Nord Stream : les câbles internet sous-marins sont-ils, eux aussi, vulnérables ?

Publié le 30 septembre 2022 à 18h57

Source : JT 20h Semaine

L’attaque non revendiquée contre deux gazoducs reliant la Russie à l’Europe a mis en lumière la vulnérabilité des infrastructures sous-marines.
Des experts s'inquiètent d’éventuels sabotages visant cette fois le réseau de câbles internet sous-marins, par lequel transite 90% du trafic internet mondial.
Pour en savoir plus, TF1info a contacté Camille Morel, chercheuse et spécialiste de la géopolitique des câbles sous-marins.

Après les gazoducs, les câbles internet sous-marins ? La menace d’une attaque russe visant à paralyser les réseaux numériques occidentaux n’est pas nouvelle. Des responsables militaires britanniques et américains ont averti à plusieurs reprises que la Russie avait les compétences techniques nécessaires pour entraver le bon fonctionnement de l’internet mondial, en sectionnant des câbles sous-marins notamment. 

La découverte en début de semaine de fuites sur deux pipelines reliant la Russie à l’Europe dans la Mer Baltique - probablement à la suite d’un sabotage - ravive aujourd’hui la crainte d’un acte malveillant contre ces infrastructures particulièrement sensibles sur le plan géostratégique.

Et pour cause, c’est à l’intérieur de ces brins de fil optique, immergés à des dizaines de mètres de profondeur, que transite plus de 90% du trafic internet mondial. La menace est prise très au sérieux. Suite à l’attaque contre Nord Stream, plusieurs pays de l’Otan, dont la Norvège, ont fait savoir qu’ils allaient renforcer la surveillance de ces "autoroutes de la donnée". Simplement posés au fond de l'océan, pas plus épais qu'un tuyau d'arrosage, ces câbles peuvent être manipulés à la main par des plongeurs ou par le biais de petits sous-marins pilotés à distance. D’où la crainte d’éventuels sabotages. 

"Il est extrêmement facile de les sectionner. D’ailleurs, cela arrive régulièrement", souligne Camille Morel, chercheuse associée à l'Institut d’études de stratégie et de défenses, contactée par TF1info. "Le plus souvent, c’est à cause de l’ancre ou du filet de pêche d’un chalutier. Mais aucune coupure d’un câble sous-marin par un État n’a été documentée depuis la Seconde guerre mondiale." Pourtant, depuis quelques années, les forces russes multiplient les exercices militaires dans les secteurs où ces câbles convergent. De quoi éveiller les soupçons. 

Pour avoir un impact majeur, il faudrait en endommager quatre ou cinq, simultanément et à différents endroits
Camille Morel, chercheuse et spécialiste de la géopolitique des câbles sous-marin

"Il existe aujourd'hui ce qu'on appelle des méga-câbles, qui concentrent un très grand volume de trafic. Si l’un d’eux était coupé, cela entraînerait un ralentissement de l’activité. Mais il serait minime. En tant qu’utilisateur, on ne s’en rendrait même pas compte. Pour avoir un impact majeur, il faudrait en endommager quatre ou cinq, simultanément et à différents endroits", reprend la chercheuse. La Russie – ou tout autre agresseur – devrait dans ce cas agir à une échelle qui serait probablement facilement détectable par les agences de renseignement. De plus, une telle attaque pourrait être perçue comme un acte de guerre.

Pour la chercheuse Camille Morel, le scénario d’un black-out d’internet en Europe a très peu de chance d’arriver. "Nous avons un réseau de câbles suffisant pour faire circuler la donnée. La France, par exemple, possède une vingtaine de câbles. Donc, on aurait toujours moyen de dérouter l’information. Ce n’est pas comme avec un pipeline", souligne-t-elle. La surveillance de ces infrastructures ultra-sensibles n'en est pas moins nécessaire. En novembre dernier, Emmanuel Macron avait fait de l'exploration des grands fonds marins une priorité dans son plan d'investissement "France 2030", en y consacrant 2 milliards d'euros sur cinq ans, notamment pour davantage sécuriser ces câbles face au risque d'espionnage.


Matthieu DELACHARLERY

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