Guerre en Ukraine : crime de guerre, crime contre l'humanité, génocide… à quoi renvoient ces notions ?

Publié le 9 avril 2022 à 13h45, mis à jour le 9 avril 2022 à 14h20

Source : JT 13h Semaine

À Boutcha, près de Kiev, la Russie est accusée de "crimes de guerre".
D’autres crimes existent en droit international et sont du ressort de la Cour pénale internationale.
Une enquête a été ouverte à la mi-mars.

Après la découverte le week-end dernier de dizaine de corps sans vie en tenue civile à Boutcha, près de Kiev, les condamnations sont unanimes. Selon la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova, les corps sans vie de 410 civils ont été retrouvés dans les territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes. La guerre, qui a débuté le 24 février dernier en Ukraine, a pris un autre tournant avec des accusations de crimes de guerre formulées par plusieurs dirigeants européens contre la Russie. 

Tandis qu’Emmanuel Macron a déclaré qu’il y avait "des indices très clairs de crimes de guerre" s'agissant de Boutcha, son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a estimé que le bombardement vendredi à Kramatorsk était constitutif d'un "crime contre l'humanité". Le Premier ministre espagnol est allé plus loin, évoquant quant à lui la possibilité d’un "génocide" perpétré par l’armée russe dans des villes ukrainiennes. Un terme repris par son homologue polonais, qui a appelé ce lundi 4 avril à créer une commission d’enquête internationale spécialement dédiée à cela. Mais la qualification de génocide recouvre une réalité bien particulière. Génocide, crimes contre l’humanité ou de guerre… Ces notions sont différentes et ne sont d’ailleurs pas toutes propres à un conflit armé.

Pour ces crimes considérés comme "les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale", une juridiction spéciale a été créée : il s’agit de la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye et dont les compétences sont régies par le Statut de Rome. Ce traité international définit ainsi, à son article 5, les quatre types de crimes que la CPI peut juger. À savoir le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.

Le génocide

Encadré par l’article 6 du Statut de Rome, le crime de génocide se caractérise par les "actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel". Un crime difficile à qualifier juridiquement pour la CPI, qui doit démontrer l’intention génocidaire. Comme le souligne l’ONU, le terme, qui se retrouve aujourd’hui dans la bouche du président ukrainien, a été inventé par l’avocat polonais Raphaël Lemkin en 1944 pour désigner la politique d’extermination des Juifs par les Nazis.  

Pour le spécialiste du génocide Eugène Finkel, le fait que se déroule actuellement un génocide ukrainien ne fait pas de doute. Dans un long fil Twitter, le politologue américain démontre pourquoi l’invasion russe s’est transformée, selon lui, en une "intention génocidaire claire" du peuple ukrainien.

Les crimes contre l’humanité

Si le génocide n’est pas suffisamment caractérisé ou bien s’il n’existe tout simplement pas, la CPI peut engager des poursuites pour ces crimes contre l’humanité. Ces actes entrent dans la définition de l’article 7 du Statut de Rome lorsqu’ils sont "commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque". La liste est longue, mais il peut s’agir, de manière non exhaustive, de meurtre, d’esclavagisme, de déportation, de torture, de viol, de stérilisation forcée ou de crime d’apartheid. Ainsi, "de nombreux États ont érigé les crimes contre l'humanité en infraction pénale dans leur droit interne ; d'autres ne l'ont pas encore fait", précise l’ONU.

Les crimes de guerre

Ces crimes renvoient à une situation particulière, celle d’un conflit armé. À l’inverse du génocide ou des crimes contre l’humanité, les crimes de guerre surviennent toujours pendant une guerre, au sens des conventions internationales. Ces crimes, encadrés par l’article 8 du Statut de Rome, "constituent des infractions graves aux Conventions de Genève", rappelle la CPI. Cela peut être le meurtre de civils ou de prisonniers de guerre, l’attaque d’hôpitaux, de monuments historiques, ou encore la prise d’otages.

Lors de sa visite en Pologne et en Ukraine à la mi-mars, le procureur de la CPI a averti chacun des camps belligérants : "Si des attaques sont intentionnellement dirigées contre la population civile : il s'agit d'un crime sur lequel mon Bureau peut enquêter et poursuivre. Si des attaques sont intentionnellement dirigées contre des biens civils, y compris des hôpitaux : il s'agit d'un crime sur lequel mon Bureau peut enquêter et engager des poursuites". 

Aujourd’hui, ces prédictions sont une réalité pour plusieurs associations humanitaires. Dans un rapport publié le 3 avril, Human Rights Watch documente plusieurs cas de "crimes de guerre apparents", commis par les soldats russes dans les régions ukrainiennes de Tchernihiv, Kharkiv et de Kiev. L’ONG mentionne notamment des "exécutions sommaires" de civils, comme à Boutcha début avril.

Le crime d’agression

Un quatrième crime sous l’égide de la CPI existe : "le crime d’agression" qui désigne, selon l’article 8 bis du Statut de Rome, "la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression". Plus simplement, il s’agit de "l'emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l'intégrité ou l'indépendance politique d'un autre État". L’invasion d’un pays par une puissance étrangère constitue ainsi un crime d’agression.


Caroline QUEVRAIN

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