L'info passée au crible

Les vidéos montrant des Chinois s'écrouler au sol dans la rue ou dans des hôpitaux sont-elles authentiques ?

par Claire CAMBIER
Publié le 30 janvier 2020 à 23h20
Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des personnes tomber à terre, dans la rue ou dans des hôpitaux, en Chine.

Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des personnes tomber à terre, dans la rue ou dans des hôpitaux, en Chine.

Source : Captures d'écran

A LA LOUPE - Des vidéos montrant des personnes s'écrouler soudainement au sol circulent sur les réseaux sociaux. Les différentes descriptions indiquent qu'il s'agit de Chinois atteints du coronavirus. Peut-on s'y fier ? Si les informations concernant les lieux, la situation ou encore l'état des patients sont parfois erronées, ces images sont bien souvent authentiques.

Les images semblent tout droit sorties de films apocalyptiques. Les lieux changent, ici dans la rue, là dans un couloir d'hôpital, mais les scènes sont toutes identiques : des personnes tombent soudainement à terre, sans crier gare. Depuis une semaine, les vidéos montrant des personnes gisant sur le sol se multiplient sur les réseaux sociaux et sont visionnées des milliers de fois. Les internautes accusent le coronavirus. Est-ce une réalité ?

"Il faut être prudent avec ce qui circule sur les réseaux sociaux, alerte d'emblée Jean Dubuisson, chercheur au CNRS. Les causes de syncopes sont multiples, une personne peut s'écrouler dans la rue sans pour autant être atteinte du coronavirus." Cet expert du Centre d'infection et d'immunité de Lille nous avoue ne pas pouvoir se prononcer sur ces images sans avoir accès au suivi des patients. Des personnes peuvent avoir été prises en charge par du personnel médical équipé de protections contre le coronavirus, sans pour autant l'avoir contracté.

Si les vidéos issues des réseaux chinois sont particulièrement difficiles à authentifier, de par la langue et la faiblesse des informations locales, certains éléments peuvent toutefois être vérifiés.

Des localisations trompeuses

Prenons cette vidéo ci-dessus. "Les choses ne s'arrangent pas à Wuhan, les médecins sont débordés et les patients tombent au sol", note Coronavirus News. Le compte a été créé en janvier 2020 et relaye des informations sur les événements liés à l'épidémie, sans les sourcer. Le hic : les personnes parlent ici en cantonais, une langue qui n'est usitée que dans une petite région du sud du pays, et dans tous les cas, pas à Wuhan.

Certains internautes estiment qu'il s'agit bien d'un patient atteint du coronavirus, mais dans un hôpital de Hong Kong, plus précisément à l'hôpital Princess Margaret. Si l'on y parle mandarin et que des cas y ont été détectés, cette information reste à prendre avec des pincettes, les autorités et les médias locaux ne l'ayant pas validée. Surtout, le patient n'a aucune protection, contrairement aux mesures sanitaires et aux différentes photos des patients atteints sur cette île.

Des pétards, pris pour des coups de feu

Ici, nous ne voyons pas les personnes tomber au sol mais, nous les retrouvons au sol dans un jardin. "Une nouvelle vidéo de la zone de quarantaine en Chine, indique sur Twitter Max Howroute. Du personnel médical ausculte des patients atteints par le coronavirus. Plusieurs sources locales rapportent que des personnes meurent dans leurs maisons. Les tirs que l'ont entend en fond sont pour arrêter ceux qui tentent de s'échapper".

Des faits largement exagérés. Les patients au sol sont très probablement des personnes atteintes du coronavirus ou tout du moins des personnes en présentant les symptômes, car les autorités chinoises assurent traiter les patients, s'ils s'avèrent atteints, dans des zones dédiées dans les hôpitaux. 

Surtout, les coups de feux sont en réalité des pétards ou petits feux d’artifice, une tradition lors du Nouvel an chinois, la plus grande festivité du pays, comme le rapporte le compte hongkongais OSINT HK (un groupe utilisant les données disponibles en open source).

Des cadavres, victimes du coronavirus, dans un couloir d'hôpital ?

Ici, le cas est plus grave, les internautes évoquent des cadavres dans un hôpital de Wuhan. Ce qui est décrit comme une infirmière indique dans la vidéo que "trois corps sont allongés ici depuis le début de matinée. Jusqu'à maintenant, personne ne s'est occupé d'eux. Les docteurs et infirmières travaillent tous dans ces conditions. Il n'y a aucun manager ici".

Thomas Yau, un réalisateur chinois de Shanghai a disséqué la vidéo. "On peut lire 'Wuhan' sur une couverture couvrant l'un des corps et sur un sac en plastique", note-il. La vidéo a donc bien été prise dans l'un des hôpitaux de la ville.

L'homme a ensuite comparé une capture d'écran de la vidéo et un cliché relayé par le média Xinjingbao, un journal de Pékin (cf. ci-dessous), pour évoquer les mesures de quarantaine prise à l'hôpital de la Croix Rouge. La vidéo a par ailleurs été authentifiée pour le New York Post par Storyful, une agence spécialisée. 

Le journal South China Morning Post a réussi à retrouver la trace de la personne qui a posté en premier lieu cette vidéo sur le réseau social chinois Weibo. Selon cette femme prénommée Xiaoxi, les corps sont bien des personnes décédées dans l'hôpital. "J'ai tendu un paquet de mouchoirs à une infirmière. Elle pleurait et essayait de faire venir des personnes pour bouger les corps mais personne lui répondait", explique-t-elle. La situation à Wuhan est aujourd'hui critique, rapporte la femme. Elle et son mari tentaient ce jour là d'être acceptés à l'hôpital, après avoir essuyé des refus dans quatre autres centres hospitaliers. 

Nous ne pouvons pas certifier ses dires concernant les victimes. Sont-elles décédées ? Etaient-elles atteintes du coronavirus ou souffraient-elles d'autre chose ? Une chose est sûre, les places manquent cruellement dans les hôpitaux. Deux sites pouvant contenir plus de 1000 lits sont en construction pour pallier le manque de places.

Le dernier bilan officiel fait état de 170 morts en Chine, pour plus de 7.500 personnes contaminées, principalement autour de Wuhan. Des chercheurs de l'Université de Hong Kong (HKU) estiment de leur côté que le nombre de personnes atteintes dépasse plutôt les 40.000.

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Claire CAMBIER

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