Ce qu'il faut savoir sur Rachid Nekkaz, "l'indésirable" candidat à la présidentielle algérienne

Publié le 26 février 2019 à 13h44, mis à jour le 2 mars 2019 à 17h59
Ce qu'il faut savoir sur Rachid Nekkaz, "l'indésirable" candidat à la présidentielle algérienne
Source : RYAD KRAMDI / AFP

PORTRAIT - Rachid Nekkaz, candidat à la présidentielle, a été contraint de quitter Alger après une manifestation contre un nouveau mandat d'Abdelaziz Boutflika. Qui est cet homme d'affaires qui s'est déjà fait remarquer en France et semble quelque peu gêner le pouvoir algérien ?

L'homme est sulfureux et semble déranger le pouvoir en place. Rachid Nekkaz, candidat déclaré à la présidentielle algérienne face à Abdelaziz Bouteflika, a été contraint de quitter Alger, samedi 23 février, après voir drainé des centaines de personnes dans la capitale en vue de récolter une partie des parrainages nécessaires pour présenter sa candidature à l'élection présidentielle, le 18 avril prochain. Depuis quelques semaines, M. Nekkaz sillonnait l'Algérie à la quête de ses signatures, attirant des foules importantes.

Selon son directeur de campagne, Lotfi Derradji, Rachid Nekkaz a été reconduit chez lui, à Chlef (une ville située à 200km d'Alger), par la police. Il affirme que Nekkaz était jusqu'à l'an dernier, "en résidence surveillée" de fait, empêché par la police de se déplacer librement. Depuis, "les restrictions avaient été levées, mais apparemment il y a eu de nouvelles instructions", a-t-il poursuivi. Une situation qui pourrait refléter l'embarras du pouvoir algérien face à la popularité grandissante de Nekkaz. 

Fervent opposant à Abdelaziz Bouteflika

Cela fait cinq ans que Nekkaz s'affirme comme un opposant de poids face au président en place. Empêché d'accéder à la course à la présidentielle en 2014 faute d'obtenir des parrainages suffisants, il demeure malgré tout très populaire en Algérie où il manifeste régulièrement. Ce mardi matin sur France Info, il affirmait avoir été placé "en résidence surveillée illégale à cause d'une décision du régime algérien qui ne supporte pas ma candidature à l'élection présidentielle". Il en est convaincu :  les autorités souhaitent l'empêcher de se présenter face à Abdelaziz Bouteflika qui, selon lui, "est mort". 

"Les policiers ont ordre de ne pas me laisser aller à la rencontre de la jeunesse algérienne ni recueillir les 60.000 signatures indispensables à la validation de ma candidature aux élections. La jeunesse me fait confiance. Elle me porte sur son dos partout où je passe et cette popularité dérange le régime qui veut étouffer ces libertés. Et surtout, empêcher que je continue à incarner un espoir et un changement pacifique et démocratique en Algérie", dit-il. 

Il a tenté d'être candidat à la présidentielle française en 2007

Si l'homme est très connu en Algérie, il a déjà fait quelques incursions médiatiques ces dernières années de l'autre côté de la Méditerranée. Binational franco-algérien, Rachid Nekkaz est né en France, où il a passé la plus grande partie de sa vie. C'est d'ailleurs là que sa vie politique commence. En 2006, il lance un parti éponyme pour se présenter à l'élection présidentielle française. A l'époque, il disait avoir les 500 signatures d'élus nécessaires pour entrer dans la course. Il avait même acheté le parrainage d'André Garrec, maire de Noron-la-Poterie, dans le Calvados, pour 1550 euros. Puis avait déchiré le document en direct sur le plateau de LCI.

 A l'arrivée, seules 13 signatures seront présentées au Conseil constitutionnel. La raison ? Un cambriolage de son siège de campagne. Il porte une réclamation qui sera rejetée.

Soutien de Karim Achoui

En 2008, il entame une grève de la faim"pour soutenir Karim Achoui", avocat de plusieurs figures du grand banditisme lui-même en grève de la faim, afin de "demander sa libération immédiate et rappeler à l'ordre ceux qui sont détenteurs de la justice en France, la Garde des Sceaux et le président de la République". A ses yeux, la décision de la cour d'assises était "illégitime, Karim a été emprisonné sans preuve objective (...) et, si l'on juge les gens en se basant sur des hypothèses, des soupçons, l'Etat de droit est en péril". 

