Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov aurait-il décidé de tirer sa révérence ?Dans une vidéo énigmatique, postée sur Telegram, il affirme qu'il est resté "trop longtemps au pouvoir" et qu'il mérite une pause "indéfinie".Une annonce qui suscite de nombreuses spéculations.
Lucidité ou disgrâce ? Ramzan Kadyrov, qui dirige la Tchétchénie - une entité de la Fédération de Russie - d’une main de fer depuis 2007, aurait décidé de quitter le pouvoir. Il l'a fait savoir le 3 septembre dans une vidéo postée sur sa chaîne Telegram, déclarant qu'il méritait de prendre une pause "indéfinie et longue". "J'ai réalisé que je suis le plus ancien dirigeant d'une région russe ; ça fait déjà quinze ans", a-t-il affirmé. "Nous avons un proverbe chez les Caucasiens, les Tchétchènes : les invités sont mieux aimés lorsqu'ils partent à l'heure, donc je pense que mon heure est venue aussi... avant qu'ils ne me mettent dehors", ajoute-t-il, hilare.
Is Kadyrov resigning or is this some weird Kadyrovism? He says he’s just realised he’s led Chechnya for 15 years, & guests are best loved when they leave on time ‘so I think my time has come too (chuckle) before they kick me out’ Maybe he just wants everyone to beg him to stay pic.twitter.com/Vqb54RhsAv — Sarah Rainsford (@sarahrainsford) September 3, 2022
Un stratagème ?
Kadyrov a fait des commentaires similaires dans le passé, pour rester à son poste, soulevant des questions quant à savoir s'il envisageait sérieusement de démissionner ou si cette annonce inattendue n'était pas plutôt un stratagème pour obtenir une faveur du Kremlin. Il faut dire que l'homme fort de Tchétchénie entretient des relations étroites avec Vladimir Poutine. Les deux hommes se sont d'ailleurs rencontrés pour la dernière fois le 5 août à Sotchi.
Certains experts jugent également le moment choisi pour faire cette déclaration surprenant, au milieu de la plus grande guerre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. D'autant que Kadyrov a joué un rôle important dans la promotion du conflit russe en Ukraine, recrutant des combattants pour se battre aux côtés des troupes russes.
Pour Anton Barbashin, directeur éditorial de la plateforme analytique Riddle Russia, ce timing est "particulier". L'annonce de Kadyrov "irait à l'encontre de l'ambiance générale de la Russie actuelle. Le message de tout le système est de rester sur place à cause de la guerre en Ukraine", a-t-il écrit dans un tweet, précisant, "si ce que Kadyrov vient de dire est vrai et qu'il prend sa retraite volontairement, ce serait sans précédent. Quelque chose que personne ne s'attendait littéralement".
Many sound voices here note that it would not be the first time for Kadyrov to say "time to go" only to have people "cheer" him to stay. This would however be against the general vibe of Russia now. Entire system's message is to "stay put" because "SMO". Timing is peculiar. — Anton Barbashin (@ABarbashin) September 3, 2022
Certains organes de presse pensent, eux, que la déclaration de Ramzan Kadyrov sur sa possibilité de "congé" à la tête de la Tchétchénie russe pourrait aussi être liée à sa prochaine nomination à la Garde nationale, rapportent Meduza et Verstka, citant leurs sources. Et son chef actuel, Viktor Zolotov, serait nommé ministre de la Défense.
Pour l'heure, Ramzan Kadyrov vante chaque jour les mérites de ses troupes, les "kadyrovtsy", des milices de sinistre réputation déployées au côté de l'armée russe en Ukraine. De Marioupol, ville martyre assiégée par les Russes, à l'est séparatiste prorusse, l'homme fort de Tchétchénie affiche jusqu'à maintenant sa contribution à la guerre à grand renfort de vidéos agrémentées de légendes vantant la "bravoure" de ses hommes face à ceux qu'il appelle les "nazis de Kiev", reprenant la terminologie de Moscou. Autant d'images à la hauteur de leur réputation forgée sur tous les théâtres d'opérations sur lesquels ils sont passés, de la Tchétchénie à la Syrie en passant par l'Ukraine déjà en 2014.