Pour lutter contre les rodéos urbains, certains appellent à utiliser le "contact tactique", méthode-choc appliquée au Royaume-Uni.Une stratégie supposée mettre fin au fléau en "percutant tactiquement" la moto incriminée.Les choses sont en fait plus nuancées.
Le fléau est au cœur de l'actualité estivale. Alors que des rodéos urbains ont fait de nouvelles victimes ce week-end, le gouvernement affiche sa volonté de lutter contre cette pratique, qui a fait deux blessés ce vendredi 5 août. Mais la promesse d'intensifier le nombre de contrôles ne suffit pas à certains. Depuis ce week-end, plusieurs élus appellent à utiliser la méthode du "contact tactique". Une stratégie trouvée outre-Manche.
À Londres, les policiers peuvent mettre hors d’état de nuire un individu en #rodeo moto en le percutant tactiquement. Cela empêche l’individu de pénétrer en zones piétonnes. Nous pouvons l’expérimenter en France. + d’outils tactiques pour nos policiers, - pour les délinquants. — François Jolivet (@FJolivet36) August 8, 2022
"À Londres, les policiers peuvent mettre hors d’état de nuire un individu en rodéo moto en le percutant tactiquement", a ainsi plaidé le député François Jolivet ce lundi 8 août. Élu de la majorité présidentielle, il propose de "l'expérimenter en France". Idem pour l'eurodéputée Les Républicains Nadine Morano. Sur Twitter, elle a appelé ce mardi à autoriser cette mesure pour "calmer les voyous".
Pour rappel, comme nous vous l'expliquions ici, cette solution musclée consiste à percuter un deux-roues par l'arrière afin de l'arrêter dans sa course. Les conducteurs finissent alors par terre ou même sur le capot. Mais alors pourquoi n'est-elle pas en vigueur en France ?
Une technique qui n'est pas utilisée contre les rodéos
Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirme le député favorable à ce projet, la police londonienne n'a absolument pas le droit de mettre en œuvre cette stratégie pour empêcher un "rodéo moto". Adoptée en octobre 2017 par la seule ville de Londres, cette technique doit permettre de réprimer une vague de vols à l'arrachée dans la capitale, commis par des suspects qui prenaient la fuite sur des deux-roues.
Si la police londonienne s'est félicitée de l'efficacité de la mesure, qui a conduit à une baisse de 36% des vols impliquant des cyclomoteurs d'après les derniers chiffres qui remontent à 2018, il n'est pas ici question de rodéos sauvages. D'ailleurs, la règle oblige à certaines mesures - dont la régulation de la vitesse qui doit être "aussi lente que possible" ainsi que l'analyse des dangers pour le conducteur - qui sont difficiles à respecter dans le cadre de cette pratique illégale.
De plus, il est impossible de simplement "autoriser" cette pratique à tous les policiers du territoire comme le souhaite Nadine Morano. Comme le précise le site de la police londienne, le "contact tactique" n'est utilisé que par "des conducteurs de police dûment formés". En tout, d'après la Metropolitan police, seuls 280 agents ont été formés entre 2017 et 2020. Par ailleurs, cette solution musclée est très encadrée et ne peut être "autorisée que si c'est la seule solution pour arrêter le véhicule". En cas de non-respect, des sanctions sont prévues. En 2019, l'usage de cette tactique par un officier de police qui n'avait pas été formé a été considérée comme une "faute professionnelle".
Quel frein législatif ?
Au-delà de cette limite, certains considèrent qu'une telle mesure ne protège pas "la sécurité juridique pour les agents", à l'instar de Jérôme Moisant. Interrogé sur BFM, le Secrétaire national Unité SGP Police FO a estimé que pour l'envisager, il fallait au moins "changer les textes". Un argument toutefois assez léger. Au Royaume-Uni, il n'y a ainsi jamais eu de changement législatif. D'ailleurs, au moment de sa mise en place, la Fédération de la police avait affirmé que cette tactique - qu'elle soutenait largement - "enfreignait la législation actuelle".
Résultat : les policiers londoniens qui ont la permission de percuter les deux-roues doivent systématiquement se soumettre à une enquête dans le cas où un suspect est blessé. Le 4 décembre 2018, un agent a ainsi fait l'objet d'une enquête criminelle après avoir renversé un adolescent de 17 ans, qui avait subi de "graves blessures à la tête". "En fin de compte, aucune tactique policière ne peut jamais être utilisée en toute impunité", comme le soulignait en 2018 Jonathan Green, le directeur général adjoint du Independent Office for Police Conduct, l'équivalent de l'IGPN britannique. "Il s'agit toujours de savoir si son utilisation est raisonnable et proportionnée."
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