À LA LOUPE – Alors que les fausses informations se propagent autour de la situation en Iran, de grands médias tels que l'Agence France Presse ou le New York Times publient des vidéos sur lesquelles on observe l'avion ukrainien potentiellement atteint par un missile, juste avant son crash. Comment peut-on s'assurer de leur authenticité ?
En plein conflit américano-iranien, le crash d'un Boeing ukrainien quelques instants après son décollage de Téhéran a nourri une multitude de rumeurs. Parmi la masse de photos et de vidéos mises en lignes et propagées sur les réseaux sociaux, il est particulièrement difficile de discerner lesquelles pourraient être authentiques, et lesquelles sont fausses, trafiquées, ou bien encore totalement hors contexte.
Comment, dès lors, peut-on s'y retrouver ? L'Agence France Presse (AFP) ou le New York Times, ces derniers jours, ont mis en ligne deux vidéos de l'avion ukrainien, LCI a donc essayé de comprendre comment ces sources reconnues avaient procédé pour vérifier leur authenticité.
L'AFP branchée sur Telegram
La première vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux montre, dans l'obscurité, une boule lumineuse se rapprochant à vive allure du sol. Visiblement tournée avec un smartphone, elle a notamment été relayée par un journaliste de la BBC.
#Breaking First footage of the Ukrainian airplane while on fire falling near #Tehran pic.twitter.com/kGxnBb7f1q — Ali Hashem علي هاشم (@alihashem_tv) January 8, 2020
L'AFP a partagé ces images via son compte Youtube anglophone. Pour comprendre la manière dont a fonctionné l'agence, À la loupe a contacté Mehdi Lebouachera, rédacteur en chef de l’AFPTV. Il explique que "la vidéo émerge très peu de temps après l'accident sur les réseaux Telegram de trois agences officielles et semi officielles iraniennes", des réseaux dont est membre l'AFP.
Telegram, à l'instar de WhatsApp, permet à des utilisateurs d'échanger au sein de conversations groupées (et chiffrées, donc plus sécurisées). Il s'agit d'une application "très utilisé en Iran", souligne Mehdi Lebouachera. Une fois la vidéo repérée, le travail de vérification débute : "Quand notre journaliste reporter d'image iranien, basé en Iran et qui parle farsi, l'a vue, l'étape suivante a été de contacter la personne qui l'a tournée. Nous lui avons demandé de confirmer tous les détails, la date exacte, le lieu, les conditions dans lesquelles ça a été tourné…"
Ces informations, "de première main", ont convaincu l'agence de publier ces images. D'autant qu'une série de recherches préalables avaient été conduites à l'aide, notamment, d'outils de recherche inversée permettant de s'assurer que les images n'étaient pas issues d'une vidéo ayant déjà été publiée, par le passé, sur internet.
Angle de vue, analyse du son, détails de l'image... tout concorde
Outre Atlantique, c'est une autre vidéo qui a mobilisé les équipes du quotidien américain The New York Times. Elle montre l'avion ukrainien atteint par ce qui ressemble très fortement à un missile. Après une série d'analyses, le journal a décidé de la montrer à ses lecteurs. Là encore, la question de l'authenticité se pose, d'où la publication d'un article destiné à expliquer les méthodes employées pour l'authentification.
Vidéo vérifiée par le New York times montrant l'avion ukrainien frappé par un missile en Iran https://t.co/arIgT8NpDv pic.twitter.com/pMovEa7UPa — RAGE (@RageCultureMag) January 9, 2020
Avant de procéder à un examen approfondi des images, le Times a réussi à mettre la main sur la version originale de la vidéo, dans sa meilleure définition et fournie par l'auteur en personne. De quoi obtenir des renseignements sur le lieu de tournage ainsi que sur l'horaire. L'étape suivante a consisté à vérifier que la localisation était bien celle annoncée, et que ce qui est présenté comme l'avion ukrainien n'était pas un autre objet volant.
Pour y parvenir, le quotidien a obtenu des images satellites détaillées auprès d'une entreprise spécialisée dans la technologie spatiale. S'en est suivi un travail minutieux pour repérer des éléments distinctifs entre la vidéo et les lieux décrits comme ceux où se sont passés les faits. Le New York Times a ainsi identifié des immeubles aux signes distinctifs, ainsi que des équipements qui ressemblent à une citerne d'eau. Leurs emplacements concordent à chaque fois.
L'angle de la vidéo permet de visualiser la position de l'avion. Les journalistes ont dès lors tenté de faire un parallèle avec les données du vol récupérées, et le lieu où il devait se trouver dans le ciel au moment des faits. Là encore, aucune incohérence. Enfin, une analyse sonore a été mise en place. Le décalage entre la lumière produite par la détonation et le bruit enregistré dans la vidéo permet d'évaluer la distance entre le vidéaste et l'appareil. De nouveau, les données obtenues étaient conformes.
Cette analyse très minutieuse, ne laissant aucun élément au hasard, permet d'obtenir des certitudes, alors que la vidéo peut sembler au premier abord suspecte. Authentique, elle ne permet toutefois pas de conclure avec certitude qu'un missile a causé le crash. Seule une enquête approfondie des autorités, via notamment l'examen des boîtes noires, devrait pouvoir le déterminer.
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