Officier français accusé d'espionnage : qu'est-ce que le "Gru", ce service de renseignement militaire russe ?

M.D.
Publié le 31 août 2020 à 19h17

Source : TF1 Info

DÉCRYPTAGE - Un haut gradé français, en poste à l'Otan, est soupçonné d'espionnage pour le compte de la Russie. Il aurait été approché par les services secret de l'armée russe, le Gru. Zoom sur cette agence de renseignement militaire méconnue du grand public, avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l'Iris.

Un officier français en poste sur une base de l'Otan en Italie, soupçonné d'avoir espionné pour le compte de la Russie, a été mis en examen le 21 août dernier et placé en détention provisoire le même jour. Ce lieutenant-colonel, âgé d'une cinquantaine d'année et père de cinq enfants, aurait été aperçu en Italie en compagnie d'un homme identifié comme un agent du Gru, la direction générale de l’état-major des services de renseignements de l'armée russe. "En gros, c’est l’équivalent français de la Direction du renseignement militaire, la DRM", décrypte pour LCI Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris) et ancien ambassadeur de France à Moscou, en Russie.

Très peu connu du grand public, à la différence du FSB (ex-KGB), l’ancien service secret de l’Armée rouge a pourtant fêté ses 100 ans d’existence il y a deux ans. Il a été fondé en 1918 sous l’impulsion de Lénine et du Parti bolchevique, dans le but à l'origine de collecter du renseignement militaire. "Aujourd'hui, son fonctionnement se rapproche davantage de celui de la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure. Notamment, à travers le recrutement d’informateurs", souligne cet expert de l'Iris. 

Les agents du Gru sont très actifs et n'hésitent à faire usage de la violence.
Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris) et ancien ambassadeur de France à Moscou.

Dans le livre "Carnets intimes de la DST : 30 ans au cœur du contre-espionnage français" (paru en 2013 aux éditions Fayard), un ancien haut responsable du contre-espionnage soviétique de la DST note que, par rapport aux officiers du FSB (ex-KGB), les officiers du Gru étaient "plus directs et moins politisés mais aussi plus brutaux". Ce que confirme Jean de Gliniasty. "Les agents du Gru sont très actifs et n'hésitent à faire usage de la violence", dit-il.

Le Gru est notamment accusé d’avoir orchestré la tentative d’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia à Salisbury au Royaume-Uni, en mars 2018.  Deux hommes, mis en cause par la police anglaise, ont été identifiés par des publications du site d’investigation Bellingcat comme étant des officiers du Gru.

Des as dans l'art du piratage

La chute de l'URSS a fait perdre à l’agence de renseignement de l’armée russe ses moyens de financement, mais ne l'a guère touché au niveau structurel, contrairement à son rival, le KGB. "Pendant longtemps, le Gru a eu très mauvaise réputation. Il a été repris en main par Vladimir Poutine. Suite à l’affaire Skripal, des têtes sont tombées, notamment celle du directeur de l’époque", rapporte Jean de Gliniasty. Depuis novembre 2018, le Gru est dirigé par Igor Kostyukov. On estime aujourd'hui ses effectifs à quelque 12.000 membres.

Parmi eux, les "Septznaz", des unités d’élite qui sont envoyées sur le théâtre des opérations militaires, lors de conflits extérieurs jugés cruciaux par le pouvoir, comme en Afghanistan, en Tchétchénie, en Syrie ou plus récemment en Géorgie. Ces dernières années, le Gru s'est aussi révélé être un maître en cyberattaques. Le Centre national de cybersécurité britannique a notamment accusé la Russie d'avoir orchestré l'opération "NotPetya", qui avait infecté des centaines de milliers d'ordinateurs à travers le monde en juin 2017. Les Etats-Unis ont, de leur côté, accusé la Russie d'être à l'origine du piratage des ordinateurs du Parti démocrate américain et dénoncé ensuite une ingérence russe lors de la présidentielle américaine de 2016.


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