Nucléaire iranien : un mois après l'arrivée de Biden, Téhéran ravive les tensions

Publié le 12 février 2021 à 17h40, mis à jour le 12 février 2021 à 19h10
Le site d'Arak, au sud de Téhéran.

Le site d'Arak, au sud de Téhéran.

DIPLOMATIE - L'installation de l'administration Biden aux Etats-Unis laisse espérer des avancées diplomatiques possibles sur le dossier du nucléaire iranien. Sauf que, pour l'instant, Téhéran accélère son programme. Ce qui inquiète les signataires de l'accord de 2015.

L'accord sur le nucléaire iranien a-t-il encore un avenir ? Signé en 2015 par l'Iran et six grandes puissances (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), le "deal" a plus que jamais du plomb dans l'aile. Notamment depuis le retrait américain en 2018, puis l'affranchissement progressif de Téhéran depuis 2019. Dernière entorse, la plus grave à ce jour : la reprise, début janvier, de l'enrichissement d'uranium à 20%. Une décision qui oblige les protagonistes à sortir du bois ces jours-ci.

L'Iran joue la carte de la transgression

En ce début d'année, l'Iran a appuyé sur l'accélérateur : c'est en tout cas l'avis de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui a annoncé mercredi soir que le pays avait débuté la production d'uranium métal devant alimenter son réacteur nucléaire de recherche. Or le Plan d'action global commun (PAGC) de 2015 – qui vise à empêcher l'Iran de se doter de l'arme atomique en échange d'une levée des sanctions internationales - comporte une interdiction de 15 ans en ce qui concerne "la production ou l'acquisition de métaux de plutonium ou d'uranium ou leurs alliages".

En reprenant son enrichissement d'uranium, Téhéran réduit dangereusement son "breakout time", soit le délai pour acquérir la matière fissile nécessaire à la fabrication d'une bombe. Au fil des avancées, les Iraniens acquièrent aussi un savoir-faire technologique irréversible, s'inquiètent les Occidentaux. L'ultime tabou pourrait tomber le 21 février si les Iraniens s'avisent de restreindre l'accès des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à leurs sites, ajoutant à l'opacité. 

Les Etats-Unis cherchent encore la parade

La République islamique le sait : l'arrivée au pouvoir de Joe Biden a changé la donne. Le démocrate a en effet promis de revenir dans l'accord sur le nucléaire. Mais à une condition : que l'Iran renoue d'abord avec ses engagements. Or les dirigeants iraniens ont encore redit dimanche que les Etats-Unis devaient "lever entièrement" les sanctions avant qu'ils respectent à nouveau les restrictions imposées à leur programme nucléaire.

 Interrogé il y a quelques jours par la chaîne CBS sur la possibilité de lever les sanctions pour convaincre Téhéran de revenir à la table des négociations, Joe Biden a clairement répondu : "Non". Il faut dire que le président ne peut donner l'impression de signer un chèque en blanc aux Iraniens, alors que le Congrès américain reste très partagé sur le retour au Plan. 

Les Européens tentent de calmer le jeu

Devant le conflit larvé entre les deux ennemis, les Européens prônent le dialogue. Et entendent pour leur part jouer les "facilitateurs" : "Je ferai tout mon possible" pour aider à réengager le dialogue, a promis le président français Emmanuel Macron. La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont accentué la pression ce vendredi, avertissant l'Iran qu'il "compromettait" tout retour à des négociations pour sauver l'accord.  "Nous réaffirmons que ces activités, qui constituent une étape clé dans le développement d'une arme nucléaire, n’ont aucune justification civile crédible en Iran", ont martelé Paris, Londres et Berlin en appelant "instamment l'Iran à y mettre fin sans délai et à s’abstenir de toute nouvelle violation de ses engagements nucléaires".

L'appel à la retenue de la Russie

Egalement cosignataire de l'accord, la Russie assure, elle, vouloir "sauver" l'accord sur le nucléaire iranien. Mais Moscou a aussi pris le contrepied de Washington en soulignant en janvier que la nouvelle administration américaine devait revenir à l'accord pour qu'il soit respecté par l'Iran. Bis repetita ce vendredi : Sergueï Riabkov, le vice-ministre russe des Affaires étrangère, a appelé les Etats-Unis à "lever les sanctions prises contre Téhéran" et "ne pas faire traîner les choses en longueur". Néanmoins, la Russie attend un geste de la part de son partenaire : "Si nous comprenons la logique et les raisons qui motivent l'Iran, il est nécessaire de faire preuve de retenue et d'une approche responsable", a précisé Sergueï Riabkov. Et ce dernier de concéder concernant les nouvelles violations de l'Iran : "Cela n'incite pas à l'optimisme". À bon entendeur. 


Thomas GUIEN

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