Mort d'Abou Bakr al-Baghdadi : quel impact pour Daech après le décès de son chef et fondateur ?

Publié le 27 octobre 2019 à 17h34, mis à jour le 27 octobre 2019 à 20h17

Source : TF1 Info

TERRORISME - Plusieurs fois annoncé disparu, Abou Bakr al-Baghdadi est mort lors d'un raid militaire américain dans le nord-est de la Syrie. Mais le décès du chef du groupe État islamique est un coup dur symbolique porté à l'organisation djihadiste, qui a prouvé sa résilience et sans doute anticipé la mort de son leader.

"Abou Bakr al-Baghdadi est mort." Dans une allocution télévisée depuis la Maison Blanche ce dimanche 27 octobre, Donald Trump a confirmé que la mort du chef de l'État islamique durant un raid militaire américain mené dans le nord-ouest de la Syrie. Inscrit sur la liste des terroristes les plus recherchés du monde par les États-Unis, sa tête était mise à prix à hauteur de 25 millions de dollars, et considéré comme responsable de multiples exactions, atrocités et attentats sanglants perpétrés dans plusieurs pays, dont l'Irak et la Syrie, la mort du leader de Daech avait été annoncé plusieurs fois ces dernières années. 

Mais si la disparition d'al-Baghdadi est un coup dur administré à l'organisation djihadiste, dont il avait été autoproclamé "calife" en 2014, elle est avant tout une portée symbolique. Ainsi pour Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po-Paris, "il n'est pas cependant certain", confie-t-il à l'AFP, "qu'une telle perte symbolique affecte fondamentalement la direction opérationnelle de Daech, depuis longtemps aux mains de professionnels aguerris. (...) En ce sens, cette disparition pourrait avoir à terme un moindre impact que n'en avait eu pour Al-Qaïda l'élimination d'Oussama Ben Laden (le 2 mai 2011, ndlr)"

Contrairement à Al-Qaïda et sa structure pyramidale, avec une hiérarchie définie et un culte autour de la personnalité de Ben Laden, Daech repose une structure décentralisée. La structure de commandement de l'EI, largement secrète, est en partie constituée d'anciens cadres de l'armée ou des services secrets irakiens du temps de Saddam Hussein, rencontrés en 2003 alors qu'al-Baghdadi était emprisonné dans la gigantesque prison américaine de Camp Bucca. Il est établi que, depuis 2015, qu'il n'avait plus qu'une autorité symbolique sur le "califat". Chaque réseau mène ses propres objectifs sous une autorité régionale. 

Daech va capitaliser sur la mort d'al-Baghdadi
Rita KATZ, directrice de SITE Intelligence Group

Dans une série de tweets, Rita Katz, directrice de SITE Intelligence Group, un groupe américain spécialisé dans la surveillance des mouvements djihadistes, prévient ainsi que "l'Histoire nous a appris (à travers la mort d'al-Zarqawi et d'autres chefs) que le mouvement est résilient sur le plan opérationnel et va capitaliser sur la mort d'al-Baghadi pour recruter et appeler à de nouvelles attaques." "Il sera intéressant de voir comment l'EI, qui ne réagit pas pour l'instant, va réagir à sa mort, et quand."

À Bagdad, le chercheur Hicham al-Hachémi, l'un des meilleurs spécialistes des mouvements djihadistes dans la région, estime que "le plus probable est que la mort d'al-Baghdadi créé un moment de silence et une pause dans les attaques terroristes, comme cela avait été le cas après l'assassinat d'Abou Omar al-Bagdadi", ancien chef d'Al-Qaïda en Irak, dont est issu l'État islamique, tué en 2010. À l'époque, précise-t-il à l'AFP, "Al-Qaïda avait eu besoin de quatre mois pour réactiver ses opérations". 

Le nouveau "calife" bientôt connu ?

Dans sa structure, Daech capitalise sur l'unité symbolique autour du "calife". "Le mouvement n'a jamais nommé de successeur potentiel", explique Rita Katz de SITE Intelligence Group. "Il n'a jamais identifié formellement ses cadres dirigeants, pour des raisons de sécurité, à l'exception de son porte-parole Abou Hassan Muhajir (tué dimanche dans un nouveau raid, ndlr)" Selon les règles que suit l'organisation djihadiste, le successeur du fondateur de l'État islamique devait être nommé par al-Baghdadi, de son vivant ou par testament. Celui-ci pourrait être Abdullah Qardash, un ex-officier de l'armée de Saddam Hussein. Ils avaient été emprisonnés ensemble en 2004 pour leurs liens avec Al-Qaïda et détenus à Basra, surnommé "l'université du djihad".

Elle précise que "les sites liés à l'EI disent dimanche que, même si la nouvelle est vraie, le djihad se poursuivra, estimant qu'al-Baghdadi a atteint le but ultime du djihad : la mort en martyr. Les internautes pro-EI relient sa mort à celle de chefs djhadistes comme Oussama Ben Laden ou Zarqawi". Les autres cadres dirigeants de Daech en Syrie et en Irak, rompus à la clandestinité, seront certainement capables de surmonter cette perte et de continuer à monter ou inspirer des attentats dans le monde. "Nous connaissons les successeurs", a annoncé Donald Trump. "Nous les avons déjà dans notre viseur."


La rédaction de TF1info

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