Le gouvernement azerbaïdjanais a annoncé mardi lancer une opération militaire dans l'enclave du Nagorny Karabakh, un territoire sécessionniste du pays à majorité arménienne.Depuis des décennies, Bakou se dispute cette région avec son voisin arménien.Erevan dénonce une "agression" visant au "nettoyage ethnique" et les séparatistes se disent prêts à "résister".
Après deux précédentes guerres qui ont meurtri la région, l'heure pourrait de nouveau être à l'affrontement dans le Caucase. L'Azerbaïdjan a lancé mardi une opération militaire au Nagorny Karabakh, trois ans après la dernière confrontation, demandant le retrait "total et inconditionnel" de son adversaire arménien de ce territoire disputé depuis des décennies avec son voisin. Au moins deux civils ont été tués et 23 autres blessés ont annoncé les autorités séparatistes arméniennes de cette enclave.
La diplomatie arménienne dénonce une "agression à grande échelle" à des fins de "nettoyage ethnique" et le Premier ministre du pays, Nikol Pachinian, a convoqué en urgence son Conseil de sécurité. De leur côté, les forces séparatistes de la région ont annoncé tenter de "résister" à l'armée azerbaïdjanaise qui essaie déjà d'avancer "en profondeur" dans cette enclave et mène une "opération militaire de grande envergure", selon elles.
L'Azerbaïdjan exige "la dissolution du prétendu régime" séparatiste
Tout a démarré avec l'annonce ce mardi matin par le ministère azerbaïdjanais de la Défense du lancement d'"opérations antiterroristes" pour mettre hors d'état de nuire "les positions des forces armées arméniennes", après la mort de six Azerbaïdjanais dans l'explosion de mines sur un chantier d'un tunnel en construction entre deux villes du Nagorny Karabakh, sous contrôle de l'Azerbaïdjan. Un acte "terroriste" imputé par Bakou à un groupe de "saboteurs" des séparatistes arméniens.
La diplomatie azerbaïdjanaise a prévenu que "le seul moyen de parvenir à la paix et à la stabilité" était "le retrait inconditionnel et total des forces armées arméniennes" du territoire et "la dissolution du prétendu régime" séparatiste. Le pays a également précisé avoir informé la Russie et la Turquie de ses opérations dans l'enclave, assurant ne viser que des "cibles militaires légitimes" et non civiles. Il a par ailleurs affirmé mettre en place des "couloirs humanitaires" pour évacuer les civils de la région.
Parallèlement, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a accusé l'armée arménienne d'avoir blessé deux militaires azerbaïdjanais lors de tirs de mortier et d'armes légères dans le secteur d'Agdam, au nord-est du Karabakh. Il l'a aussi accusée d'avoir tiré dans la nuit avec des armes légères vers des positions de l'Azerbaïdjan à la frontière entre les deux pays, et les séparatistes arméniens d'avoir visé via des interférences radioélectriques le système GPS d'un avion de ligne azerbaïdjanais.
L'Arménie condamne mais n'est "pas engagée" dans les combats
De son côté, le premier ministre arménien Nikol Pachinian a affirmé dans une déclaration télévisée que l'Azerbaïdjan avait "lancé une opération terrestre visant au nettoyage ethnique des Arméniens du Karabakh" et voulait "entraîner l'Arménie dans les hostilités". Il a toutefois assuré que son armée n'était "pas engagée dans des actions armées" : Erevan assure ne pas avoir de troupes dans la région, laissant entendre que ses alliés séparatistes étaient seuls face à l'armée azerbaïdjanaise.
Le pays a aussi jugé que la Russie, garant d'un cessez-le-feu datant de 2020 avec des forces de la paix sur le terrain, devait "stopper l'agression azerbaïdjanaise". Il a également appelé l'ONU à agir, et dénoncé au passage des appels à un "coup d'État" en Arménie. Quant à la frontière entre les deux pays voisins, elle reste "stable", a néanmoins voulu rassurer le chef du gouvernement arménien.
Les forces séparatistes, elles, ont d'ores et déjà indiqué que la capitale du Nagorny Karabakh, Stepanakert, et d'autres villes étaient ciblées par des "tirs intensifs", accusant l'Azerbaïdjan de mener "une opération militaire de grande envergure". "Les forces armées azerbaïdjanaises tentent d'avancer en profondeur (...) Les forces de défense continuent de résister à l'offensive de l'Azerbaïdjan sur toute la ligne de contact", ont-elles fait savoir sur X (ex-Twitter).
À l'international, un appel au calme
La Russie, alliée traditionnelle de l'Arménie et puissance régionale, a de son côté appelé Bakou et Erevan à "mettre fin à l'effusion de sang". La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a demandé aux deux parties de respecter les accords en vigueur et d'"éviter les provocations". Elle a ajouté que Moscou avait été prévenue uniquement "quelques minutes" avant le début des "opérations antiterroristes" menées par l'Azerbaïdjan.
L'escalade des tensions a aussi fait réagir du côté de l'Union européenne, qui a mis en place une mission d'observation à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et agit en tant que médiateur entre les deux pays. L'Azerbaïdjan doit "immédiatement" cesser son opération militaire, a affirmé mardi le président du Conseil européen Charles Michel, tandis que le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, a également "condamné" cette offensive et réclamé qu'elle prenne fin immédiatement, ne devant pas "être utilisée comme un prétexte pour forcer l'exil des populations locales".
La France a quant à elle condamné "avec la plus grande fermeté" l'offensive de l'Azerbaïdjan, une "action unilatérale, qui menace des milliers de civils déjà affectés par des mois de blocus illégal". Paris a aussi demandé une réunion d'urgence au Conseil de sécurité de l'ONU. Le secrétaire d'État américain Anthony Blinken va quant à lui prendre contact avec les différentes parties, a indiqué un responsable américain.
Une zone sous haute tension
Les tensions vont croissantes depuis des mois autour du Nagorny Karabakh, un territoire sécessionniste d'Azerbaïdjan à majorité arménienne, qui a déjà été au cœur de deux guerres entre Erevan et Bakou, au début des années 1990 puis à l'automne 2020, une confrontation qui avait duré pendant six semaines et avait débouché sur une déroute militaire arménienne.
Erevan avait dû céder à Bakou des territoires dans et autour du Nagorny Karabakh. Un cessez-le-feu négocié par la Russie avait été signé, impliquant le déploiement sur place de soldats de la paix russes, mais des échauffourées armées éclataient encore régulièrement à la frontière et les belligérants ne sont jamais parvenus à un accord de paix. En juillet, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait jugé dans un entretien à l'AFP qu'une nouvelle guerre avec l'Azerbaïdjan était "très probable".
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