Iran : derrière les manifestations, une économie en difficulté

Publié le 5 janvier 2018 à 18h51
Iran : derrière les manifestations, une économie en difficulté
Source : STR / AFP

DÉCRYPTAGE - Des manifestations se sont déroulées ces derniers jours dans plusieurs villes d'Iran. Dans la rue : des citoyens exaspérés par les choix économiques du gouvernement.

"Est-ce que Rohani a déjà acheté des œufs ou de la viande ?" Une vidéo, publiée ces derniers jours sur les réseaux sociaux, illustre à elle seule la colère qui règne au sein de la population en Iran. On y voit des Téhéranais critiquer vertement la politique économique du gouvernement, principale cause des manifestations qui se sont déroulées depuis une semaine dans le pays.

L'accord sur le nucléaire sans effet ou presque sur la vie quotidienne

"Je proteste contre les rentes économiques, l'injustice, les vols, les détournements d'argent. Qui est derrière ça ? Ceux qui vivent dans des palais, ceux qui ont des ministres millionnaires dans leur cabinet", dénonce un homme dans la séquence filmée, véritable camouflet à l'encontre de Hassan Rohani. Réélu l'an dernier, celui-ci a longtemps estimé que ses réformes étaient nécessaires pour mettre l'économie iranienne sur les rails. Le président avait des raisons d'y croire, lui qui a ramené l'inflation de 40% en 2013 - date de son accession à la présidence - à 10%. Il pouvait aussi s'appuyer sur un taux de croissance à deux chiffres l'an dernier (12,3%). Une performance rendue possible par le doublement des exportations pétrolières, à la faveur de l'accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 entre l'Iran et les grandes puissances, et la levée partielle des sanctions internationales.

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Un chômage à 30% chez les jeunes

Las, cette croissance n'a pas permis jusque-là d’améliorer la situation sur le front du chômage. Et l'accord sur le nucléaire n'a pas entraîné l’afflux d'investissements étrangers espéré. En conséquence, beaucoup d'Iraniens se plaignent, y compris dans les médias officiels, de l'absence de résultats concrets dans leur vie quotidienne. Officiellement, le taux de chômage est de 12%, mais il avoisine 30% chez les jeunes dans ce pays de 80 millions d'habitants. Selon la Banque mondiale, le RNB (Revenu national brut) s'élevait à 5470 dollars par habitant en 2016, contre 6.950 dollars en 2013.

Des mauvais chiffres qui se sont ressentis sur le terrain, où la contestation date de bien avant les troubles de ce début d'année. Il y a quelques semaines, l'agence de presse ILNA (liée aux syndicats) avait fait état de protestations de plusieurs centaines d'employés du secteur pétrolier pour des retards de paiement, ainsi que des fabricants de tracteurs à Tabriz contre la fermeture de leur usine. La colère n'a fait qu'augmenter avec l'effondrement de sociétés de crédit qui a affecté des millions d'investisseurs. Ces sociétés s'étaient multipliées sous le mandat du président Mahmoud Ahmadinejad et se sont effondrées quand la bulle immobilière a explosé.

Dans ce contexte, le dernier budget d'austérité du président a été la "goutte de trop". Il prévoit notamment des réductions des budgets sociaux ou des augmentations des prix des carburants. Ces derniers ne seront finalement pas impactés, le gouvernement ayant préféré reculer devant la grogne dans la rue. Un premier geste avant d'autres ?


Thomas GUIEN

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