INTERVIEW - La Commission européenne rend mercredi sa proposition d'engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. Inquiet de la possible prudence de Bruxelles dans ce domaine, Nicolas Hulot, actuel envoyé spécial du Président de la République pour la Protection de la planète, tire la sonnette d'alarme et décrit, à metronews, les enjeux de cette décision.
La Commission européenne rend mercredi ses propositions pour accroître l'effort européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Sous l'effet de la crise, Bruxelles pourrait relever prudemment l'objectif adopté en 2009 de réduire ces émissions de 20% d'ici à 2020. Dans ce contexte, six membres de l'UE, dont la France et l'Allemagne, ont récemment demandé à la Commission de s'engager sur l’objectif minimum de 40% de réduction avant 2030. Un appel, dont Nicolas Hulot, actuel envoyé spécial du Président de la République pour la Protection de la planète, se fait le relais.
Vous appelez, à travers
une pétition
, la Commission européenne à prendre des engagements ambitieux en termes de réduction des gaz à effet de serre (GES). Votre mobilisation traduit votre inquiétude sur la position de Bruxelles. Quels sont les enjeux de cette décision.
L'Europe a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elle est à la pointe dans ce domaine. Si elle relâche son effort, elle met en péril l'avenir et envoie un signal démobilisateur aux autres pays avant la grande conférence sur le climat, à Paris, en 2015. Or, José Manuel Barroso (président de la Commission européenne, ndlr), soumis à des intérêts contraires, semblait hésiter. Il risquait de prendre une décision qui est inacceptable à mes yeux. D’où notre mobilisation collective.
Dans ces conditions, quel objectif doit se fixer l'UE ?
Les experts du GIEC (le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ndlr) fixent à 40% le niveau de réduction minimum de dioxyde de carbone qui permet de rester dans la limite d'élévation des températures de 2° C. Au-delà, nous plaçons l'humanité dans une éprouvette dont on ne sait pas ce qui ressortira. Mais le résultat sera de toute façon dramatique.
C'est-à-dire ?
On assiste déjà aujourd’hui aux premiers effets négatifs du réchauffement. Il y a des milliers de personnes qui meurent chaque année des enjeux climatiques, des millions d'autres qui sont contraints de se déplacer. L'Organisation mondiale de la Santé a rendu public, la semaine dernière, un rapport établissant que la pollution atmosphérique, qui est directement liée aux gaz à effet de serre, fait 7 millions de morts par an. C'est plus que le tabac.
Les responsables politiques ont-ils tort cependant de craindre les conséquences économiques directes de mesures environnementales dont la rentabilité est critiquée ?
Poser cette question, c'est donner le sentiment qu'on a le choix. Mais tous les modèles montrent que les économies vont s'écrouler si on ne résout pas le problème climatique. Le coût des conséquences liées aux extrêmes climatiques se chiffre déjà en centaines de millions d'euros. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale souligne qu'une élévation de température supérieure à 2°C entraînerait un coût désastreux pour l'ensemble de l’économie mondiale. ll faut voir l'engagement de réduction de GES comme un investissement, et non comme une contrainte, avec à la clé des milliers d'emplois et l'indépendance énergétique. On a tout à perdre ou tout gagner et pourtant, on continue à hésiter.