PORTRAIT - Le plus célèbre des prédicateurs musulmans sur internet, Mohamed Al-Arifi, est réputé pour ses positions intolérantes. Suivi par des dizaines de millions d'abonnés et mentionné dans le rapport de l'institut Montaigne sur l'islamisme, il a récemment été interdit de prêches par les autorités saoudiennes.
Avec plus de 24 millions d'abonnés sur Facebook et plus de 21 millions de followers sur Twitter, il est de loin le compte religieux le plus suivi du monde, devant le pape François ou le Dalaï Lama. Sur Twitter, il est même le 89e compte le plus suivi toutes catégories confondues, derrière David Guetta, mais devant Ricky Martin ou Mariah Carey. Dans le domaine des idées, il est le septième compte le plus influent. Mais son nom reste inconnu du débat public français.
Mohamed Al Arifi, 48 ans, est un prédicateur saoudien. Ce docteur en théologie enseigne à l'université du Roi-Saoud de Riyad. Il a été mentionné dans le rapport de l'institut Montaigne, intitulé "La fabrique de l'islamisme" et publié dimanche. Dans ce rapport, qui estime que "les islamistes ont le monopole du discours religieux musulman sur internet, à l’échelle mondiale comme à l’échelle française". Si l'audience de Mohamed Al-Arifi dans le monde entier est considérable, son influence réelle en France est difficile à estimer.
Des prises de position très rigoristes
Al-Arifi est connu pour ses prises de position très rigoristes et intolérantes, contre les juifs et contre les femmes notamment : il justifie le droit de battre sa femme et s'oppose au droit pour les femmes de conduire. Il critique ouvertement la société occidentale, qui serait contrôlée par le vice. "Ses vidéos sont très fréquemment citées et relayées par les jeunes recrues", assure Haroon Ullah, auteur d'un ouvrage sur le recrutement via internet de l'État islamique cité par le rapport de l'institut Montaigne, qui précise que le prédicateur peut aussi atteindre un public ne s'intéressant pas au salafisme, par exemple en n'hésitant pas à "diffuser une vidéo du footballeur français Paul Pogba en visite dans la grande mosquée de la Mecque".
Dans un portrait qui lui est consacré, Politico revient sur l'ascension de Mohamed Al Arifi, issu d'une classe inférieure et promis à une modeste carrière de prédicateur de quartier. Pour contourner la hiérarchie religieuse, le jeune Al Arifi a commencé à faire circuler ses prêches sur des cassettes vidéo, puis sur internet, avant même la création de Youtube. Amateur de controverses, il avait par exemple affirmé en 2012 que les femmes danoises ont tellement d'amants qu'elles ne connaissent pas le père de leurs enfants.
Mais le caractère homophobe, sexiste ou belliciste de ses prêches, qui gagnent en audience, lui vaut d'être banni du Royaume-Uni en 2014. En 2016, les autorités algériennes ont refusé sa venue dans le pays, après l'avoir qualifié de "promoteur de propagande au profit du groupe radical Jabhat Al Nosra relevant d'Al-Qaïda en Syrie".
Proche du pouvoir saoudien... avant d'être écarté
Mohamed Al-Arifi "s'implique peu en politique et semble être proche du pouvoir, même s'il a été placé en résidence surveillée en 2013 à la suite du coup d'État égyptien. Il est en effet proche des Frères musulmans", peut-on lire dans le rapport. Pour autant, la situation semble avoir évolué début septembre : le prédicateur aurait été interdit de prêche par les autorités saoudiennes, rapportent BBC Arabic et Al-Jazeera.
Contacté par LCI, le journaliste Wassim Nasr, spécialiste des mouvements islamistes pour France 24, précise que ce revirement du pouvoir saoudien envers Mohamed Al-Arifi s'inscrit dans un contexte de répression accrue envers plusieurs prêcheurs religieux, même ceux réputés proches du pouvoir, désormais dans les mains de Mohamed Ben Salmane. "Cette répression semble faire partie d'une dynamique interne propre au royaume saoudien, dans lequel Mohamed Ben Salmane souhaite asseoir son pouvoir", précise Wassim Nasr. Plusieurs autres prédicateurs saoudiens ont d'ailleurs été emprisonnés récemment.
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