ESPIONNAGE - Alors que des journalistes et militants ont été surveillés via le logiciel Pegasus, Rabat et Budapest nient toute implication dans ce dossier hautement corrosif. Dans le même temps, le lanceur d'alerte américain met en garde contre ce type de pratique.
Indignation, stupeur... Les réactions se sont multipliées dans le sillage de l'enquête sur l'affaire Pegasus, publiée dimanche par un consortium de 17 médias internationaux. Des organisations de défense des droits humains, des médias, l'Union européenne et des gouvernements fulminaient, lundi, après les révélations sur l'espionnage à l'échelle mondiale de militants et de journalistes au moyen du logiciel Pegasus, conçu par l'entreprise israélienne NSO Group.
Introduit dans un smartphone, ce logiciel permet d'en récupérer les messages, photos, contacts et même d'écouter les appels de son propriétaire. En tout près de 1000 Français seraient concernés dont les journalistes de Mediapart Edwy Plenel et Lénaïg Bredoux.
Mis en cause, le Maroc et la Hongrie ont catégoriquement démenti lundi le recours au logiciel Pegasus. Le gouvernement marocain a dénoncé comme "mensongères" les informations selon lesquelles les services du royaume "ont infiltré les téléphones de plusieurs personnalités publiques nationales et étrangères et de responsables d'organisations internationales à travers un logiciel informatique".
De son côté, le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto a assuré que "le logiciel n'est pas utilisé" par les services de renseignements de son pays. Alors que Budapest était déjà dans le viseur de Bruxelles - notamment sur la question des droits LGBT - ces révélations pourraient rafraîchir encore un peu plus leurs relations. L'affaire Pegasus "doit être vérifiée", a réagi pour sa part la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mais si elle est avérée, "c'est complètement inacceptable". "La liberté de la presse est une valeur centrale de l’Union européenne", a-t-elle ajouté.
On est tous visés dans cette histoire
Edward Snowden, lanceur d'alerte américain
Le lanceur d'alerte Edward Snowden - qui avait révélé le scandale des écoutes de la NSA - a mis en garde contre un monde qui n'est plus à l'abri de ce genre d'espionnage à grande échelle. Dans les colonnes du Guardian, il a déclaré avoir été "choqué par l'ampleur" du système d’espionnage. "50 000 numéros de téléphone dans autant de pays, une dizaine je crois, donc certains qui sont particulièrement agressifs. Prenez un pays comme le Mexique : il espionne des journalistes, des membres du gouvernement, des figures de l’opposition, des militants des droits de l’homme… C’est terrible."
Par ailleurs, l'informaticien a tiré la sonnette d'alarme en appelant à réguler et sanctionner ce type d’activités. "Si on ne fait rien pour arrêter le commerce de ces technologies, on ne sera plus à 50 000 numéros de téléphone, mais à 50 millions de cibles, et ça va arriver bien plus vite qu’on ne l’imagine. Il faut donc arrêter ce commerce, sans pour autant abandonner la recherche, qui peut être utilisée pour rendre nos appareils plus sûrs", a-t-il tancé. Selon le problème est d'ordre mondial et toute la population doit se mobiliser : "Peu importe sous quel drapeau on vit, peu importe la langue qu’on parle, on est tous visés dans cette histoire."
L'ONU réclame une meilleure "réglementation"
Dans cette interview accordée au média britannique, Edward Snowden a déclaré que les conclusions du consortium illustraient comment les logiciels malveillants commerciaux avaient permis aux régimes répressifs de placer beaucoup plus de personnes sous les types de surveillance les plus invasifs. "Ce que le Projet Pegasus révèle, c'est que le groupe NSO représente un nouveau marché du malware, un business qui génère des profits", a-t-il exposé.
Même son de cloche du côté de la communauté internationale. La Haute-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU Michelle Bachelet a réclamé lundi une meilleure "réglementation" du transfert et des technologies de surveillance. "Sans cadre règlementaire respectueux des droits de l'homme, il y a tout simplement trop de risques que ces outils soient détournés pour intimider les critiques et réduire au silence ceux qui contestent", a-t-elle souligné.
L'enquête qui renforce les soupçons pesant de longue date sur cette société se fonde sur une liste obtenue par le réseau basé en France Forbidden Stories ("histoires interdites") et l'ONG Amnesty International. La liste comprend les numéros d'au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs d'entreprise, d'après l'analyse du consortium - comprenant les quotidiens français Le Monde, britannique The Guardian et américain The Washington Post - qui en a localisé beaucoup au Maroc, en Arabie saoudite ou au Mexique.
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