Après des années sous les radars, Rachid Nekkaz réapparaît lors des législatives de 2012, où il se présente dans les Hauts-de-Seine sous l'étiquette Divers Gauche et obtient 0.02% des voix. 

La même année, il avait décidé de passer à la vitesse supérieure en achetant le fichier des maires de France auxquels il a fait parvenir un mail leur proposant de l'argent, 648 puis 1.352 euros, soit deux fois l'indemnité d'un édile d'une commune de moins de 500 habitants, en échange du parrainage d'une candidate : Marine Le Pen, Corinne Lepage ou Cindy Lee, ex-strip-teaseuse qui avait fondé le "parti du plaisir". Les maires qui s'engageaient pouvaient, disait-il, participer à une loterie avec 100.000 euros à gagner pour la commune. Sur 33.000 fax envoyés, Rachid Nekkaz avait expliqué avoir reçu 42 réponses dont celles de quatre maires acceptant son offre. Mais un seul a finalement été jusqu'au bout. 

Adepte des coups médiatiques et des tribunaux

La médiatisation, Rachid Nekkaz, en est un fervent adepte. Outre son parrainage déchiré, Nekkaz s'illustre par des coups d'éclat retentissants. En 2011, il a déversé l'équivalent de 10.000 euros en pièces de 1 euro devant le siège du Parti socialiste pour protester contre la cotisation nécessaire demandée par le parti pour voter lors de la primaire. Lorsque Dominique Strauss-Kahn est arrêté, il propose de régler à hauteur de 50.000 euros la caution de sa libération. 

En 2014, il est condamné par un tribunal d'Ivry-sur-Seine pour avoir loué des logements "indignes". Il doit alors rembourser l'intégralité des loyers perçus et des dépôts de garantie de deux locataires et s'acquitter de dommages et intérêts, pour un total d'environ 15.000 euros. Le tribunal avait également ordonné au chef d'entreprise de reloger les deux plaignants sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour. Ces derniers louaient, pour 770 et 780 euros par mois hors charges, des studios d'environ 20 m2 situés au sous-sol d'un pavillon, lui-même divisé en quinze logements. Rachid Nekkaz avait fait appel. "Dès que la justice entend Rachid Nekkaz, elle me fait payer mon combat sur le niqab", avait-il estimé. 

La polémique du voile intégral

Alors que le voile intégral est devenu un sujet brûlant en France, Rachid Nekkaz s'en est emparé très tôt. Cet adepte des coups médiatiques propose de régler les amendes des femmes voilées. Il affirme mener ce combat au nom du "respect des libertés fondamentales" alors même qu'il se dit hostile au port du niqab. Selon l'activiste, ces verbalisations concernent 687 femmes, la plupart sont récidivistes et aux deux tiers "Françaises converties". "Tant que la loi n'est pas modifiée, je continuerai à payer ces amendes", a-t-il affirmé, regrettant l'absence d'un "débat sur les raisons profondes qui poussent ces femmes à porter le niqab". En tout, il réglera plus de mille amendes. 

En 2016, il est de retour sous le feu médiatique après un face-à-face tendu avec Nadine Morano, à Toul, où il voulait payer l'amende pour port de voile intégral d'une femme. L'année suivante, il organise une baignade en burkini, sur une plage cannoise, en face du Martinez. Neuf femmes dont certaines mineures sont des amies ou connaissances de Nekkaz. Par cette action, Nekkaz voulait rappeler la décision du Conseil d’État qui avait cassé, le 26 août dernier, les arrêtés interdisant la baignade en burkini pris dans différentes communes du littoral, dont Cannes, après l’attentat de Nice. La préfecture avait pris un arrêté interdisant toute manifestation à Cannes sur l’ensemble du littoral, et un arrêté spécifique interdisant à Rachid Nekkaz toute manifestation lui a été notifié deux jours plus tard. Dans un communiqué publié vendredi après-midi, la préfecture écrivait que la police avait mis fin à un attroupement illicite. 


La rédaction de TF1info

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