Marine Le Pen comme Jordan Bardella réaffirment leur opposition aux sanctions russes sur l’énergie, qu’ils jugent contreproductives.Si la Russie s’enrichit en vendant du pétrole au prix fort, ce n’est pas lié directement aux sanctions prises par l’UE.
C’est l’argument phare de ceux qui s’opposent aux sanctions prises contre la Russie, dans le secteur de l’énergie : celles-ci auraient un effet contreproductif en ne faisant que "renforcer" Moscou. "Les sanctions sur l’énergie ne font qu’enrichir la Russie", a encore répété Jordan Bardella le 29 septembre, dans la lignée de Marine Le Pen. Mais que vaut cet argument ?
Les sanctions envers la Russie dans ce secteur portent sur les hydrocarbures : depuis le 8 avril, l’UE a acté la fin des importations de charbon et de pétrole russes, mais de manière progressive. Les Européens ont arrêté d’acheter du charbon russe depuis août et cesseront d’acheter 90% de leurs approvisionnements en pétrole russe d'ici à la fin 2022. L’ensemble des sanctions n’ont donc pas pris forme aujourd’hui, tout comme leurs effets sur l’économie russe. Les six premiers mois de l’année, l’UE restait le plus gros acheteur de combustibles fossiles russes au monde, d’après le Centre for research on energy and clean Air (CREA).
Le gaz, lui, arrive de moins en moins en Europe, mais cela est surtout lié à une volonté de Moscou de couper le robinet. De l’autre côté, l’UE cherche à diversifier ses importations et ne plus être dépendante de Moscou en achetant, par exemple, du gaz d’Azerbaïdjan ou avec le Qatar.
Un enrichissement... avec plusieurs causes
S’agissant du pétrole, Moscou a pu trouver d’autres acheteurs. En effet, le pétrole est "un combustible fongible", souligne Thierry Bros, spécialiste des questions énergétiques et professeur à Sciences Po. "Ce qui ne va plus à l’Ouest va à l’Est." Sentant le vent tourner, la Russie s’est donc mise à vendre du pétrole à l’Inde ou la Chine et, pour les attirer, une réduction de 30% moins cher que la moyenne. Mais avec la hausse du prix du baril début 2022, Moscou n’a pas été lésé, au contraire. Dans un rapport, le CREA estime que les ventes de pétrole brut ont rapporté à Moscou 76 milliards d’euros, et les produits pétroliers : 26 milliards d’euros, au cours des six premiers mois de 2022.
"Cette ‘bosse’ des prix a profité à tous les exportateurs de pétrole, dont la Russie", abonde Julien Vercueil, professeur d’économie à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Le pays s’est donc enrichi en revendant ses hydrocarbures en moins grande quantité, mais plus cher. Si le prix du baril de pétrole a explosé, ce n’est d'ailleurs pas lié directement aux sanctions, insiste le spécialiste de l’économie des États post-soviétiques : "Cela est contredit par la dynamique des prix, qui montent depuis 2020". Concrètement, le prix du baril a grimpé pour plusieurs raisons. Et en premier lieu, la reprise post-Covid avec une forte demande qui s’est heurtée aux capacités de production et aux coûts de transport.
Avant l’invasion de l’Ukraine fin février 2022, et la mise en place de nouvelles sanctions, le prix du baril avait déjà dépassé les 90 dollars. La guerre, avec toutes les incertitudes qu’elle a pu créer sur les marchés, n’a fait que provoquer "une hausse supplémentaire des prix, qui ont atteint leur maximum début juin". Aujourd’hui, le prix du baril se situe en dessous de 80 dollars, son niveau de janvier 2022.
Pour ce qui est du charbon, comme l’a souligné le CREA, Moscou a eu plus de difficulté à dénicher de nouveaux acheteurs. Après l’entrée en vigueur de l’embargo le 10 août dernier, "les volumes d'exportation de charbon de la Russie sont tombés au niveau le plus bas depuis le début de l'invasion".
Et si le gaz russe n’est pas interdit en Europe, les réductions des livraisons ont en revanche été décidées suite aux sanctions. Et cela pourrait peser lourd dans l’économie du pays, qui ne peut pas revendre son gaz à d’autres pays de l’Est, comme il peut le faire avec les hydrocarbures. L’acheminement du gaz se révèle plus complexe et doit passer par des infrastructures déjà existantes. Aujourd’hui, l’essentiel du gaz russe est donc invendu et les Européens en paient le prix fort.
Pour l’instant, Moscou s’en sort bien, en vendant 80% de volume en moins qu’en 2020 mais en gagnant quasiment autant, selon Thierry Bros. Mais à terme, "les effets du quasi-arrêt des ventes, depuis juillet, à l'Europe seront brutaux sur les revenus de Gazprom et sur le budget de l'État", prédit Julien Vercueil. Un budget russe aujourd’hui en déficit, parfois renfloué à hauteur de 10% par les bénéfices de Gazprom.
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