est-il malgré tout utile ?
Il faudrait évidemment arrêter ces feux, mais l'impact sera très ponctuel. L'essentiel serait une prise de conscience au niveau brésilien et international. Il faut que les menaces qu'on a vu de la part du G7 sur le Brésil portent leurs fruits pour que le discours des autorités change concernant la déforestation. N'oublions pas que le Brésil sait traiter la question, il y a eu de très bons résultats ces dernières années.
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