SOLUTIONS - Le rapport spécial du GIEC présenté ce lundi dépeint un avenir sombre : la hausse de 1,5°C par rapport à la période préindustrielle devrait être actée entre 2030 et 2052. Mais les experts délivrent tout de même un message d'espoir : si la communauté internationale réagit, le pire pourrait être évité.
Les pays signataires de l’accord de Paris se sont engagés en 2015 à contenir la hausse des températures "nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels". Un sacré défi. Pour y arriver, le rapport du GIEC livre ses solutions. Concrètement, il présente deux scénarios majeurs, dans l'un, la température mondiale n'excéderait pas 1,5°C d'ici la fin du siècle. Dans l'autre, elle grimperait jusqu'à 2°C. Les différences en termes de conséquences sur le niveau de l'eau ou les préservations des espèces sont énormes et c'est là, la nouveauté. "Il y a une nécessité d’urgence", souligne Roland Séférian, l'un des auteurs du rapport. "Chaque dixième de degré gagné sur le réchauffement attendu est important."
Eviter le "point de non retour"
Ce qu'il faut éviter, ce sont donc ces 2°C de hausse, l'objectif est le seuil de 1,5°C. Car au-delà, même si l'on trouve une solution miracle pour faire redescendre le mercure, les conséquences seront quand même irréparables. "Le point de non retour, ça veut dire qu’on met en question la réversibilité du système climatique", détaille Roland Séférian. Selon les projections, au rythme actuel, ce seuil d'1,5°C sera franchi entre 2030 et 2052. Et l'on ne parle pas de ne rien faire : si aucune politique n'était menée et que l'on choisissait le laisser-faire, le thermomètre pourrait grimper jusque 5,5°C en 2100 !
Pour sauver notre planète, il va donc falloir mettre les bouchées doubles et l'on sait que cela ne va pas être aisé. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent diminuer "bien avant 2030" de 45 % par rapport à leur niveau de 2010. Pour beaucoup, l'objectif est inatteignable. "Il faut avoir des doutes parce que c’est aussi ces doutes qui permettent de poser des questions et de pointer du doigt les responsabilités des uns et des autres, reconnait Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, mais "ce qui est sûr aujourd’hui c’est qu’on n’a plus le choix." Et d'ajouter : "si on veut limiter les conséquences du dérèglement climatique, les recettes sont maintenant connues."
1) Réduire drastiquement la production de charbon mais aussi de gaz et de pétrole
Quelles sont donc ces recettes ? "On parle de changements profonds dans nos modes de société. Pour exemple, il faut réduire de 2/3 notre consommation de charbon à l’échelle de la planète, quand on voit à quel point certains pays sont dépendants du charbon, c’est vrai que le challenge est particulièrement difficile à relever" note Jean-François Julliard mais il le faut.
Pour la première fois, le GIEC évoque aussi la diminution de la consommation de gaz et de pétrole. "Là on parle vraiment d’une transformation d’ampleur et immédiate" sans laquelle il ne serait "pas possible d’opérer une réduction drastique, c'est à dire notre objectif d'abattement de près de 50% des gaz à effets de serre", abonde le chercheur au centre de recherche de Météo-France.
2) Energies renouvelables et transports en commun
Chaque Etat va donc devoir adapter ses politiques publiques en termes d'énergies, mais pas seulement, l'industrie, le bâtiment, les transports ou encore la ville sont concernés. "En France, il y a deux échéances politiques immédiates", avance le président de Greenpeace. "La première c’est la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie qui est une sorte de feuille d’action sur la politique énergétique de la France et qui doit fixer un peu le cap en matière de production d’énergie". Le gouvernement doit maintenant rattraper le retard en termes d'énergies renouvelables.
"Les experts nous expliquent qu’il faudra à l’avenir se reposer à 80 voire 100% sur les énergies renouvelables pour produire notre électricité par exemple, on en est encore loin. Il faut rattraper ce retard là."
"Et la deuxième échéance c’est la loi sur les mobilités qui doit être discutée au Parlement d’ici la fin de l’année et qui doit faire en sorte qu’on ait une politique des transports en France qui repose moins sur le tout routier." Pour Jean-François Julliard, "il faut redonner de la place aux transports en commun, redonner de la place au transport ferroviaire, donner une vraie place aux modes de transport doux que sont la marche et le vélo en ville pour limiter la voiture et les émissions de CO2."
3) Vivre plus sobrement... et fermer ses comptes internet inutiles
"Il y a des changements à l’échelle macro qui sont gérés par nos décideurs", souligne Roland Séférian. "Mais il y a également des changements structurels liés à nos modes de vie. Les initiatives locales et même personnelles sont bonnes à prendre, tout ce qui va conduire à une logique de sobriété dans nos modes de consommation, dans nos demandes en énergie va avoir un effet positif".
Le chercheur cite en exemple les comptes inactifs sur Internet. Ils représentent "2% des émissions globales de dioxyde de carbone". Chaque personne, en demandant la suppression des comptes qu’elle n’utilise plus, peut induire une réduction des gaz à effet de serre. Un geste simple et pourtant très efficace.
4) Capturer le CO2
Dernière solution : "Retirer du dioxyde de carbone de l’atmosphère". On pense forcément à la reforestation, mais , dans l'immense majorité des scénarios étudiés par le rapport, cela ne suffira pas. La plupart des scénarios font en effet appel à des technologies à émissions négatives, c'est-à-dire de "retrait de CO2, ça peut être de la capture à la sortie des centrales, de la capture à la sortie des usines, mais aussi des technologies liées à la biomasse énergie ou à la pyrolyse des végétaux, la création de charbon artificiel, qu’on enfouirait dans le sol".
Il faut tout de même avoir en tête que ces technologies restent des sujets de recherche et qu'il n'est pas évident qu'une mise en place à l'échelle planétaire soit possible.
Ca coûtera toujours plus cher de s’adapter au réchauffement climatique que de réduire les émissions maintenant.
Jean-François Julliard
A la lecture du rapport, certains en sont ressortis quelque peu déprimés. Mais pour les spécialistes, au contraire, c'est un message d'urgence et d'espoir en même temps : "Il faut garder espoir sinon on ne fait rien et on attend que la catastrophe arrive", s'emporte Jean-François Julliard. Pour les experts du GIEC, la balle est dans le camp des décideurs.
"Aujourd’hui, la communauté scientifique dit ‘ce n’est pas impossible', par contre les transformations qu’elle suggère sont d’une ampleur inconnue jusqu’à ce jour, ce sont des changements profonds dans notre société’", martèle le co-auteur du rapport. "À nous en tant que citoyen ou acteur de prendre ces responsabilités, ça coûtera toujours plus cher de s’adapter au réchauffement climatique que de réduire les émissions maintenant."