"Le Parti communiste ne cesse de changer de politique" : pourquoi la Chine veut désormais limiter les avortements

Propos recueillis par Caroline Quevrain
Publié le 29 septembre 2021 à 18h58
"Le Parti communiste ne cesse de changer de politique" : pourquoi la Chine veut désormais limiter les avortements

Source : STR / AFP

INTERVIEW - Après avoir mené pendant près de 40 ans une politique particulièrement restrictive en matière de natalité, Pékin a annoncé que les avortements seraient bientôt limités pour relancer les naissances. Un revirement analysé par Catherine Capdeville-Zeng, sinologue et professeure à l’Inalco.

Dans un nouveau plan décennal, les autorités chinoises ont fait part lundi de leur volonté de conditionner les avortements pratiqués dans le pays à des raisons médicales. Un encadrement strict de l’IVG, pratique largement répandue chez des jeunes femmes qui se protègent encore peu lors de rapports sexuels, et qui fait débat après 36 ans d’une politique totalement inverse. 

Après avoir ouvert la brèche en juin dernier avec l’autorisation de trois enfants par foyer, le gouvernement entend désormais endiguer le vieillissement de la population en relançant la natalité, en baisse continue depuis 2017. Dans le détail, 12 millions de naissances ont été enregistrées en 2020 en Chine, contre 14,65 millions l’année précédente. Entretien avec Catherine Capdeville-Zeng, sinologue et professeure à l’Inalco, l’institut national des langues et civilisations orientales.

LCI : Pourquoi l’avortement va-t-il être contrôlé si strictement, alors que l’acte est légal depuis des décennies en Chine ? 

Catherine Capdeville-Zeng : Le gouvernement chinois s’est rendu compte des problèmes de natalité occasionnés par les politiques menées. Cela ne fait pas longtemps que la restriction des naissances a été assouplie (depuis 2015, ndlr), mais cela n’a pas porté les fruits escomptés. En fait, la politique de l’enfant unique a créé un trou démographique. Dans les villes, le taux de natalité est très bas car dans les milieux urbains et relativement aisés, les jeunes s'étaient adaptés à cette stratégie. Et ce n’est pas parce qu’on les autorise désormais à avoir plusieurs enfants qu’ils vont s’y mettre tout de suite. Ce phénomène ne se retrouve pas dans le monde rural mais le gouvernement chinois veut favoriser des enfants "de qualité", c’est-à-dire plutôt issus des classes urbaines et éduquées.

Les avortements sont-ils nombreux dans le pays ?

Vous ne pouvez avoir des enfants que si vous êtes légalement marié. Toutes les jeunes femmes qui ont le malheur de tomber enceinte n’ont d’autre solution que l’avortement. Cela peut donc occasionner de gros problèmes sociaux. Va-t-on par exemple les forcer à se marier si elles ne le sont pas ? Mais il faut savoir que la Chine est très grande et que des différences locales existent dans l’application des mesures gouvernementales. Par exemple, la politique de l’enfant unique pouvait être appliquée de manière très violente dans certaines régions, alors qu’elle était plus laxiste ailleurs. Ce n’était pas du tout uniforme. J’ai pu voir des familles avec quatre ou cinq enfants dans les campagnes, ce qui était impossible à imaginer dans les villes.

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Comment passe-t-on d’une politique qui contrôle les naissances à une politique totalement inverse en seulement 40 ans ? 

Le contrôle de la démographie en Chine se fait par mouvements et ces oscillations perpétuelles rendent la situation très compliquée. Quand le Parti Communiste est arrivé au pouvoir, il a mené une politique nataliste. Dans les années 50, il fallait donc faire beaucoup d’enfants. C’est l'une des raisons pour laquelle la population chinoise a beaucoup grossi. Et lorsque le gouvernement s’est aperçu que cela devenait ingérable, il a fait machine arrière et a instauré la politique de l’enfant unique (en 1979, ndlr). Maintenant qu’il réalise l'ampleur de toutes les catastrophes causées par cette politique, il revient en arrière, à nouveau. Tout à coup, il s’aperçoit que la population vieillit trop vite et qu’il a besoin de main d’œuvre, car c’est aussi un point de vue utilitariste. En réalité, le Parti communiste ne cesse de changer de politique.


Propos recueillis par Caroline Quevrain

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