Le Haut-Karabakh coupé du monde : "Les gens ici risquent de mourir de faim"

Publié le 18 janvier 2023 à 17h57

Source : Sujet TF1 Info

Depuis le 12 décembre 2022, des "activistes" azéris bloquent la seule route qui relie le Haut-Karabakh au reste du monde.
Privé de ravitaillement, ce territoire fait face à de multiples pénuries, faisant peser le risque d'une catastrophe humanitaire majeure.
Témoignages.

Si près, si loin. Peuplé majoritairement d'Arméniens, le Haut-Karabakh, petite enclave située en Azerbaïdjan, est isolé du reste du monde. Depuis plus d'un mois - 38 jours très exactement - des "activistes" azéris bloquent le "corridor de Latchine", la seule route reliant cette région autonome à l'Arménie. Malgré la présence de la force d'interposition russe, chargée du maintien de la paix sur ce territoire après la guerre de 2020, ce groupe empêche tout passage de véhicules. Or, en temps normal, près de 90% des approvisionnements du territoire passent par cette route.

Cette manœuvre fait "peser la menace d’une catastrophe humanitaire majeure", ont dénoncé, en décembre dernier, des élus français dans une tribune. Le Conseil de sécurité de la République d'Artsakh (Haut-Karabakh pour les Arméniens) a même mis en garde, le 12 janvier dernier, contre un possible "nettoyage ethnique planifié" et un "nouveau génocide". Il faut dire que la situation sur place est de plus en plus précaire, comme le confient Siranush Adamyan et Hasmik Khachatryan à TF1nfo. Toutes deux journalistes à CivilNet, un média local, elles décrivent les problèmes de la population à Stepanakert (principale ville du Haut-Karabakh) et les difficultés créées par ce blocus. 

TF1info : Le corridor de Latchine est désormais bloqué depuis 38 jours. Quelle est la situation au Haut-Karabakh ? Comment cela se transcrit-il dans la vie de tous les jours ?

Siranush Adamyan et Hasmik Khachatryan : De nombreux médicaments manquent dans les pharmacies d'Artsakh. Les personnes dont la vie en dépend ne peuvent pas les trouver, ou très difficilement. L'un des patients de l'unité de soins intensifs de l'hôpital de Stepanakert est décédé en décembre. Son opération devait se faire en Arménie mais il n'a pas pu être transporté en raison de la fermeture de la route. De nombreux malades font face à ce même genre de problèmes. 

La nourriture est épuisée dans les magasins. Nombre d'entre eux ont été forcés de fermer leurs portes. Il faut imaginer : une majorité des denrées dont une personne a besoin au quotidien ne sont plus trouvables dans les commerces locaux. Les gens ici risquent de mourir de faim.

Au-delà de ces difficultés, de nombreuses familles se sont également retrouvées séparées. 

Un marché de Stepanakert fermé, faute de provisions.
Un marché de Stepanakert fermé, faute de provisions. - Davit GHAHRAMANYAN / AFP

De quoi les populations locales ont-elles le plus besoin aujourd'hui ?

Il serait plus approprié de demander ce qui ne manque pas. Il n'y a plus beaucoup de médicaments du quotidien. Nous ne pouvons plus trouver de nourriture dans le magasin. Les magasins ouverts vendent principalement du pain et des boissons. Heureusement, nous n'avons pas encore de problème d'eau. 

Quid de l'électricité et du chauffage ?

Il y a aussi des problèmes d'électricité. En ce moment, nous en sommes privés quatre heures par jour. L'Artsakh (le Haut-Karabakh pour les Arméniens) pourrait bientôt ne plus avoir électricité pendant de plus longues durées, car les réserves sont faibles. Les boulangeries ne peuvent pas fonctionner comme à l'ordinaire en raison des coupures de courant. Les hôpitaux, les écoles et un certain nombre d'autres établissements ne sont pas chauffés normalement. Dans de nombreux cas, les emplois du temps scolaires ont été réaménagés, les temps d'étude réduits. 

Par ailleurs, de nombreux foyers sont confrontés à des coupures de gaz et ne peuvent pas se chauffer, alors même que les températures sont basses. L'alimentation en gaz de l'ensemble du territoire a même été interrompue à deux reprises.

"Cela ne suffira pas longtemps"

Comment s'organise la survie dans de telles conditions ? 

À l'heure actuelle, de nombreuses personnes ont encore des stocks de nourriture chez elles, en particulier les personnes qui pratiquent l'agriculture. En parallèle, de la nourriture est allouée à chaque personne par les autorités locales, sous la forme d'un système de rationnement. Mais cela ne suffira pas longtemps.

Des organisations humanitaires sont-elles présentes dans la région pour fournir de l'aide ?

Ici, seule la Croix-Rouge fournit les médicaments essentiels et les aliments pour bébés aux pharmacies, mais en petites quantités. Et les provisions s'épuisent rapidement. 

Si le blocus continue, et qu'il n'y a pas de réponse internationale, combien de temps pensez-vous pouvoir tenir ?

Nous ne pouvons rien dire avec certitude, mais nous pensons que les réserves alimentaires et en termes de médicaments ne tiendront pas longtemps.


Maxence GEVIN

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