EXTRÊMES - Après deux jours de manifestations à Chemnitz (Allemagne), l'extrême droite allemande appelle à un nouveau rassemblement ce mardi dans la ville voisine de Dresde. Entre chasses collectives contre les étrangers, saluts nazis et violences, la montée de franges radicales de l'extrême droite inquiète au plus haut sommet. Comment l'expliquer ? LCI revient sur l'étincelle qui a embrasé la Saxe.
A Chemnitz, la troisième ville de la Saxe, on assiste depuis ce dimanche à des scènes de guerre civile, dans un contexte électrique autour de la question migratoire. Jusqu'à 2000 militants d'extrême droite ont défilé dans les rues, dont plusieurs en faisant le salut hitlérien. Face à eux, un millier de sympathisants d'extrême gauche. Des rassemblements sous haute tension qui ont été émaillés de violences. Plusieurs personnes ont été blessées par des engins pyrotechniques et des projectiles ces derniers jours.
Tout est parti d'un sombre fait divers : un Allemand de 35 ans a été tué à coups de couteau le 25 août à la suite d'une altercation avec deux jeunes étrangers, un Syrien et un Irakien, âgés de 22 et 23 ans. Le mouvement anti-immigrés et anti-islam Pegida, né dans cette région, affirme, mais sans fournir la moindre preuve jusqu'ici, que la victime a été mortellement poignardée "en voulant protéger sa femme". Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung, la personne tuée était un Allemand d'origine cubaine, père de famille et charpentier de profession.
Il n'en fallait pas plus pour raviver les tensions autour de la question migratoire, quasi permanentes ces dernières années dans ce pays qui a accueilli plus d'un million de demandeurs d'asile. En Saxe, l'extrême droite et les groupuscules néo-nazis y sont très implantés même si, étonnamment, on n'y compte que 4,4% d'étrangers.
Chasse à l'homme
A l'appel de Pegida, un premier rassemblement a été organisé ce dimanche. Près d'un millier de personnes ont défilé, criant selon les médias locaux des slogans tels que "Les étrangers dehors", "Ceci est notre ville" ou encore "Nous sommes le peuple". La police a fait état d'incidents avec ces protestataires, dont certains ont jeté des bouteilles sur les forces de l'ordre. Des témoins ont aussi rapporté que des manifestants s'en étaient pris physiquement le long du parcours à des étrangers en les pourchassant. Des civils ont ainsi été agressés et harcelés : trois plaintes ont notamment été déposées par un jeune Afghan de 18 ans et son amie de 15 ans, qui ont été blessés, et un Syrien de 18 ans, selon une porte-parole de la police.
Les réactions politiques n'ont pas tardé. La maire de la ville de Chemnitz, Barbara Ludwig a exprimé son "indignation". "Il est grave que des gens puissent ainsi se rassembler (...) courir dans la ville en menaçant des gens", a-t-elle dit à la chaîne de télévision locale MDR. "Ceux qui se sont ainsi réunis sans autorisation voulaient provoquer le chaos et semer la peur dans la population".
Neonazis setzen sich ohne Absprache mit Polizei in Bewegung. Einer macht den Hitlergruß. #Chemnitz #c2708 pic.twitter.com/tto1GroPe3 — Felix Huesmann (@felixhuesmann) 27 août 2018
L'affaire a également indigné au plus haut sommet de l'Etat. C'est par la voix de son porte-parole Steffen Seibert, que la chancelière allemande a virulemment réprimé ces agissements. "Il est important pour le gouvernement, pour tous les élus démocrates et, je pense, pour une large majorité de la population de dire clairement que de tels attroupements illégaux et chasses collectives visant des gens d’apparence ou d’origine différente, ou encore les tentatives de semer la haine dans les rues, n’ont pas leur place dans notre pays", a-t-il déclaré.
Des propos qui n'ont pas calmé la colère des sympathisants d'extrême droite. Le lendemain, ce lundi, une nouvelle manifestation a été organisée à l'appel de Pegida et de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), principal parti d'opposition à la chambre des députés à Berlin. Près de 2000 sympathisants d'extrême droite se sont réunis dans le centre-ville arborant des drapeaux allemands, du parti d'extrême droite AfD, et des pancartes telles que : "Arrêter le flot de demandeurs d'asile" ou "Défendre l'Europe!".
"Lorsque l'Etat n'est plus en mesure de protéger les citoyens, les gens descendent dans la rue et se protègent eux-mêmes, c'est aussi simple que cela!", a tweeté un des députés nationaux de l'AfD, Markus Frohnmaier.
Wenn der Staat die Bürger nicht mehr schützen kann, gehen die Menschen auf die Straße und schützen sich selber. Ganz einfach! Heute ist es Bürgerpflicht, die todbringendendie "Messermigration" zu stoppen! Es hätte deinen Vater, Sohn oder Bruder treffen können! — Markus Frohnmaier (@Frohnmaier_AfD) 26 août 2018
Face à cette démonstration de force, baptisé "Pro Chemnitz", des militants d'extrême gauche se sont regroupés sous la bannière "Chemnitz nazifrei" (Chemnitz sans nazis). Ils étaient ainsi plus de 1000 personnes rassemblées autour d'un énorme buste de Karl Marx lundi soir, la ville s'appelant Karl-Marx-Stadt du temps de la RDA. Dans la soirée, plusieurs personnes ont été blessées au cours d'incidents, des partisans des deux camps lançant des pétards, a rapporté la police, qui a fait intervenir les canons à eau.
50-60aines (estimation)de manifestants d’extrêmes droite à dresde, 4-5 fois plus de contre manifestants, quelques groupes de jeunes habillé sportivement (apparenté hooligan) attendent sur le côté #dd2808fr pic.twitter.com/lWxXzW5xp0 — DDL (@DDL01099) 28 août 2018
Le mouvement s'est déplacé ce mardi à Dresde, la capitale de la Saxe - une région où l'extrême droite est arrivée en tête des dernières législatives en septembre 2017. À l'heure de la publication de cet article, peu de personnes s'étaient déplacées. C'est dans cette ville que Pegida avait déjà fait parler de lui le 16 août dernier en organisant une manifestation contre la venue d'Angela Merkel.