MÉFIANCE – Annoncé comme (très) serré, le référendum de ce dimanche en Turquie suscite pourtant des doutes chez certains électeurs, opposés au président Erdogan, qui craignent des fraudes ou autres trucages. Ont-ils raison de s’inquiéter ? Le scrutin est-il joué d’avance ? Éléments de réponse.
Les doutes sont à la hauteur des enjeux du scrutin. Alors que la Turquie est appelée aux urnes ce dimanche dans le cadre d’un référendum sur le renforcement du pouvoir présidentiel incarné depuis 2014 par Recep Tayyip Erdogan, le scrutin s’annonce particulièrement serré. Selon les derniers sondages, le "Oui" n’est donné gagnant qu’avec une faible marge, avec un score compris entre 51% et 53% des suffrages. Une marge qui a eu tendance à se réduire ces derniers jours et pourrait profiter au "Non" sur le fil.
De quoi susciter l’espoir des détracteurs de l’homme fort du pays, mais pas seulement. Car malgré cette incertitude à l’issue potentiellement positive, les craintes de fraudes électorales sont loin d’être éteintes chez certains opposants à la réforme. Des étudiants d’Istanbul, partisans du "Non", nous confiaient ainsi que nombre de citoyens redoutent que tout soit joué d’avance en faveur d’Erdogan. Et si un semblant d’inquiétude existe dans la capitale économique, ce sentiment est encore plus grand en Anatolie orientale et du sud-est, à l’autre bout du pays.
Des pressions sur l’opposition ?
Comme le rapporte le site d’information Al-Monitor, consacré à l’actualité du Moyen-Orient, plusieurs parlementaires kurdes du parti d’opposition HDP ont récemment fait état de pressions des autorités - plus encore depuis l’instauration de l’état d’urgence après le putsch manqué de juillet 2016. Certains se sont inquiétés aussi des difficultés rencontrées pour promouvoir leurs idées et participer à la surveillance du scrutin. "Notre campagne pour le 'Non' a été entravée", affirme Sigel Yigitalp, députée HDP de Diyarbakir, selon qui les fonctionnaires de la région feraient parfois office d’un zèle excessif pour contenter Erdogan et son parti l’AKP. "Nos véhicules se font saisir, les membres de nos équipes de campagne se font emprisonner et les gens que nous avons désignés pour surveiller la bonne tenue de l’élection se font rejeter", détaille-t-elle.
Faut-il s’attendre alors à une manipulation des résultats par le pouvoir ? "Cela reste infiniment complexe à évaluer", nous explique Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la Turquie. "Qu’il y ait des tentatives d’empêcher des partis d’opposition de participer à l’observation des élections est possible, surtout dans l’est et le sud-est, où perdure un climat de tensions extrêmes, mais cela reste très difficile à justifier légalement, poursuit-il. Même si l’état de droit est un peu en perte de vitesse depuis quelques années, il n’a pas disparu totalement."
La Turquie n’est pas une République bananière
Didier Billion, directeur adjoint de l’Iris
"Localement, il est clair qu’il va y avoir des tentatives de fraudes, cela me paraît assez évident. Néanmoins, pour avoir vécu à deux reprises des élections en Turquie, le déroulement d’un scrutin est assez proche de ce qui se fait en France", souligne Didier Billion qui n’exclut pas cependant la possibilité de pressions. "On n’est pas à l’abri de tentatives de manipulations diverses et variées." Il considère en tout cas que le scrutin n’est absolument pas joué d’avance. "Les jeux ne sont pas faits, c’est clair et net et les éventuelles fraudes peuvent donc avoir leur relative importance. Mais, encore une fois, frauder n’est pas chose aisée ; la Turquie n’est pas une République bananière."
Un saut dans l’inconnu
Une chose est sûre : l’issue du scrutin sera capitale. Erdogan a beaucoup donné de sa personne dans la campagne et sortirait hautement renforcé en cas de victoire. Il subirait en revanche un pur camouflet en cas de défaite. "Depuis qu’il est au pouvoir en 2002, Erdogan a remporté douze consultations électorales sur douze, rappelle Didier Billion. Et en 2014, il a été élu au premier tour à la présidentielle. Il lui reste donc une base solide, mais celle-ci est en train de s’effriter." Le chef de l’Etat perd en effet des voix là où il en gagnait autrefois : sur les questions économiques. "L’économie est en perte de vitesse, c’est un élément important de ce référendum. Erdogan a bâti sa popularité sur les bons résultats économiques et une partie de son électorat pourrait le lâcher sur ce référendum."
Possible aux yeux des observateurs, donc, et si l’on se fie aux sondages, la victoire du "Non" pourrait néanmoins ne pas signer la fin du leader à la main de fer pour autant. "Si le 'Oui' ne passe pas, Erdogan ne démissionnera pas et restera en poste jusqu’en 2019. Ce n’est pas De Gaulle en 1969, s’amuse Didier Billion. Mais ce serait un échec patent pour lui. Une bête blessée peut devenir dangereuse et il pourrait très bien devenir encore plus autoritaire. Rien n’est certain, mais on sera dans tous les cas face à une nouvelle séquence politique d’une importance considérable."
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