Passage à tabac, simulations de noyade : deux ex-détenus de la CIA racontent les tortures subies dans une prison secrète

par Louis MBEMBE
Publié le 3 octobre 2016 à 18h12, mis à jour le 3 octobre 2016 à 18h37
Passage à tabac, simulations de noyade : deux ex-détenus de la CIA racontent les tortures subies dans une prison secrète

Source : SAUL LOEB / AFP

TORTURE - Deux Tunisiens emprisonnés pendant plus d'un an dans une prison secrète de la CIA, en Afghanistan, ont décrit des techniques de torture non documentées à ce jour, jetant ainsi un nouvel éclairage sur les débuts du programme de détention de la CIA.

Ils décrivent des actes extrêmement violents. Deux prisonniers Tunisien enfermés pendant plus d'un an dans une prison secrète de la CIA, située en Afghanistan, ont détaillé à l'organisation non-gouvernementale Human Rights Watch, les tortures qu'ils y ont subi, rapporte ce lundi  The Guardian. L'un d'eux, Ridha al-Najjar, 51 ans, révèle avoir été menacé d'être placé sur "une chaise électrique" et battu à coups de matraques métalliques alors que ses bras étaient attachés à une barre maintenu au-dessus de sa tête. Lui et ses codétenus ont également été victimes de simulations de noyade. 

Ridha al-Najjar était un prisonnier très important pour la CIA. En effet, le service de renseignements américain le soupçonnait d'avoir été le garde du corps d'Oussama Ben Laden à l'époque où les Etats-Unis cherchaient à capturer le leader d'Al Qaïda après le 11 septembre 2001. Ainsi, il avait été l'un des premiers prisonniers enfermé à Cobalt, le nom de code donné à cette prison secrète, où au moins un détenu est mort rapporte le quotidien britannique. Najjar a déclaré que lors de divers interrogatoires ses géôliers lui avait inséré de force un objet dans l'anus. 

Selon un rapport du Sénat, publiée en décembre 2014, au sujet des méthodes d'interrogatoire de Najjar, ces dernières comprenaient des techniques de désorientation sonores, la présence de lumière dans une durée limitée, des températures froides et la privation de sommeil. "Ils plongeaient et maintenaient ma tête dans un baril d'eau", explique Lotfi al Arabi El Gherissi, 52 ans, l'autre Tunisien maintenu en détention à Cobalt. Najjar confirme : "Ils opéraient ainsi jusqu'à ce que je sois sur le point de m'évanouir". 

Séquelles physiques et psychologiques

Les noms des deux Tunisiens apparaissent dans les rapports déclassifiés de la Commission du Sénat américain sur le renseignement, ce qui corrobore leur captivité qui a débuté en 2002. Ces notes indiquent qu'El Gherissi a passé plus d'un an et Najjar près de deux ans sur le site. 

Les États-Unis ont renvoyé les deux hommes en Tunisie le 15 juin 2015, après qu’ils eurent passé 13 années en détention, dans différents lieux en Afghanistan, sans avoir été inculpés ni jugés. Aucun d'entre eux n'a reçu d'indemnisation ou de soutien suite à la détention abusive et aux tortures subies, ni d'aide pour surmonter les préjudices physiques et mentaux occasionnés. Aujourd'hui, les deux hommes sont démunis, inaptes au travail et subissent les conséquences de graves traumatismes physiques et psychologiques qui résultent directement — selon eux — de leur détention par les États-Unis.

"Les États-Unis devraient fournir à ces hommes une compensation", a déclaré au Guardian Laura Pitter de Human Right Watch. "C'est une obligation en vertu des traités ratifiés par ce pays. Si les Etats-Unis ne respectent pas leurs obligations s'agissant des graves violations des droits de l'homme constatées dans ce dossier, cela porterait atteinte à leurs crédibilités."


Louis MBEMBE

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