INVESTIGATION - Dimanche, une enquête menée par une coalition internationale de journalistes et baptisée "Paradise Papers" a révélé de quelles façons plusieurs personnalités politiques mondiales ont usé de montages fiscaux complexes pour échapper, à la limite de la légalité, au paiement de l'impôt. Focus sur les premiers noms des personnalités impliquées.
Après les "Panama Papers" en 2016, une nouvelle enquête lève le voile sur les combines fiscales de plusieurs personnalités. Cette investigation porte sur des circuits planétaires d’optimisation fiscale, et a été menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui regroupe quelque 96 médias en provenance de 67 pays. A l'appui de ces révélations : la fuite de 13,5 millions de documents financiers, provenant notamment d'un cabinet international d'avocats basé aux Bermudes, Appleby, obtenus par le journal allemand Süddeutsche Zeitung.
Wilbur Ross, ministre américain au Commerce
Des documents provenant d'Appleby dévoilent notamment que le ministre américain au Commerce, Wilbur Ross, a gardé des participations dans une société de transport maritime ayant des liens d'affaires étroits avec un oligarque russe visé par des sanctions américaines, et avec un gendre de Vladimir Poutine, selon le New York Times. Des révélations embarrassantes pour l’administration américaine, déjà scrutée minutieusement par les autorités en raison de possibles liens entre l’équipe de campagne de Donald Trump et le Kremlin.
Wilbur Ross a réduit sa participation personnelle dans l'entreprise Navigator Holdings lors de sa prise de fonctions en février, mais en contrôle toujours 31% via des entités offshore. Or, l'un des principaux clients de Navigator Holdings est la société russe de gaz et produits pétrochimiques Sibur, qui a contribué à hauteur de 23 millions de dollars à son chiffre d'affaires en 2016, écrit Le Monde. Et parmi les propriétaires de Sibur figurent Guennadi Timtchenko, un oligarque proche du président russe sanctionné par le Trésor américain après l'invasion de la Crimée par la Russie, et Kirill Chamalov, marié à la plus jeune fille de Vladimir Poutine.
"Le secrétaire Ross n'a pas participé à la décision de Navigator de faire affaire avec Sibur", a réagi le département du Commerce dans un communiqué transmis à l'AFP. Communiqué qui précise que Sibur "n'était pas sous sanctions à cette époque pas plus que maintenant". Le ministre américain n'a en outre "jamais rencontré les actionnaires de Sibur mentionnés", a-t-il ajouté, assurant que Wilbur Ross respectait les normes éthiques du gouvernement. Parmi les autres clients de Navigator Holdings figure le groupe pétrolier d'Etat vénézuélien PDVSA, frappé par des sanctions de Washington depuis l'été.
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La reine Elizabeth II
Au Royaume-Uni par ailleurs, dix millions de livres sterling d'avoirs de la reine Elizabeth II, soit environ 11,3 millions d'euros, ont été placés dans des fonds aux Iles Caïmans et aux Bermudes, révèlent la BBC et The Guardian. Les fonds de la souveraine ont été placés via le Duché de Lancaster, domaine privé de la souveraine, source de ses revenus et une entreprise qui gère ses biens. En 2005, la société a investi quelque 7,5 millions de dollars dans un fond situé aux Iles Caïmans. Un fond qui a investi dans un autre fond détenant le contrôle de l'entreprise de location avec option d'achat de meubles et de matériel informatique Brighthouse. Une entreprise régulièrement sous le feu des critiques des députés britanniques en raison de pratiques commerciales obscures.
"Tous nos investissements font l'objet d'un audit complet et sont légitimes", a affirmé à l'AFP une porte-parole du Duché de Lancaster. "Nous effectuons un certain nombre d'investissements, dont quelques-uns avec des fonds à l'étranger". Ces derniers ne représentent que 0,3% de la valeur totale du Duché, selon elle. Le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn a réagi sur Twitter, estimant qu'"il y a une règle pour les super riches, une autre pour les autres quand il s'agit de payer les impôts".
#ParadisePapers again prove what I said at #PMQs : There's one rule for the super-rich and another for the rest when it comes to paying tax. pic.twitter.com/QaNbCaeb21 — Jeremy Corbyn (@jeremycorbyn) November 5, 2017
Stephen Bronfman, proche de Justin Trudeau
Au Canada, le milliardaire Stephen Bronfman, dirigeant de l'ex-société de vins et de spiritueux Seagram, a placé avec son parrain, Leo Kolber, 60 millions de dollars américains (soit 52 millions d'euros) dans une société offshore aux Iles Caïmans, a révélé le Toronto Star. Cet ami de Justin Trudeau, responsable de la collecte de fonds lors de la campagne électorale de 2015 pour le compte du parti libéral canadien, pourrait être encombrant pour le Premier ministre, élu sur des promesses de réduction des inégalités et de justice fiscale.
Les circuits auxquels ont recours les personnes fortunées et les multinationales pour déplacer leurs fonds dans les paradis fiscaux ne sont pas illégaux. Ils exploitent simplement des failles réglementaires déjà présentes dans le système afin de permettre à ces personnalités de payer moins d’impôt.
D'autres personnalités
Parmi les autres personnalités qui figurent dans les "Paradise Papers", on trouve notamment :
- Lewis Hamilton, le champion du monde de Formule 1
- Bono, le chanteur du groupe U2
- Madonna