Alors que les prix des produits alimentaires bondissent en Europe, l'inflation épargnerait les supermarchés russes seraient épargnés par les hausses massives.C'est du moins ce qu'assurent des internautes, s'appuyant notamment sur une vidéo tournée à Moscou.Des messages trompeurs : les autorités russes elles-mêmes ont fourni des chiffres montrant l'impact majeur de l'inflation dans les rayons.
Les sanctions économiques à l'encontre de la Russie sont-elles efficaces ? Alors que le débat sur cette question se poursuit, en ligne, des messages laissent entendre que la mobilisation des États européens n'est pas parvenue à faire plier la Russie. Pire : ces mesures seraient positives pour Moscou, en ce qui concerne notamment les produits alimentaires.
"La Russie, grâce aux sanctions [...] atteint l'autonomie de production agro-alimentaire. On trouve de tout, 'Made in Russia' et pas cher !", peut-on par exemple lire. Une vidéo, tournée dans un supermarché de Moscou, est d'ailleurs avancée comme preuve. On y voit une femme déambuler dans des rayons pleins et expliquer en anglais que rien ne manque pour les consommateurs.
Une inflation à deux chiffres sur un an
La vidéo censée prouver que la Russie est épargnée par l'inflation provient d'une chaîne YouTube intitulée "Made in Russland", qui compte un peu moins de 6000 abonnés. Lancée à la fin avril, elle totalise environ 630.000 vues, dont plus de 400.000 pour une seule vidéo. C'est d'ailleurs de celle-ci, mise en ligne le 19 septembre, qu'est tiré l'extrait relayé sur les réseaux sociaux. Le principe des vidéos est généralement le même : une femme se filme dans la vie de tous les jours, au supermarché notamment, et commente ce qu'elle voit. Si on l'entend parfois s'exprimer avec des passants dans un russe très fluide, c'est en anglais qu'elle s'exprime durant ses déambulations.
Tout indique que ces séquences sont tournées à destination des pays occidentaux. La femme qui se filme, disant s'appeler Marina, indique que ses amis étrangers lui demandent régulièrement comment se déroule la vie en Russie dans le contexte actuel. Outre l'usage de l'anglais pour communiquer, des sous-titres en anglais sont ajoutés lors de la mise en ligne. Des mots-clés tels que #Russie, #Poutine ou #sanctions sont ajoutés afin d'optimiser le référencement. Les titres sont volontiers ironiques. "Les sanctions en Russie ont commencé à fonctionner ???", interroge l'une des vidéos, tout en montrant des étalages largement remplis et aucun signe de pénurie. Un message très politique : malgré les sanctions, la Russie se porterait bien.
La Russie bien confrontée à l'inflation
Quelles conclusions tirer de ces images ? Tout d'abord, on constate grâce à certains plans que les tournages sont récents. Des dates de péremptions sont visibles sur certains produits et excluent la possibilité d'images d'archives montées a posteriori. Les prix affichés dans les rayons ne permettent en aucun cas de conclure que la Russie ne souffre pas d'inflation.
Des documents officiels présentés par Moscou attestent même de l'inverse. La Banque de Russie explique, dans un rapport, qu'en juillet 2022, les prix des biens de consommation alimentaires ont augmenté de près de 17%. "Les produits de base sont parmi les plus touchés", notait La Tribune au printemps, citant "les céréales (+35,5%), les pâtes (+29,6%), le beurre (+26,1%) et les fruits et légumes (+33,0%)". Des chiffres fiables, puisque partagés par Rosstat, l'équivalent russe de l'Insee.
L'agence Reuters soulignait durant l'été que les consommateurs russes se tournaient "vers des produits alimentaires moins chers", en raison de l'inflation. Un constat effectué non par ses journalistes, mais par "le premier groupe de distribution alimentaire du pays, X5 Group".
Expert de l'économie russe, le chercheur Julien Vercueil soulignait au début de l'été à TF1info que l'inflation, malgré un taux mensuel en déclin depuis avril, avait connu une "forte poussée initiale après le déclenchement de la guerre". Celle-ci "continuera d'avoir au 2e semestre des effets sur le pouvoir d'achat des ménages russes, qui était déjà sous pression depuis la crise Covid", prédisait-il.
Si l'impact du conflit sur les prix est indéniable, quid de la disponibilité des produits ? Voir des rayons bien garnis n'est en soi pas surprenant, sachant que les réseaux d'approvisionnement ne sont pas les mêmes que ceux que nous connaissons dans l'Hexagone. Le site de l'Observatoire de la complexité économique, l'un des principaux outils de visualisation des données du commerce international, illustre la dépendance des différents pays les uns envers les autres.
Des produits frais tels que les tomates ne sont ainsi pas menacés par les sanctions : effectivement, les deux tiers des celles importées en Russie proviennent d'Azerbaïdjan, de Turquie ou du Turkménistan. Il en va de même pour le raisin dont plus de la moitié provient du Pérou ou de Moldavie. Du côté des produits d'origine animal, on peut constater que les importations de beurre sont réparties entre 3 pays essentiellement : la Biélorussie, l'Argentine et l'Uruguay. Des partenaires économiques très différents des nôtres.
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