Offensive des talibans en Afghanistan : "À Kaboul, on voit affluer les personnes déplacées"

Recueilli par Frédéric Senneville
Publié le 13 août 2021 à 16h32

Source : TF1 Info

ENTRETIEN - Les talibans poursuivent leur implacable progression en direction de la capitale, Kaboul. Les équipes de Médecins Sans Frontières opéraient dans quatre villes qui viennent de tomber tour à tour. Claire HaDuong, responsable des programmes de l'ONG pour l'Afghanistan, nous explique la situation.

La marche foudroyante des talibans se poursuit. Ils ont pris, ce vendredi 13 août au matin, Pul-e-Alam, la capitale provinciale du Logar, à seulement 50 km de Kaboul, quelques heures après avoir fait tomber Lashkar Gah, au terme de plusieurs jours de combats. L'une après l'autre, les grandes villes et les capitales provinciales tombent aux mains de la guérilla islamiste, qui poursuit sa progression en direction de Kaboul, en contrôlant déjà l'essentiel des frontières et des provinces. Sur le terrain, les ONG encore actives comme Médecins Sans Frontières (MSF) essaient d'appréhender une situation qui ne cesse de changer d'heure en heure, ce que nous explique Claire HaDuong, responsable des programmes de l'ONG pour l'Afghanistan.

Quelle est la situation que vous observez sur le terrain ?

Claire HaDuong : On avait des missions à Kunduz, Lashkar Gah, Kandahar, Herat et à Khost. Et en moins d'une semaine, à part Khost, qui est toujours en zone contrôlée par le gouvernement, toutes les autres sont maintenant en zone contrôlée par les talibans. Les situations sont assez diverses suivant les villes, puisqu’à Lashkar Gah, Kandahar, ou Kunduz, il y a eu beaucoup de combats. Tandis qu’à Herat, les affrontements n'ont eu lieu qu'autour, pas dans la ville elle-même.  C'est assez compliqué à analyser, parce que la situation sur le terrain vient tout juste de changer, donc on ne sait pas encore très bien comment cela va se passer.

 

Pour l'instant, on est en contact avec tous les belligérants, ne serait-ce que pour pouvoir passer, pour leur demander de laisser nos patients accéder à nos hôpitaux, pour que les parties en conflit ne prennent pas pour cible les hôpitaux ou les ambulances. On parle donc à tout le monde, et tout le monde sait qui nous sommes, y compris les talibans. Mais comment ça va se passer par la suite, c'est quelque chose qu'on ignore encore. Pour l'heure, le dialogue n’est pas rompu avec les talibans, ils nous ont dit qu'on pouvait continuer à rester, à soigner nos patients sans problème. Ils sont passés, et il n'y a eu aucune interruption de nos services pour le moment. Mais encore une fois, tout cela est très, très récent. 

À Kaboul, on voit des gens affluer partout dans la ville
Claire HaDuong, responsable MSF

Beaucoup de civils ont été déplacés par la progression-éclair des talibans, qu'il va falloir prendre en charge ?

Du côté de l’Iran, il semble que l’afflux ne soit pas encore énorme, selon nos dernières nouvelles du début de la semaine, même si l'Iran se prépare à recevoir éventuellement beaucoup de gens. Pour le Pakistan, autre pays d'accueil potentiel, je ne dispose pas encore d'informations directes.

À Kaboul en revanche, on voit vraiment des gens affluer partout dans la ville, pas seulement autour. Certains déplacés commencent à s'installer dans les parcs et on sait que beaucoup d’habitants en accueillent chez eux. Nous n'avons pas encore de chiffres sur ces déplacements, tant la situation des hôpitaux nous a accaparés ces dernières heures. À Kaboul, comme à Herat, on avait vu dès la semaine dernière des gens arriver en ville. Comme la situation semble très calme, il est possible que des gens cherchent à rentrer chez eux. Mais la situation des prochains jours à Kaboul reste une grande interrogation. Pour l'instant, on est en contact avec les ministères afghans pour leur offrir notre aide, s’ils devaient commencer à organiser cet afflux. On imagine bien que la plupart des déplacés vont attendre la suite des évènements et rester au moins quelques semaines, donc il va falloir protéger ces gens. Mais ce n'est pas encore organisé.

À quoi vous attendez-vous dans un avenir proche ? 

On n'en a aucune idée ! Pour Herat, par exemple, on avait plusieurs scénarios dont l’un était : "la ville va se rendre", puisque ça avait été le cas en septembre 1995 dès que les talibans s’étaient approchés. Donc ce scénario était possible, mais il était presque à égalité avec un scénario de guerre rue par rue. C'est vraiment très compliqué à anticiper, et s'agissant de Kaboul, pour l’heure, on ne peut rien prédire.


Recueilli par Frédéric Senneville

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