L'Argentine est-elle réellement plongée dans un confinement depuis 7 mois ?

Publié le 27 octobre 2020 à 19h04
Des villes comme Buenos Aires ont connu de multiples phases de confinement, plus ou moins strictes.
Des villes comme Buenos Aires ont connu de multiples phases de confinement, plus ou moins strictes. - Source : JUAN MABROMATA / AFP

AMENAGEMENTS - Les opposants à un éventuel reconfinement, parmi lesquels Florian Philippot, prennent en exemple l'Argentine. Le pays sud-américain est présenté comme confiné depuis 7 mois sans interruption, ce qui est loin d'être la réalité.

Face à la résurgence massive de l'épidémie de Covid-19, les autorités envisagent aujourd'hui une série de pistes, parmi lesquelles figurent divers scénarios de reconfinement. Des mesures que redoutent de nombreux Français et certains responsables politiques, parmi lesquels le président du mouvement Les Patriotes, Florian Philippot. 

Invité de CNews, ce lundi soir, l'ancien bras droit de Marine Le Pen a partagé ses réserves quant à l'utilité de procéder à un reconfinement de la population. Il doute clairement de l'efficacité d'une telle décision et a justifié ses réserves en s'appuyant sur des exemples étrangers, citant l'Argentine en tout premier lieu. Là-bas, a-t-il indiqué, "on a un exemple grandeur nature". "C'est le plus grand confinement du monde : ça fait 7 mois qu'ils sont en confinement et vous regardez leur courbe de mortalité, c'est croissant en permanence. Chaque jour il y a plus de morts que la veille, donc ce n'est pas un exemple."

Pas de confinement généralisé

Est-il légitime de citer en exemple l'Argentine pour dénoncer l'inefficacité d'un confinement ? Au premier abord, il semble en effet que la courbe des décès ne montre que peu de signes visibles d'une inflexion. Le nombre de morts a augmenté de manière assez régulière jusqu'à la mi-septembre, avant qu'une multiplication des décès ne soit observée depuis environ un mois. Si bien qu'aujourd'hui, le pays affiche un bilan très lourd : près de 30.000 victimes, 5.000 de moins qu'en France.

Pour autant, il est faux d'affirmer que l'Argentine subit depuis 7 mois un confinement généralisé. Décrété dans un premier temps dans deux provinces, il a été rapidement étendu à l'ensemble du pays le 20 mars. Sous une forme assez similaire à celle connue en France : fermeture des commerces non essentiels, interdictions des sorties et des déplacements, fermeture des écoles... Une situation d'urgence qui a été prolongée à plusieurs reprises jusqu'au 26 avril. 

À partir de cette date, des mesures différentes ont été prises à travers le pays. En Argentine, les autorités ont mis en place 5 phases, correspondant chacune à une réduction des mesures. Le confinement le plus strict correspondait à la phase 1, quand un retour à la "vie normale" était conditionné au décret de la phase 5. Fin avril, les différentes provinces ont vu la situation évoluer de manière indépendante. Quand les mesures étaient assouplies dans les petites villes et les zones rurales, les agglomérations de plus de 500.000 habitants restaient de leur côté frappées par un nombres d'interdictions plus important.

Il faut néanmoins noter que dès le 11 mai, l'ensemble du pays est sorti de la phase 3, à l'exception de la zone métropolitaine de la capitale, Buenos Aires. Cela signifiait un changement majeur pour les Argentins : une majorité de la population a en effet vu se terminer la quarantaine (assouplie par paliers jusqu'alors), pour rentrer dans une phase dite de "distanciation". Celle-ci a permis la réouverture progressive de commerces non essentiels, l'autorisation de rassemblements en petits comités, ou bien encore la reprise d'activités sportives.

Une série de modulations

Il est trompeur d'évoquer la situation de l'Argentine en sous-entendant que l'ensemble de son territoire a subi des contraintes similaires. En effet, au cours des derniers mois, l'évolution du nombre de cas a dicté une adaptation des mesures à l'échelle locale. Les "autorités municipales et provinciales ont été autorisées à assouplir les mesures, en particulier dans les régions qui comptent peu de cas", soulignait l'AFP dès la mi-mai.

À l'exception des très grandes villes ou des zones dans lesquelles des pics de contaminations étaient observées, il faut noter que les restrictions étaient assouplies à travers le pays. "Il n'y a pas de circulation importante" du virus dans 18 des 24 provinces du pays, soulignait le président argentin début juin, justifiant alors la reprise de certaines activités jusqu'alors restreintes ou interdites. 

"Au début, c’était très strict avec assignation à domicile. On pouvait juste sortir pour faire ses courses dans le quartier", témoignait début octobre un Français exilé en Argentine dans les colonnes de la Nouvelle République. "Tout était fermé sauf les commerces essentiels. Les bars et les restaurants ont enfin rouvert depuis un mois mais seulement en extérieur. Il est toujours interdit de se réunir pour faire la fête à plusieurs." Il expliquait par ailleurs que les salariés s'étaient adaptés, avec un recours massif au télétravail pour ceux qui en avaient la possibilité. Une modification majeure du cadre de vie, mais qui n'a pour autant rien à voir avec un confinement strict tel qu'il a pu être mis en place au printemps. 

Si l'Argentine voit le nombre de décès dus au Covid-19 augmenter sur son sol, il est donc faux d'expliquer que le confinement n'a eu aucun effet et qu'il s'y prolonge depuis le mois de mars. La levée d'une partie des restrictions a en effet été actée dès le début du mois de mai dans les zones les moins touchées, tandis que les agglomérations ont progressivement vu s'assouplir les mesures mises en place au plus fort de la crise sanitaire. Bien que la vie des Argentins ait été très fortement bouleversée par l'épidémie, une bonne partie des interdictions ont été levées dans les différentes provinces, à la manière que ce qui a été observé en France ou chez nos voisins européens.

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Thomas DESZPOT

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