FILIALE - C'est la branche afghane de l'État islamique, l'EI-K, qui a revendiqué la double attaque-suicide perpétrée à l'aéroport de Kaboul. Quel est le poids réel de cette organisation en Afghanistan, et pourra-t-elle profiter du régime taliban pour s'étendre ?
Le silence du groupe État islamique, depuis la prise du pouvoir par les talibans, inquiétait nombre de spécialistes. L'attentat meurtrier de l'aéroport de Kaboul leur a donné raison. Ennemis déclarés des talibans, les militants de la branche afghane de l'État islamique sont donc passés à l'action, parvenant à frapper ensemble militaires américains et civils afghans désireux de partir, sous la garde de talibans qui n'ont pas pu l'empêcher. L'EI-K (État Islamique au Khorasan) a démontré en une seule opération que le régime taliban, pas encore installé, allait devoir compter avec lui.
Né au lendemain de la proclamation d'un califat en Syrie et en Irak, par le groupe État islamique en 2014, la branche afghane de l'EI regroupe des talibans pakistanais, et d'anciens militants afghans déçus par le mouvement. Ils font allégeance à l'État islamique, qui dès 2015 leur accorde la "province du Khorasan", du nom ancien d'une région à cheval sur l'Afghanistan, l'Iran et le Pakistan. Dès lors nommé État Islamique au Khorasan (EI-K en français, ISIS-K ou ISKP pour les acronymes anglo-saxons), cette filiale de Daech cherche à s'implanter localement et à conquérir des territoires. Ce sera le cas avec des bastions dans les provinces de Nangarhar et de Kunar, dont les troupes afghanes et américaines les délogeront en 2019.
Pas de territoire, mais une implantation souterraine
Cette absence, désormais, d'implantation territoriale est le point faible de l'EI-K, mais n'entrave pas sa capacité à mener des opérations sanglantes dans tout le pays. L'ONU estime entre 500 et quelques milliers ses militants dispersés dans tout le pays. Son secrétaire général avait d'ailleurs prévenu dès 2019 que la chute de l'État islamique en Syrie et en Irak risquait de rediriger des centaines de millions de dollars vers sa branche afghane. Plus de 200 attentats avaient déjà été répertoriés par l'ONU sur le sol afghan, entre janvier et juillet cette année. Jusqu'au double attentat-suicide de l'aéroport de Kaboul, le premier perpétré par les militants de Daech sous le régime taliban.
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Depuis la chute de Kaboul, Daech était la seule organisation islamiste qui n'avait pas salué ce que toutes les autres exaltaient comme une victoire historique sur l'ennemi commun américain. L'État islamique condamne depuis des années les talibans comme des apostats, notamment à cause des négociations menées avec les Américains- impensable pour l'organisation islamiste. L'approche conciliante des talibans depuis quinze jours, qui sont allés jusqu'à coorganiser le départ de civils afghans avec les forces occidentales, ne pouvait qu'être condamné par Daech.
Derrière les talibans... Al-Qaïda
C'est aussi l'occasion pour l'organisation de marquer son positionnement extrême, en frappant au cœur même de ce qu'elle dénonce : l'opération d'évacuation de traîtres présumés, coordonnée avec l'ennemi américain. Ce positionnement est vital pour l'État islamique, dans sa lutte face à Al-Qaïda pour le contrôle du djihad global. Car si dès le départ l'EI-K et les talibans sont ennemis, c'est surtout à cause de l'antagonisme entre l'État islamique et Al-Qaïda, allié historique des talibans.
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Si les deux organisations islamistes sont présentes en Afghanistan, et que les talibans ont promis de les empêcher d'agir depuis son sol, l'Etat Islamique au Khorasan vient de démontrer que sa capacité de nuisance était intacte. Le chaos dans lequel est plongé le pays depuis la victoire des talibans, avec des infrastructures en déliquescence et la dispersion brutale de l'armée afghane, laisse des espaces que Daech comme Al-Qaïda pourraient rapidement exploiter.