"Ingérence étrangère" venue de Russie, des États-Unis ou de Chine : mais de quoi parle-t-on exactement ?

Publié le 3 mai 2023 à 20h08

Source : TF1 Info

François Fillon était auditionné par la commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères ce mardi.
L'ancien Premier ministre s'est défendu de toute ingérence, évoquant sa "carrière".
L'occasion de faire le point sur cette pratique qui fait l'actualité.

Sa carrière "ne regarde que lui". Auditionné ce mardi 2 mai sur ses liens avec Moscou, François Fillon a écarté toute accusation d'ingérence politique, préférant évoquer une "carrière dans le privé". Par contre, l'ancien Premier ministre a assuré avoir "rencontré" ces cas de figure venant "d'un pays ami et allié qui s'appelait les États-Unis", citant les écoutes de la NSA. Une ligne de défense qui souligne à quel point la notion "d'ingérence étrangère", au cœur des travaux d'une commission d'enquête parlementaire, peut être imprécise. Et à quel point la frontière entre influence, ingérence et espionnage est fine.

Une politique d'influence "masquée"

Pour avoir une définition de ces pratiques, rien de mieux que celles données par Nicolas Lerner. Devant cette même commission, le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) a bien distingué chaque opération. Tout d'abord, l'espionnage correspond au "fait d'accéder de façon illégale à des informations confidentielles". C'est ce à quoi fait référence François Fillon lorsqu'il évoque l'affaire des écoutes de l'agence de sécurité nationale américaine. L'influence d'un État représente quant à elle les stratégies déployées "pour tenter de rayonner, d'influencer et de convaincre sur la base de son modèle et de ses valeurs". "Tel est le cas de la France", indique le chef de l'agence chargée de prévenir toutes les formes d'espionnage et d'ingérence étrangère. Or, les actions d'ingérence sont à "distinguer de la politique d'influence", comme il le souligne dans son propos introductif

 

Aux yeux de la DGSI, l'ingérence se définit en effet par "une politique d'influence" dont la particularité est d'agir de manière "masquée". "Elle consiste, pour un État, à mener des actions visant à rendre la politique d'un autre pays structurellement favorable à la sienne, sans que l'on sache d'où parlent les personnes et les organisations auxquelles il a recours." C'est ce caractère "clandestin" de l'action qui la rend réellement problématique. Dans le cas de l'influence, un pays vante son modèle et tente de convaincre qu'il est le meilleur, ce qui se range du côté de la diplomatie. De l'autre, on a des acteurs avec des intérêts cachés.

Pour mieux comprendre cette distinction, on peut citer le "Qatar Gate" qui a éclaboussé le Parlement européen en décembre dernier. Eva Kaili, une eurodéputée grecque, est accusée d'avoir fait l'éloge du Qatar et ses efforts en droit du travail contre des sommes d'argent. Une pratique décrite par certains comme du "lobbying agressif" qui correspond clairement à de l'ingérence aux yeux de la DGSI.

Si l'ingérence politique est au cœur de nombreux débats, cette méthode peut aussi prendre d'autres formes. Elle est également économique, financière et universitaire. Le monde de la recherche fait notamment preuve d'une vigilance accrue de la part des renseignements du fait de son exposition très particulière. Toujours en décembre, une étude avait par exemple révélé l'ingérence croissante de la Chine au sein des universités européennes. D'après eux, Pékin versait directement de l’argent à certains chercheurs de l'Union européenne en échange des résultats de leurs travaux. De quoi faire peser le risque de transfert de certaines technologies civiles et militaires. Avant ça, en 2021, un rapport sénatorial alertait sur des pratiques similaires au sein de l'enseignement supérieur français.

DOCUMENT TF1 - Dans le secret des espions : découvrez les coulisses des services de renseignement françaisSource : JT 20h Semaine

Pékin fait en effet partie de ces États "dont la politique est la plus aboutie en matière de renseignement", selon le patron de la DGSI. Autre exemple cité, sans surprise : la Russie. Ces deux pays associent leur politique d'influence à "une capacité d'espionnage et d'ingérence" ainsi qu'à "une maîtrise de l'outil cyber", arguait le chef de la sécurité intérieure. Distinction de taille : Pékin est particulièrement actif "dans le business", quand Moscou avance ses pions "en politique". Pour le prouver, un chiffre particulièrement éloquent. En 2020, Raphaël Glucksmann, président de la Commission spéciale sur l'ingérence étrangère, révélait que "80% des ingérences liées aux élections en Europe sont russes".


Felicia SIDERIS

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