PORTRAIT - A 55 ans, la sénatrice démocrate Kamala Harris a été choisie par Joe Biden pour l'épauler dans la course à la Maison Blanche. Réputée pour sa dureté d'ancienne procureure, celle qui veut désormais devenir la première vice-présidente de l’histoire des Etats-Unis pourrait jouer un rôle décisif dans la dernière ligne droite de la campagne.
Si Joe Biden est élu contre Donald Trump à l'élection présidentielle américaine de novembre 2020, elle sera son bras droit. Kamala Harris, sénatrice afro-américaine, née dans la contestataire ville d'Oakland, a été choisie par le candidat démocrate pour devenir sa vice-présidente. Une première pour une femme de couleur qui, à moins de trois mois des prochaines élections, pourrait redistribuer les cartes dans le match Trump-Biden.
Procureure du district de San Francisco (2003 à 2010) puis procureure générale pour toute la Californie et ses 40 millions d'habitants, jusqu'à son élection au Congrès en 2016, diplômée de la Howard University et de l'université de Californie, Kamala Harris arbore un CV impressionnant et revendique fièrement sa double-origine : sa mère, Shyamala Gopalan, est une chercheuse indienne en cancérologie ; son père, Donald, venu de Jamaïque, enseigne l'économie à l'université de Stanford.
There was a little girl in California who was bussed to school. That little girl was me. #DemDebate pic.twitter.com/XKm2xP1MDH — Kamala Harris (@KamalaHarris) June 28, 2019
En tant que colistière, Kamala Harris, qui s'était lancée dans la course à la présidentielle en 2019 avant d'abandonner la primaire à la fin de l'année dernière, "peut représenter un élargissement de la base démocrate de Joe Biden, par son âge et par ses origines", analyse la politologue Nicole Bacharan, sollicitée par LCI. D'autant qu'elle "avait pris des options politiques plus à gauche que lui lors des primaires, propres à séduire encore davantage l'aile gauche du parti démocrate."
De quoi séduire davantage, en tant que femme de couleur, l'électorat afro-américain ? Pas forcément, selon la politologue : "Paradoxalement, l'ancrage de Joe Biden dans la communauté afro-américaine est plus fort que celui de Kamala Harris qui, d''origine indienne et jamaïcaine, ne porte pas en elle l'histoire des noirs américains et donc de l'esclavage." En revanche, "depuis l'affaire George Floyd, elle a pris des positions fortes, des propositions de réformes, participé à des manifestations", "se révélant plutôt du bon côté sur cette question."
Des zones d'ombre dans les actes et les convictions
"Son point faible, poursuit-elle, c'est que l'électorat de base ne la connait pas très bien. C'est maintenant, en tant que colistière, que les Américains vont se forger une opinion à son endroit". Et que son parcours va être scruté à la loupe, par les partisans de Joe Biden mais aussi par ses détracteurs qui ne manqueront pas de soulever ses ambiguïtés.
Si elle se décrit comme "procureure progressiste", certains faits par le passé risquent de faire grincer des dents : en 2004, Kamala Harris s'est opposé à l'assouplissement des peines planchers. En 2010, elle avait tout simplement éclaté de rire à une question sur la légalisation du cannabis à titre récréatif, un enjeu pourtant très emblématique en Californie, qui a fini par l'adopter en 2018. Par ailleurs, comme le relate le New York Times, elle a rarement poursuivi des policiers soupçonnés d'être impliqués dans la mort de civils et a refusé d'autoriser des tests ADN avancés qui auraient pu disculper Kevin Cooper, un Noir condamné à mort.
Lors de ces auditions de Brett Kavanaugh, elle s'est comportée comme une procureure inflexible et, chez les opposants de Trump, cela a été très apprécié
Nicole Bacharan, politologue
Elle a toutefois initié un programme offrant aux primo-délinquants l'abandon des poursuites en échange d'une formation professionnelle, et a imposé à toutes les forces de l'ordre californiennes de former leurs agents contre les discriminations et autres arrestations "au faciès". A cela s'ajoute la création d'un portail Internet ouvrant au public une pléthore de données judiciaires, en particulier les violences commises par la police lors d'arrestations, pour rétablir la réalité des faits.
Une pugnacité à double tranchant
De plus, farouche opposante de l'administration Trump, Kamala Harris s'est également distinguée lors de ses interrogatoires musclés du candidat conservateur à la Cour suprême Brett Kavanaugh, en 2018 : "Lors de ces auditions, elle s'est comportée comme une procureure inflexible et, chez les opposants de Trump, cela a été très apprécié", note Nicole Bacharan.
Has Supreme Court nominee Brett Kavanaugh had a conversation about Robert Mueller or his investigation with anyone at Trump's personal attorney's law firm? We don’t know. He refused to answer my question. pic.twitter.com/PAKxDGvEtZ — Kamala Harris (@SenKamalaHarris) September 6, 2018
Mais cette même dureté lui a joué des tours. Lors d'un débat tendu pendant les primaires démocrates en juillet 2019, elle a reproché lors des primaires à Joe Biden ses prises de position "ségrégationnistes" dans les années 1970 et son aversion pour le transport d'élèves de quartiers défavorisés dans de meilleures écoles pour favoriser la mixité scolaire et raciale. "Elle avait sciemment préparé un coup pour le démolir", selon Nicole Bacharan. "C'était un piège tendu préparé, elle avait toute une tirade derrière qui n'était pas très honnête visant à remettre en cause le jugement de Joe Biden sur les droits civiques avec des arguments qui n'étaient pas carrés. Jill Biden, la femme de Joe Biden, a très mal vécu cette attaque."
Reste que si Joe Biden l'a désignée comme colistière, c'est que Jill a approuvé ce choix : "Le couple Biden est très uni, très solide, ils prennent les décisions de concert", poursuit la politologue, rappelant que Kamala Harris était "franchement amie avec Beau Biden, le fils de Joe Biden, mort en 2015 d'un cancer au cerveau et qui était lui aussi procureur" : "Beau et Kamala avaient travaillé ensemble sur les droits civiques, ils se respectaient, relate Nicole Bacharan, et cet élément de confiance est, je crois, important pour Joe Biden. C'est un vieux renard de la politique mais c'est aussi un homme qui a vécu des épreuves familiales fortes et terribles et tout ce qui relie à son fils Beau le touche intimement."
Au final, le choix de Kamala Harris, s'il fait grincer des dents, n'en apporte pas moins "un certain enthousiasme dans la campagne de Joe Biden" : "C'est ce dont il manquait, ajoute Nicole Bacharan. L'ambiguïté de son parcours de procureure sera surtout relevée par le camp républicain, et ce même si j'ignore comment Mike Pence va se positionner face à elle. Cette image de 'progressiste' devrait certainement être au cœur des débats : les critiques pourraient au contraire constituer un atout pour l'élection de novembre, alors que les conservateurs vont très probablement l'accuser d'être 'trop à gauche' et 'radicale'".
En réalité, assure-t-elle, "elle pose plus de problèmes aux républicains qu'aux démocrates car les électeurs de Joe Biden savent qu'elle appliquera en tant que colistière la politique de ce candidat, qu'elle défendra son programme à fond et sans nuance jusqu'au 3 novembre. Son défi dans les prochaines semaines sera de convaincre et d'inspirer confiance." Le choix de Kamala Harris n'est donc pas anodin pour Biden : "Il incarne l'ouverture à l'autre, il donne à regarder vers l'avenir, vers l'Amérique telle qu'elle est et telle qu'elle devient : multi-ethnique et multi-culturelle", conclut la politologue.
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