Les questions que pose la menace turque de renvoyer les djihadistes étrangers

Publié le 11 novembre 2019 à 17h12, mis à jour le 11 novembre 2019 à 17h19

Source : JT 20h WE

ULTIMATUM - La Turquie, qui ne veut plus supporter la charge des djihadistes étrangers, a fait savoir vendredi qu'elle comptait les renvoyer dès ce lundi dans leurs pays d'origine. Un compte à rebours qui soulève plusieurs questions. On fait le point.

"Nous ne sommes pas un hôtel pour les membres de Daech." La Turquie répète qu'elle retiendra pas éternellement dans ses geôles les étrangers soupçonnés d'avoir appartenu au groupe Etat islamique. Lors d'un discours à Ankara, Süleyman Soylu, le ministre de l'Intérieur, a déclaré vendredi 8 novembre que ces derniers seront "reconduits à partir de lundi". "Ils ne font pas partie de notre peuple, ce sont vos citoyens", a-t-il lancé devant la foule. 

Si le message est clair, le dispositif l'est beaucoup moins. L'homme d'Etat n'a ainsi précisé ni les modalités de renvoi, ni les pays d’origine de ces terroristes. De quoi soulever plusieurs questions. 

Quel pays sont concernés ?

Le message était adressé à l'"Europe". Mais le ministre turc n'a pas précisé quels étaient les pays concernés par cette mesure. Le continent, frappé par des attentats et une vague de migration, redoute cependant d'ores et déjà ce retour.  D'une part pour des raisons évidentes de sécurité et de l'autre car cette mesure est hautement impopulaire. 

Il est également indéniable que Paris est concernée par cette menace. Et se situe même en première ligne. Une cinquantaine de Français figurent parmi les prisonniers les plus dangereux, selon le Centre d'analyse du terrorisme interrogé par TF1.

Ce lundi, on apprend que 11 djihadistes français devraient rapidement être expulsés  et renvoyés vers la France.

Onze djihadistes français menacés d'expulsion en TurquieSource : JT 13h Semaine

Combien sont-ils ?

Le président turc affirme que le pays détient près de 1.150 membres étrangers de l'Etat islamique sur son territoire, après en avoir extradé plus de 7.600 vers leurs pays d'origine. Parmi eux, certains ont été capturés après le déclenchement de l'offensive turque en Syrie, qui a débuté il y a plus d'un mois. Selon Recep Tayyip Erdogan, 287 personnes ont ainsi été emprisonnées après avoir tenté de s'échapper de prisons pour membres du groupe EI en Syrie. 

Pourquoi vouloir extrader les djihadistes ?

La menace de renvoyer les membres du groupe Etat islamique ne date pas d’hier. Ankara appelle régulièrement les pays européens à reprendre leurs ressortissants qui ont intégré les rangs terroristes en Syrie. Mais l'ultimatum est une première. Pour certains analystes, plusieurs raisons permettent de l'expliquer. Ainsi, il se pourrait même que le gouvernement ne soit pas prêt à mettre en œuvre cette mesure et serait essentiellement un avertissement. D’une part, elle permet de répondre aux Occidentaux, qui accusent depuis près d'un mois le pays d'affaiblir la lutte contre le groupe Etat islamique en s'attaquant aux Kurde en Syrie. Ainsi, Ankara rappelle qu’elle tient elle aussi un rôle clé dans ce combat. Dans un deuxième temps, elle sert de levier de pression à quelques semaines d’un sommet sur la question, qui réunira les dirigeants turcs, français, allemands et britanniques, début décembre en marge d'une réunion de l'Otan. 

Pas besoin de courir dans tous les sens : nous allons vous renvoyer les membres de l'EI
Süleyman Soylu, ministre turc de l'Intérieur

Quoi qu'il en soit, ce compte à rebours inquiète puisqu'il confirme certaines craintes. Ces ressortissants sont bien devenus une "monnaie d'échange" de gouvernement qui "peuvent faire pression sur les pays Occidentaux", comme l'expliue Jean-Charles Brisard, Président du centre d’analyse du terrorisme, au micro de TF1. Objectif : "Obtenir soit des concessions politiques et diplomatiques soit tout simplement des compensations financières."

Comment compte-t-elle s’y prendre ?

Le sort de ces ressortissants reste épineux. D’autant plus lorsque certains ont été déchus de leur nationalité. Si ce n'est pas le cas en France, le ministre turc avait accusé la semaine dernière plusieurs pays européens, dont les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, d’avoir "trouvé une solution facile" en retirant la citoyenneté de ces combattants. "C'est inacceptable de notre point de vue. C'est totalement irresponsable."

"Que cela vous fasse plaisir ou non, que vous leur retiriez ou non leur nationalité, nous vous renverrons ces membres de l'EI, vos propres gens, vos propres ressortissants", a donc insisté encore une fois Süleyman Soylu ce vendredi. Un message répété et asséné sans jamais toutefois expliquer la manière dont il compte s'y prendre. 


Felicia SIDERIS

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