La Corée du Nord affirme avoir testé un missile hypersonique : faut-il s'en inquiéter ?

Publié le 29 septembre 2021 à 13h26, mis à jour le 29 septembre 2021 à 13h31
Décollage d'un missile hypersonique nord-coréen.
Décollage d'un missile hypersonique nord-coréen. - Source : STR / KCNA VIA KNS / AFP

DÉCRYPTAGE - La Corée du Nord a annoncé mercredi avoir testé avec succès un missile planeur hypersonique, ce qui pourrait constituer une avancée technologique majeure. La réussite de cet essai revêt "une grande importance stratégique", a affirmé Pyongyang. Dans les faits, que changerait la maîtrise d'une telle arme ?

Une innovation susceptible de bouleverser l'équilibre des forces mondiales ? La Corée du Nord a annoncé mercredi le lancement réussi d'un missile planeur hypersonique. L'essai, réalisé depuis la province de Jagang, a "confirmé le contrôle de la navigation et la stabilité du missile" de même que "la manœuvrabilité de son système de guidage", a indiqué l'agence officielle KCNA. "Les caractéristiques de vol plané de l'ogive hypersonique détachée" seraient également conforme aux attentes. "Les résultats des tests ont prouvé que toutes les spécificités techniques étaient conformes aux exigences de conception", ajoute le communiqué. En réalité, que changerait la détention d'un tel équipement, dont le développement constitue l'une des cinq tâches "prioritaires" du plan quinquennal nord-coréen pour les armes stratégiques ?  

Une nouvelle arme inquiétante

Aux États-Unis ces dernières années, le laboratoire de recherche de l'armée de l'air (Usaf) a pris la mesure des missiles hypersoniques qu'il voit comme des "game changers", c'est-à-dire qu'ils c’est-à-dire qu'ils pourraient potentiellement bouleverser les rapports de forces. Même son de cloche en France, où le Centre d'études stratégiques aérospatiales (Cesa) considère que les nations ne disposant pas, dans un futur proche, de telles armes se trouveraient affaiblies. "L'équilibre stratégique serait alors repensé selon les États dotés de l'hypervélocité et les autres", souligne-t-il dans une note datant de janvier dernier. De son côté, l'Institut français des relations internationales (IFRI) a indiqué en juin dernier que les armes hypersoniques "deviennent surtout des attributs de puissance pour les États qui les conçoivent et les mettent en œuvre" et s'inquiète du "risque" d’une course aux armements "relancée". 

Alternative aux missiles balistiques ou de croisière "classiques", les armes hypersoniques combinent les avantages de la vitesse et de la manœuvrabilité pour traverser les systèmes de défense antimissiles de théâtre et de défense de territoire, et atteindre des objectifs dans la profondeur adverse ou en mer. Certains d'entre eux sont capables d'évoluer à Mach 5 (cinq fois la vitesse du son, soit plus de 6 000 km/h). Mais au-delà de la vitesse, ce sont les trajectoires erratiques et imprévisibles (possibilité de modifier en plein vol) qui font de ces missiles des armes redoutables (et redoutées). Ce constat est d'autant plus vrai que la portée de ces engins peut théoriquement être de "plusieurs centaines voire d’une dizaine de milliers de kilomètres", pointe l'IFRI. "Une telle portée dilaterait les espaces géographiques d’engagement, tout en comprimant les délais d’action pour les systèmes de plus courte portée", souligne l'institut. 

Une menace pour les bases aériennes américaines

La possession par la Corée du Nord d'un missile hypersonique pourrait donc bien rebattre les cartes en termes de puissance militaire dans la région. D'ailleurs, seule une poignée de pays ont déjà lancé des programmes et/ou des essais en la matière (Russie, Chine, États-Unis, Inde, Japon, Corée du Sud et France). Malgré cela, les  armées sud-coréenne et américaine se disent "capables de le [le missile, NDLR] détecter et de l'intercepter", ont tenté de rassurer mercredi les chefs d'état-major interarmées à Séoul. "Sur la base d'une évaluation de ses caractéristiques telles que sa vitesse, il est dans sa phase initiale de développement et son déploiement prendra énormément de temps", ajoutent-ils. 

Nous n'avons pas de défense susceptible d'empêcher le déploiement de missiles hypersoniques contre notre pays
Général John Hyten

Quand bien même, les États-Unis - qui ont, la veille, procédé à leur propre test d'un missile hypersonique - semblent prendre très au sérieux le danger que cette arme représente. Selon une étude de la Rand Corporation, l’un des centres d’analyse américains les plus pertinents sur les affaires militaires, publiée en 2020, ce "type de missile représente une potentielle future menace pour les bases aériennes américaines". "Nous n'avons pas de défense susceptible d'empêcher le déploiement de missiles hypersoniques contre notre pays", a même pointé le général John Hyten du commandement stratégique américain. 

Encore de nombreuses failles à combler

Heureusement, ces armements d'un genre nouveau ont aussi des failles. "Les questionnements liés à tout système de longue portée et à la problématique du ciblage sont démultipliés par l’hypersonique. Si les missiles hypersoniques peuvent être

employés dans le cadre de frappes planifiées, notamment contre des cibles protégées, ils posent cependant un intéressant dilemme opérationnel lorsqu’il s’agit de traiter des cibles très mobiles", note ainsi l'IFRI. "Ils seront moins discrets du fait

de leur signature thermique davantage marquée [...] et les très hautes températures générées durant le vol signeront toute frappe d’une manière plus nette", exposent les chercheurs. Enfin, ces systèmes représentent un investissement très élevé, tant en termes budgétaires que de ressources humaines et de savoir-faire. 


Maxence GEVIN

Tout
TF1 Info