DESAMOUR - Coût exorbitant, retombées incertaines, infrastructures inutilisables... Les Brésiliens sont de moins en moins favorables à la tenue des Jeux olympiques, comme le révèle un récent sondage. D'autres populations, en Allemagne, en Suède, en Pologne, s'étaient d'ailleurs résolument opposées à ce que leur pays candidate aux JO. Le fait d'organiser les Jeux perd de sa superbe.
A quelques heures du coup d’envoi des Jeux de Rio, de nombreux Brésiliens doivent jalouser leurs homologues de Pologne. Il y a deux ans, ces derniers ont rejeté à presque 70% par référendum la candidature de leur pays aux JO d’hiver 2022. Forçant leur pays à mettre à la trappe l’idée de faire de Cracovie la ville hôte de la compétition sportive.
Aujourd’hui, entre les JO et les Brésiliens, c’est désormais une histoire de désamour. Un sondage de l’institut Datafolha, livré la semaine dernière, révèle que la moitié des habitants sont opposés à leur tenue à Rio. De même, 64% estiment que la compétition fera plonger leur économie. Si la défiance à l’égard de la présidente Dilma Rousseff, visée par une procédure de destitution et un scandale politico-financier , contribue sans doute à ce rejet, ces chiffres n’en jettent pas moins une lumière crue sur le manque d’appui populaire aux Jeux olympiques dans un pays économiquement vacillant.
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Alors que le Brésil est déjà au bord du gouffre financier, l’Etat de Rio, en faillite, a dû faire des appels du pied à l’Etat fédéral pour parvenir à terminer les travaux dans les temps, révèle Le Figaro lundi . Le gouvernement, qui se serre déjà la ceinture, lui a ainsi versé l’équivalent de 850 millions d’euros. Juste de quoi finir de bâtir la ligne de métro et payer les salaires des fonctionnaires jusqu’en septembre.
Un budget qui a grimpé à 12,5 milliards d'euros
Un temps sous-évalué, revu à la hausse, puis rogné pour faire des économies , le budget JO de Rio frise, suivant le décompte officiel, un total de 9 milliards d’euros. Toutefois, d’après une enquête du quotidien brésilien Folha de São Paulo, l’ardoise est passée de 10,8 à 12,5 milliards d’euros. Sans compter les frais de sécurité.
Partout, l'organisation des JO est de moins en moins populaire. En Allemagne, en novembre 2013, les Bavarois ont retoqué la candidature de Munich aux JO d'hiver de 2022. La Suède, elle, s’est retirée après que le parti modéré au pouvoir a refusé de financer les Jeux , faute, estimait-il, d’attractivité. "Organiser ces JO d’hiver impliquerait de gros investissements dans des équipements sportifs", ont alors expliqué les parlementaires, "qui ne sont plus d’aucune utilité après les jeux".
Des infrastructures à l'abandon
Et pour cause, une fois que la compétition a rendu son dernier souffle, les gigantesques infrastructures tombent en désuétude et ne servent plus à personne. Exemple patent, l’énorme stadium vieillissant de Montréal, bâti au milieu des années 1970 et jamais retapé, n’accueille aujourd’hui plus que des événements sportifs et festifs ponctuels. Les Montréalais, eux, n’ont remboursé l’addition olympique qu’en… 2006, soit 30 ans après avoir allumé la flamme.
En février 2015, lorsque la maire de Paris, Anne Hidalgo, a pressé le pas pour la candidature de Paris aux JO de 2024, David Belliard, président du groupe écologiste au Conseil de Paris, a bataillé pour imposer un "référendum francilien". "La seule candidature coûte au bas mot entre 60 millions et 100 millions d’euros”, déplorait-il dans une lettre ouverte adressée à la maire. "À titre de comparaison, le budget d'investissement de la Ville de Paris dédié au sport [stades, gymnases, piscines] s'élève à 46 millions d'euros en 2015. Le plan vélo, qui prévoit le doublement des pistes cyclables, est lui de 100 millions d'euros… pour cinq ans !"
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Le coût exorbitant des Jeux, souvent très supérieur à celui prévu, fait office de repoussoir. Malgré les "retombées économiques" que promet Comité international olympique (CIO), le site Business Insider rétorque au contraire que "durant des années, le fait d’être candidat aux JO a été justifié par un énorme mensonge économique : investir dans l’accueil des JO permettra une croissance économique à long terme. Or, c’est faux."
L’économie grecque en sait quelque chose. Elle garde un arrière-goût amer des Jeux de 2004, ruineux, qui ont contribué
à alourdir d’au moins 2% la dette hellène
, selon un ancien président du CIO, Jacques Rogge.
A chaque organisation olympique ses surcoûts calamiteux. A Pékin, l'investissement a été 12 fois plus élevé que prévu. A Rio, retards de chantiers, changements de plans et rénovations ont plombé le budget BTP, lequel a fini par grimper à 1,8 milliard d’euros, contre 1,1 milliard à l’origine. Le village olympique empoche la médaille d’or du dépassement des coûts, avec une hausse de 117% par rapport aux prévisions. Contrecoup de ces accrocs : il est désormais presque certain que l’Etat sud-américain n’amortira pas ses dépenses. Les coûts des JO outrepassent déjà le bénéfice escompté.
Est-ce si étonnant ? Dans une étude consacrée au coût des JO , étalée de 1960 à 2012, deux chercheurs de l’université d’Oxford concluent tout simplement que "l’accueil des JO est un des projets les plus risqués financièrement au monde".