L'info passée au crible

La retraites à points a-t-elle été définitivement abandonnée en Belgique ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 17 décembre 2019 à 15h17, mis à jour le 18 décembre 2019 à 17h07
'Ma pension est un droit, pas une tombola', tract du Parti du travail de Belgique avec l'image de Charles Michel, ancien Premier ministre

'Ma pension est un droit, pas une tombola', tract du Parti du travail de Belgique avec l'image de Charles Michel, ancien Premier ministre

Source : Parti du travail de Belgique

À LA LOUPE - Le Belges ont-il réussi à faire plier leur gouvernement qui souhaitaient instaurer un régime de retraite par points ? C'est en tout cas ce qu'affirme Edwy Plenel dans un tweet. Vérification.

Le projet de réforme de retraite par points n'en finit pas de susciter la polémique. Après s'être penché du côté de la Suède qui a instauré ce système il y a une dizaine d'années, les regards se tournent désormais vers la Belgique. D'après le président de Mediapart, Edwy Plenel, la mobilisation sociale a réussi à faire plier le gouvernement belge qui voulait, lui aussi, mettre en place un régime par points. 

Edwy Plenel reprend ici des propos similaires parus sur un blog hébergé par Mediapart, eux-mêmes tirés d'un article de L'Humanité, intitulé "Comment les travailleurs belges ont bloqué la retraite à points".

Quel projet de réforme est évoqué par Edwy Plenel ?

Pour mieux comprendre le tweet d'Edwy Plenel, reprenons depuis le début. En avril 2013, le gouvernement belge - à l'époque social-démocrate - ordonne la création de la Commission Réforme des pensions 2020-2040. Constituée de 12 experts, elle a pour mission de proposer des scénarios pour de futures réformes. Un rôle très semblable au Conseil d'orientation des retraites français.  

Après une année de travaux, la Commission rend son rapport en juin 2014, et comme dans le cas du COR en France, les experts belges recommandent l'instauration d'un régime unique par points, rassemblant sous un même système salariés, fonctionnaires et indépendants. 

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Si le gouvernement socialiste d'Elio Di Rupo ne retient finalement pas cette idée, elle sera reprise par le nouveau Premier ministre, le libéral Charles Michel, et sa coalition de centre-droit formée en octobre 2014. En juin 2017, le ministre des Pensions, Daniel Bacquelaine annonce devant les syndicats et le patronat, représentés au Comité national des pensions, son intention d'instaurer le nouveau régime en 2025. 

Pourtant, et comme le confirme à LCI le Service fédéral des Pensions, "il n'y a actuellement pas de système à points en Belgique." Que s'est-il donc passé ? A l'instar du Parti du Travail de Belgique et son slogan - "Ma pension est un droit, pas une tombola" -, plusieurs formations politiques et syndicats ont montré leur désaccord avec le projet. La rue a-t-elle fait plier le gouvernement outre-Quiévrain, comme le patron de Mediapart ?

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Le projet par points finalement abandonné

LCI a directement posé la question à Jean Hindriks, économiste, professeur à l'Université catholique de Louvain et membre de la Commission Réforme des pensions 2020-2040. Sa version, vue de l'intérieur, est nettement différente de celle vantée par Edwy Plenel. "Si le ministre des Pensions a évoqué à plusieurs reprises son intention de mettre en place un système par points, ce projet n'a jamais été véritablement soutenu par le Premier ministre. Contrairement à la France aujourd'hui avec Edouard Philippe et Emmanuel Macron, cette réforme a grandement manqué de leadership. Le système par points avait donc peu de chance d'aboutir et le gouvernement préféra allonger l'âge légal de départ à la retraite à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030." 

Quelle est la responsabilité du mouvement social dans cet échec ? Si la Belgique a connu une manifestation importante en décembre 2017, notamment concernant le secteur ferroviaire, suivie d'autres grèves épisodiques en 2018, il n'y a pas eu de mouvement social continu comparable à ce que vit la France depuis le 5 décembre. Une différence qu'explique pour LCI Pascal Lorent, journaliste du quotidien Le Soir. "En Belgique, le dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux ne fut jamais rompu et ces manifestations ont permis aux syndicats d’être plus forts à la table des discussions. Puis, dans le cadre des négociations pour mettre en place le régime par points, le gouvernement est parvenu à un accord dans la reconnaissance de la pénibilité dans le secteur public et pas dans le privé, ce qui a empêché un accord global sur la reconnaissance de la pénibilité." 

Finalement, le gouvernement a laissé le projet à points de côté, sans toutefois l'avoir enterré.   

Le ministre des Pensions défend toujours son projet

Bien que la Belgique ne dispose plus de gouvernement depuis un an suite à l'éclatement de la coalition, les ministres continuent d’exécuter les affaires courantes. Le ministère belge des Pensions a - on pourrait s'en douter - une vision bien différente des choses et refuse de parler d’abandon. Contacté par LCI, ce dernier explique que le processus est toujours en cours et assure que "le travail préparatoire est désormais finalisé. Il reviendra au prochain gouvernement en concertation avec les partenaires sociaux à mettre en œuvre la réforme."

 

Petite différence toutefois, le ministère ne parle plus de 'points' mais de 'compte-pension'. "Chaque euro cotisé doit générer les droits de pension, quel que soit le régime de travail et alimenter un compte-pension. La valeur des droits ou des points accumulés tout au long de la carrière doit être garantie et augmentée en fonction de l'évolution des salaires." Seul l'avenir pourra dire si les travailleurs belges ont permis de faire retirer définitivement ce projet de loi ou non.

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Cédric STANGHELLINI

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