Le FBI accusé d'avoir poussé des Américains musulmans à devenir terroristes

Publié le 22 juillet 2014 à 13h33
Le FBI accusé d'avoir poussé des Américains musulmans à devenir terroristes

TERRORISME - Selon Human Rights Watch, la police fédérale américaine a encouragé - et parfois payé - des musulmans américains à commettre des attentats. Objectif : arrêter les "terroristes en puissance" et prétendre ainsi protéger la population.

Le FBI verse-t-il dans l'excès en matière d'antiterrorisme ? Le service de police fédérale des Etats-Unis a "encouragé, poussé et parfois même payé" des Américains musulmans à commettre des attentats qu'ils n'auraient peut-être jamais envisagés, dénonce Human Rights Watch (HRW) dans un rapport de 241 pages publié lundi (en anglais). Ces incitations au terrorisme ont eu lieu dans le cadre d'opérations de filature clandestines menées pour lutter contre le terrorisme après le 11 septembre 2001, assure l'ONG internationale.

HWR rapporte que les forces de l'ordre justifient ces opérations montées de toute pièce par le fait que "ces individus sont des terroristes en devenir et que si elles ne les avaient pas poussé à commettre des actes terroristes, Al-Qaïda l'aurait fait". L'ONG assure pourtant qu'elles ont "dans certains cas transformé en terroristes des individus respectueux de la loi, en leur suggérant l'idée de commettre un acte terroriste".

Opérations illégales dans certains pays

Au cours de ces opérations, un agent du FBI s'infiltre clandestinement dans les communautés musulmanes par le biais de la mosquée ou de l'école. Ces pratiques sont illégales dans certains pays comme la France. Pour autant, le ministre américain de la Justice Eric Holder avait encouragé, début juillet, à les généraliser afin de déceler d'éventuels complots d'attentats menés par des Européens radicalisés en Syrie. Celui-ci avait alors assuré que ces interventions étaient conduites "avec une précision et une précaution extraordinaires, pour veiller (...) à ce que les suspects ne soient ni piégés ni privés de leurs droits juridiques".

Pour son étude, HRW a passé au crible 27 affaires de terrorisme conduites par les tribunaux américains depuis les attentats du 11-Septembre - sur quelque 500 au total - et a entendu 215 personnes, des inculpés ou condamnés eux-mêmes ou leurs proches, avocats, juges ou procureurs. Même si elle se défend d'en faire une généralité, l'ONG estime que la moitié des condamnations de "terroristes en puissance" résultent de telles opérations sous couverture. Dans 30% des cas, l'agent infiltré a joué un rôle actif dans le montage du complot.

La communauté musulmane traquée

HRW accuse en outre les autorités de prendre sciemment pour cible la communauté musulmane. Cela a "un effet immédiat sur les pratiques" des fidèles qui se sentent traqués, selon Tarek Ismail, conseiller à l'Université de Columbia, qui a participé à l'étude. Le ministère de la Justice s'est cependant défendu en soulignant que ces opérations, validées par la Cour suprême, étaient un "outil de grande valeur pour protéger le pays du terrorisme".

Toujours selon l'étude, ce sont souvent des personnes vulnérables, souffrant de troubles mentaux et intellectuels qui sont visées par le FBI. A l'exemple de Rezwan Ferdaus, condamné à 17 ans de prison à l'âge de 27 ans pour avoir voulu attaquer le Pentagone et le Congrès avec des mini-drones bourrés d'explosifs. Celui-ci avait "de toute évidence" des problèmes mentaux, selon les propres dires d'un agent du FBI.

Interrogé sur ce rapport, Mike Geman, expert du Brennan Center for Justice (un institut rattaché à l’école de droit de l’Université de New York) et ancien agent du FBI a exprimé ses "inquiétudes face aux excès du FBI en matière d'antiterrorisme qui à la fois violent la vie privée et les libertés civiques et ne sont pas efficaces contre les vraies menaces".


Laurence VALDÉS

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