Inde : 239.000 fillettes meurent chaque année à cause des discriminations sexistes

Publié le 15 mai 2018 à 11h42
Inde : 239.000 fillettes meurent chaque année à cause des discriminations sexistes
Source : Sajjad HUSSAIN / AFP

INÉGALITÉS - Le nombre a de quoi donné le vertige : le sexisme tuerait 239.000 Indiennes de moins de 5 ans chaque année. En cause : une discrimination dans la répartition des soins médicaux et de la nourriture, révèle une nouvelle étude publiée dans le magazine scientifique "The Lancet".

On connaissait déjà la "sélection" des naissances, en Inde. Le pays connaît le plus faible sexe-ratio du monde : pour 107 naissances de garçons, on dénombre 100 fillettes quand la moyenne mondiale affiche plutôt un ratio de 105 garçons pour 100 filles, selon l'Organisation mondiale de la santé. Bien que la sélection pré-natale soit illégale en Inde, il "manquerait" ainsi 63 millions de filles dans le pays. Une nouvelle étude, publiée dans The Lancet, dévoile que les inégalités de genre vont bien plus loin.

"La discrimination fondée sur le sexe ne les empêche pas seulement de naître, elle peut aussi précipiter la mort de celles qui sont nées", analyse ainsi le démographe français Christophe Guilmoto, l'un des auteurs de cette étude choc. Les avortements dus au sexe du bébé sont même bien inférieurs en nombre à celui des morts de fillettes entre 1 et 4 ans. Une surmortalité qui se chiffre à 239.000 morts par an, soit près de 2,4 millions sur 10 ans.

Inégalités dans l'accès aux soins et à la nourriture

Elle s'explique par des carences de toutes formes : "L'égalité entre les sexes ne repose pas seulement sur les droits à l'éducation, à l'emploi ou à la représentation politique", explique ainsi le chercheur de l'université Paris-Descartes. "Il s'agit également d'accès aux soins, de vaccination et de nutrition des filles et en fin de compte de survie". Le rapport suggère que de nombreux décès sont dus à des négligences à l'encontre des petites filles dans une société qui préfère les garçons.

Guilmoto et al 2018

Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont utilisé les données de 46 pays de l'ONU - qui ne connaissent pas de discrimination de genre - pour les comparer à ceux de l'Inde. Ils ont réalisé qu'il y avait une surmortalité des filles de moins de 5 ans dans 29 des 35 états de l'Inde. En moyenne, cette surmortalité est de 18 pour 1000 naissances, entre 2000 et 2005.

"Environ 22% de la surmortalité chez les filles est donc due à une forme de sexisme", regrette l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), centre de recherche autrichien.

Le problème est particulièrement visible dans le nord du pays où les quatre plus grands états - Uttar Pradesh, Bihar, Rajasthan, et Madhya Pradesh - enregistrent 2/3 de la surmortalité. Sans surprise, c'est également dans les régions les plus pauvres, à la plus forte natalité, et au plus fort illettrisme que cette discrimination est la plus marquée.

"Une fertilité élevée est ce qui prédit le mieux la discrimination post-natale contre les filles, laissant penser que les morts supplémentaires de filles sont en partie la conséquence de grossesses non désirées et par la suite d'une négligence", soulignent les auteurs.

"Toute intervention pour réduire la discrimination dans la répartition de la nourriture ou les soins médicaux devrait par conséquent cibler (ces régions) en priorité", a commenté Nandita Saikia, démographe indienne de l'IIASA et l'une des auteurs de l'étude.


La rédaction de TF1info

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