A LA LOUPE - Le député conservateur Luke Evans, fraîchement élu au parlement britannique et novice en politique, dévoile sur les réseaux sociaux ses premiers pas. Alors que la Chambre des Communes comporte 427 sièges pour 650 élus, il indique que pour s'assurer une place, il faut assister à la prière précédent tout débat politique. Qu'en est-il ?
Le Parlement britannique, la House of Commons, est assez unique. Ici, pas d'hémicycle, mais des sièges qui se font face et où s'installent, à droite du speaker, les élus de la majorité. De l'autre côté, l'opposition. Un face-à-face qui donne lieu à des joutes verbales mémorables. Pour les votes cruciaux, pas d'urne, mais deux couloirs dans lesquels les parlementaires doivent s'engouffrer en fonction de leur choix. Un comptage est effectué à chaque entrée.
Les députés, fraîchement élus le 12 décembre dernier, commencent à se familiariser avec tous ces rites et coutumes. Les élections qui ont offert une large victoire au camp conservateur et à Boris Johnson ont vu émerger 140 nouveaux élus, dont 109 pour le seul camp conservateur sur les 650 qui occupent la Chambre des Communes.
Parmi eux, le Dr Luke Evans. Ce conservateur partage ses premiers pas, avec ses quelque 4000 abonnés sur Twitter. Une photo de sa rentrée des classes devant le Parlement, comme dans le tweet ci-dessous, ou aux côtés de ses nouveaux camarades, mais aussi des découvertes sur le fonctionnement de la Chambre. Ici, de l'importance de "prêter serment", et là, plus étonnant, sur la manière d'obtenir un siège lors des débats.
Early start...the walk in to the new office. 0800 for the induction training. pic.twitter.com/wlEeusJUOv — Dr Luke Evans (@drlukeevans) December 16, 2019
Contrairement à l'Assemblée Nationale française, les députés britanniques n'ont pas de siège attitré. Pire, la Chambre ne comprend que 427 places pour ... 650 députés. "Les gens se demandent comment on a un siège, maintenant je le sais. Une carte de prière doit être placée pour obtenir un siège pour la journée (vous devez le faire quotidiennement pour réserver un siège)", explique-t-il photo à l'appui (cf. tweet ci-dessous).
"Toutes les auditions parlementaires démarrent avec des prières", confirme l'ONG Humanists UK. "Il y a 650 députés à la Chambre des Communes et seulement 427 sièges. Les députés qui y assistent sont plus susceptibles d'obtenir des sièges et de fait, ont plus de chances d'être choisis pour prendre la parole lors des débats. C'est un privilège religieux au travail, extrêmement ancré", regrette l'organisation.
All Parliamentary proceedings start with prayers. There are 650 MPs in the HOC and only 427 seats. MPs who attend are more able to get seats and therefore are more likely to be chosen to speak in debates. This is deeply entrenched religious privilege at work. https://t.co/squhULMTEr — Humanists UK (@Humanists_UK) December 17, 2019
La carte de prière, un impératif pour débattre
Cette annonce a déconcerté plus d'un Britannique. "Non sens", peut-on lire en commentaire, ou encore "archaïque". Pourtant, il s'agit bien d'une tradition toujours en cours. "Chaque séance, dans les deux chambres, débute avec des prières du culte chrétien, détaille le parlement britannique sur son site internet. (...) Les députés peuvent utiliser des cartes de prière pour réserver des sièges dans la chambre pour l'ensemble de la journée. Ces 'cartes de prière' sont datées et doivent être obtenues personnellement par le membre qui souhaite les utiliser (...) avant que l'Assemblée ne se tienne." De nos jours, Patricia Hillas est chargée de mener ces prières, à la Chambre des Communes.
Lors des débats importants, comme le vote du budget ou les questions au Premier ministres, utiliser cette carte de prière est quasi essentiel pour s'assurer une place. Les parlementaires placent cette carte, portant leur nom, sur le dossier du banc où ils souhaiteront s'asseoir lors des débats. Cette "réservation" vaut pour toute la journée. Sans cela, ils risquent bien de finir debout, au fond de la salle.
Religion d'Etat
Comment expliquer une telle pratique, impensable en France ? Tout simplement, parce qu'il n'existe pas de séparation de l'Eglise et de l'Etat au Royaume-Uni. L'anglicanisme est ainsi la religion d'Etat en Angleterre, le presbytérianisme en Ecosse. La reine d'Angleterre est d'ailleurs, comme tous les souverains britanniques, "gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre".
Pour autant, cette tradition de prières institutionnalisées avant toute assemblée politique - on retrouve également cette tradition dans les conseils municipaux - fait débat depuis de nombreuses années. En janvier dernier, le député conservateur Crispin Blunt a ainsi déposé un amendement visant à supprimer cette pratique, estimant que ces prières parlementaires n'étaient "pas compatibles avec une société qui respecte le principe de la liberté de culte". Sans succès.
En 1982 déjà, le député James Labond indiquait lors d'un débat à la Chambre des communes : "Je sais que cette tradition de longue date est entérinée dans les règles de la Chambre, mais je me demande si ces 'cartes de prières' sont nécessaires." Il estimait toutefois ne jamais avoir été obligé de placer une telle carte pour s'assurer un siège. "Ce n'est pas à moi de changer une tradition de la Chambre", lui avait répondu le 'Speaker', l'équivalent de notre président de l'Assemblée. "Je pense que seul le Parlement peut changer un usage ou une tradition qui perdure depuis plus longtemps que chacun des honorables membres de la Chambre." Plutôt que de supprimer ces prières, certains élus ont proposé que ce temps soit consacré à d'autres religions. Là encore, en vain.
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