CRAINTES - Les États-Unis ont menacé dimanche la Russie de "conséquences" pour le pays si l'opposant Alexeï Navalny, actuellement incarcéré et dont l'état de santé inquiète, venait à mourir. "On ne le laissera pas mourir en prison", a assuré la Russie. Les chefs de la diplomatie de l'Union européenne se réuniront lundi à ce sujet.
L'état de santé de l'opposant russe Alexeï Navalny, objet de toutes les inquiétudes. Alors que ce dernier, incarcéré dans une prison connue pour sa dureté, est malade et en grève de la faim, plusieurs gouvernements ont exprimé leur préoccupation et leur colère quant au traitement qui lui est réservé. Dans une interview publiée dans le quotidien Bild ce dimanche, le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a demandé à ce que l'avocat de 44 ans puisse recevoir un "traitement médical adéquat" de la part des autorités russes, de manière "urgente". Il a aussi exigé que le principal opposant au Kremlin "ait accès à des médecins ayant sa confiance", ajoutant que "son droit à un accompagnement médical doit lui être garanti sans délai". Les chefs de la diplomatie européenne discuteront de son cas ce lundi.
"La situation de M. Navalny est extrêmement préoccupante", a quant à lui déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian sur France 3. "Je souhaite que des mesures soient prises pour assurer l'intégrité physique de M. Navalny mais aussi sa libération", a-t-il ajouté. "Il y a là une responsabilité majeure pour le président Poutine." La Maison Blanche, elle, est allée plus loin en faisant savoir qu'il y aurait des "conséquences" pour la Russie "si Navalny meurt".
Si le traitement ne débute pas, il mourra dans les prochains jours.
Le médecin Alexandre Pouloupane cité par Kira Iarmych, porte-parole de l'opposant
Samedi, des médecins proches d'Alexeï Navalny ont exigé d'être autorisés à le voir immédiatement, affirmant qu'il peut avoir un arrêt cardiaque "d'une minute à l'autre". Le principal détracteur du Kremlin a arrêté de s'alimenter le 31 mars pour protester contre ses mauvaises conditions de détention, accusant l'administration pénitentiaire de lui refuser l'accès à un médecin et des médicaments alors qu'il souffre d'une double hernie discale, d'après ses avocats.
Selon le médecin personnel de l'opposant, Anastassia Vassilieva, le niveau de concentration de potassium dans le sang d'Alexeï Navalny a atteint un niveau "critique" de 7,1 mmol/L (millimoles par litre), "ce qui signifie à la fois une fonction rénale altérée et que de graves problèmes de rythme cardiaque peuvent survenir d'une minute à l'autre". "Un patient avec un tel taux de potassium doit être observé en soins intensifs, car une arythmie fatale peut se développer à tout moment. Décès par arrêt cardiaque", a abondé sur Facebook le cardiologue Iarolav Achikhmine. Le porte-parole de l'opposant, Kira Iarmych, a pour sa part cité sur Twitter le médecin Alexandre Poloupane, qui avait déjà soigné Alexeï Navalny, disant que "c'est une indication totale d'hospitalisation. Si le traitement ne débute pas, il mourra dans les prochains jours".
Люди обычно избегают слова "умирает". Но сейчас Алексей умирает. При его состоянии это вопрос дней. https://t.co/i4dsEi9RqE pic.twitter.com/zn7mmXPF36 — Кира Ярмыш (@Kira_Yarmysh) April 17, 2021
Une prison semblable à "un camp de concentration"
Alexeï Navalny a survécu de justesse l'année dernière à un empoisonnement qui l'avait plongé dans le coma. Il a accusé le Kremlin et les services de sécurité russes d'en être responsables. Revenu en janvier après cinq mois de convalescence en Allemagne, l'opposant avait été immédiatement arrêté et condamné à deux ans et demi de prison dans une ancienne affaire de fraude qu'il dénonce comme politique. Il est incarcéré à la colonie pénitentiaire n°2, située dans la localité de Pokrov, à 100 km de Moscou.
Pour Konstantin Kotov, défenseur des Droits de l'Homme et qui est passé par Pokrov pour avoir enfreint la loi sur les manifestations, "cette colonie est considérée comme exemplaire et elle y parvient en ne traitant pas les gens comme des humains". L'objectif : maintenir "les gens sous pression et les soumettre". Alexeï Navalny a quant à lui décrit une omniprésence des caméras. "Tout le monde est sous surveillance et la moindre infraction donne lieu à un rapport", écrivait-il dans une publication Instagram mi-mars, comparant l'endroit à "un camp de concentration".
Sa femme Ioulia, qui lui a rendu visite en début de semaine dans sa colonie pénitentiaire, a affirmé qu'il pesait désormais 76 kg, soit neuf de perdus depuis le début de sa grève de la faim. Plus de 70 personnalités dont Jude Law, Vanessa Redgrave et Benedict Cumberbatch ont appelé dans une tribune publiée vendredi soir dans le journal Le Monde à fournir à Alexeï Navalny les soins nécessaires.
Une manifestation de soutien prévue le 21 avril en Russie
Les alliés du détracteur du Kremlin ont appelé ce dimanche les Russes à manifester le 21 avril pour "sauver la vie" de l'opposant. "Il n'y a plus le temps - il est temps d'agir. Il ne s'agit plus seulement de la liberté de Navalny, mais de sa vie. En ce moment, il est en train d'être tué en colonie pénitentiaire, et on ne peut plus attendre", a écrit sur Facebook le bras droit de l'opposant, Léonid Volkov. Fin janvier et début février, plusieurs manifestations de soutien à Alexeï Navalny ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes en Russie. Elles avaient été réprimées avec plus de 11.000 interpellations, des amendes, des peines de prison fermes et l'ouverture d'une centaine d'enquêtes criminelles.
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Le Parquet russe a pour sa part demandé vendredi à ce que plusieurs organisations liées à AlexeÏ Navalny soient déclarées "extrémistes" et donc interdites en Russie. Leurs partisans pourraient risquer de lourdes peines de prison. "Sous couvert de slogans libéraux, ces organisations s'emploient à créer les conditions de la déstabilisation de la situation sociale et sociopolitique" en Russie, a expliqué le parquet moscovite pour justifier sa décision. Dans cette liste contenant pour l'instant 33 organisations, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) créé par Alexeï Navalny et les bureaux régionaux de l'opposant côtoieraient par exemple l'organisation jihadiste Etat islamique (EI) ou les Témoins de Jéhovah.
"On ne le laissera pas mourir en prison, mais je peux dire que M. Navalny se comporte comme un hooligan", "en essayant de violer chaque règle qui a été établie", a déclaré sur la chaîne publique britannique l'ambassadeur Andreï Kéline, accusant l'opposant de "vouloir attirer l'attention".
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